Montréal – Un parti anti-automobile

Le nouveau parti politique municipal Projet Montréal veut décourager l’usage de l’automobile, promouvoir un développement durable et installer un réseau de tramways à Montréal.

Montréal – Un parti anti-automobile

La haine des automobiles et la volonté de leur barrer le chemin peuvent-elles constituer une politique ? Absolument, dit Richard Bergeron, chef de Projet Montréal (PM), un parti qui vient d’émerger sur la scène municipale de la métropole. Autorisé par le directeur général des élections le 7 juin, PM veut briguer la gouverne de Montréal aux prochaines élections municipales ; prévues pour novembre 2005, elles pourraient bien se tenir plus tôt en raison des défusions.

La décision de Richard Bergeron de plonger en politique provient d’une exaspération de voir le Québec « produire les plus beaux rapports du monde, fondés sur les meilleurs principes, mais qui ne débouchent jamais sur des actions concrètes ».
Auteur, notamment, du Livre noir de l’automobile (Éd. Hypothèse, 1999, 435 p.), M. Bergeron est pour l’instant le chef et l’unique membre connu de PM, à part son agent officiel, M. Claude Mainville. Intellectuel bardé de diplôme et qui insiste pour dire qu’il ne possède pas d’auto, Bergeron est architecte, urbaniste et détient en plus un doctorat en aménagement. Pendant ses études, il a été chauffeur de taxi à temps partiel, ce qui l’a amené à « parcourir au moins 100 000 km dans Montréal », précise-t-il en entretien au Devoir. Son métier actuel : responsable des analyses stratégiques à l’Agence métropolitaine de transport.

Exaspération

La décision de M. Bergeron de plonger en politique provient d’une exaspération de voir le Québec « produire les plus beaux rapports du monde, fondés sur les meilleurs principes, mais qui ne débouchent jamais sur des actions concrètes ». Lui-même a participé à la rédaction de certains de ces documents, tel le Cadre d’aménagement 2001-2021, pour le ministère de la Métropole. Et il en veut aux « politiciens professionnels » de ne jamais rien faire en ces matières. Au sujet de Gilles Duceppe, par exemple : « il répète constamment que « Kyoto, c’est important », mais que fera-t-il de concret ? Je crains que pour lui, Kyoto ne soit qu’un buzz word. » M. Bergeron soutient que son groupe et lui ont conclu « que s’ils devaient continuer à compter sur les politiciens professionnels (…) jamais ne verrait-on l’ombre du début de la mise en oeuvre d’un projet de développement urbain équitable et durable pour Montréal ». Sur son site Web touffu (www.projetmontreal.com), M. Bergeron va jusqu’à citer Socrate : « la punition la plus sévère est d’être commandé par quelqu’un de plus médiocre que soi, si l’on ne consent pas à gouverner soi-même. »

Programme

La philosophie de PM peut être résumée en trois mots : développement durable et équité. Un des principes cardinaux est bien sûr de mettre « la personne avant la voiture ». Au dire de M. Bergeron, le parc automobile à Montréal a crû de 300 000 véhicules entre 1987 et 1998. « Deux cent mille véhicules de plus se sont ajoutés depuis cinq ans. » Or, l’auto est « une machine à détruire la ville et à produire des sous-villes ». Même si elle était écologique, « on ne sera pas plus avancé sur un plan urbain », dit-il.

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Ce qui conduit PM à suggérer un ensemble de mesures radicales, afin de réduire la circulation automobile au rythme de 2,5 % par année. À moyen terme, PM viserait une réduction de « 50 % au centre-ville et dans les quartiers centraux, de 25 % dans les banlieues de Montréal ». PM rendrait plusieurs artères complètement piétonnes : la rue Sainte-Catherine, par exemple, entre Guy et Papineau. M. Bergeron, qui habite le centre-ville, dit qu’actuellement, la Sainte-Catherine prend l’allure d’un « lieu d’étalage de virilité mécanique ». Il en a notamment contre les véhicules de type Hummer, Porsche Cayenne, etc. Des « monstres polluant », incarnations d’une « démesure de puissance », propriétés « d’irresponsables ».

Une fois à la mairie, M. Bergeron dit qu’il favoriserait les modes de transport durables, comme le vélo. Il implanterait aussi un réseau de « nouveaux tramways », tels ceux qui ont fait leurs preuves en France à Strasbourg, Lyon, Bordeaux et Grenoble. Autres mesures en vrac : réduction à 40 km/h de la vitesse maximale de circulation sur le territoire de Montréal, hors réseau autoroutier ; interdiction de la circulation des poids lourds dans les quartiers résidentiels ; instauration d’une taxe sur les stationnements non résidentiels et hors rues. Le parti PM prendrait aussi des mesures draconiennes pour réduire le bruit en ville, notamment en interdisant les alarmes sonores anti-vol et les indicateurs sonores de verrouillage des portes. Outre le transport, PM agirait aussi dans le domaine du logement social.

Congrès

M. Bergeron se veut plutôt discret sur le nombre de membres que compte sa formation. « Je me ferai un devoir d’avertir les médias lorsque nous aurons atteint le chiffre de 2000 membres », dit-il. Plus sérieusement, il prétend que « dans les milieux du développement urbain durable montréalais », il compte plusieurs sympathisants qui se manifesteront en temps et lieu. « Ils ne veulent pas sortir tout de suite, ça pourrait les mettre dans une situation inconfortable, parce qu’ils ont des emplois à la Ville ou en lien avec la Ville », explique-t-il. Il affirme que le congrès de fondation de PM se tiendra cet automne, en octobre ou en novembre.

Antoine Robitaille
mercredi 30 juin 2004
Sur le Web: Le Devoir, 30 juin 2004