La réussite des péages urbains

Depuis 2003, Londres a mis en place un système de péage urbain dans sa zone centrale. Singapour avait initié ce type de démarche dès 1975 et l’a renforcé en 1998. Aujourd’hui, se pose de plus en plus la question de mettre en place un péage urbain à Paris. C’est l’occasion de réaliser un bilan des péages urbains.

François Mirabel a présenté en septembre 2004, lors du colloque MONDER à Quebec, un bilan complet de la mise en place des péages urbains. Voici quelques éléments-clé de la conclusion de son étude ainsi que des références bibliographiques concernant les péages urbains, en particulier à Londres et Paris.

« Le 17 février 2003, Londres met en place un péage de 7,5 euros à l’entrée de la ville avec l’objectif clair de limiter le nombre total d’automobilistes qui circulent dans la zone centrale. Quelques mois plus tard, le trafic routier a baissé de 16% dans cette zone, le trafic de voitures particulières diminuant de 30%. Dans le même temps, la clientèle des bus londoniens à destination de la zone centrale a progressé de 14% entre 8 et 9heures du matin.(…) Le rapport TFL 2004 fait état d’une baisse sensible des consommations de carburant et des émissions de polluants dans la zone centrale (baisse de 20% de la consommation de carburant et de 19% des émissions de dioxyde de carbone.

A Singapour, depuis 1975, le péage de zone a permis de diminuer la circulation de 45% avec un report important du trafic sur les bus. Le nouveau péage de pointe mis en place en 1998 a permis de diminuer encore un peu plus le trafic automobile en améliorant ainsi les conditions de mobilité dans la ville.

Ces deux exemples montrent que l’instauration d’un péage ayant pour objectif clair d’internaliser les externalités entraîne bien les effets mis en évidence par la littérature théorique à savoir, un fort impact sur le niveau de trafic automobile. De plus, il semblerait que le mythe persistant selon lequel les populations sont très hostiles à la mise en place d’un péage s’effondre. A Londres (TFL 2003), le nombre d’opinions favorables au péage a largement augmenté dès le mois de mars 2003, passant de 39 à 57%.

Les enquêtes citées dans le rapport CUPID (2003) montrent que dans les villes où le péage a été introduit, les opposants sont moins nombreux. A Oslo, 70% de la population était opposée au péage juste avant sa mise en place. Juste après son introduction, les opposants n’étaient plus que 64%. En 2003, seul 54% de la population est hostile à la mise en place d’une tarification sur les voiries urbaines. De la même manière à Trondheim, les personnes hostiles au péage représentaient 72% de la population avant la mise en place du péage. Ils n’étaient plus que 35% à considérer de manière négative le péage deux ans après sa mise en place.

Lire aussi :  La "Ville carcérale" et son "Tram Miroir"

A Singapour et à Bergen, 2/3 de la population était opposé à cette politique de tarification des infrastructures juste avant la mise en place du péage. En 2003, plus de la moitié de la population sondée se déclare favorable à la mesure.

Comme nous l’avons souligné, le degré d’acceptation du péage est très étroitement lié à l’objectif affiché et à l’affectation des recettes: un péage environnemental avec redistribution des recettes vers les transports collectifs semble être l’option la plus efficace au niveau de l’internalisation des externalités de pollution, et la plus juste dans la mesure où elle permet de compenser, en partie, les effets redistributifs du péage urbain.(…)

Les expériences de Londres et de Singapour montrent ainsi que de vieux mythes s’effondrent, notamment la croyance selon laquelle la demande de mobilité croît sans limite. Le développement de la voirie urbaine et l’option d’une mobilité choisie n’a fait que renforcer cette croyance en suscitant de nouveaux déplacements en automobile. Le péage urbain se fonde sur la logique inverse : modifier les conditions de mobilité aujourd’hui en contraignant l’usage de l’automobile et en développant les transports collectifs pour une mobilité choisie de qualité demain: c’est le fondement du péage urbain pour une mobilité durable dans les grandes agglomérations. »

Sources:
Les péages urbains : une solution pour un développement durable des villes?
François MIRABEL, Colloque MONDER, 14 Septembre 2004, QUEBEC

Pour en savoir plus sur les aspects économiques des péages urbains, ainsi que sur les possibilités de transposition de l’exemple londonien à la ville de Paris:
Economie des effets distributifs de la tarification de la circulation en zone urbaine
Matthieu GLACHANT, Benjamin BUREAU
Rapport final – Juillet 2004 (Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris)

Pour en savoir plus le péage urbain de Londres, voir les notes de synthèse sur Service Economie et Statistiques du Ministère de l’aménagement et du développement durables:
Le péage urbain de Londres, Guillaumette Abadie, mars-avril 2003.
Le péage urbain de Londres un an après, Guillaumette Abadie, mai-juin 2004.
L’extension probable du péage urbain de Londres, Certu, août 2005.

Concernant le projet de péage urbain à Paris et plus généralement dans la région Île-de-France, voir le Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF), Mobilité et transport en Île-de-France – Péage urbain, État des lieux.

Voir aussi le dossier du site internet les Dossiers du Net : Péage urbain : une solution pour Paris?

5 commentaires sur “La réussite des péages urbains

  1. Muad'dib

    Les péages urbains ont leur efficacité, mais il faut voir qu’en imposant une contrainte financière, on pénalise avant tout les plus pauvres au lieu de pénaliser ceux qui ont le moins besoin de leur voiture.

    A Paris, le choix a été fait de diminer le nombre de voies de circulation – par exemple par l’installation de couloirs de bus et de « quartiers verts », ce qui a diminué la circulation de 11% en 3 ans et demi. Certes, contrairement au péage urbain, cela n’a pas diminué les embouteillages (on a réduit le diamètre du tuyau 🙂 ), mais cela a diminué la pollution et le bruit tout en donnant plus de place aux piétons.

    Le péage a l’avantage d’apporter une manne financière… mais si elle n’est pas consacrée à une vraie redistribution de l’espace urbain des voitures vers les piétons/cyclistes/bus, la vi(ll)e ne change pas !

  2. Delanoe

    A Londres, les automobilistes devront payer encore plus cher pour circuler.

    AFP – 03.07.05

    LONDRES (AP) — Les automobilistes devaient déjà payer cinq livres (7,30 euros) pour circuler dans le centre de Londres: désormais, ils devront s’acquitter de huit livres (11,80 euros) au titre de la «taxe anti-bouchons». Le maire de la ville, Ken Livingstone, espère ainsi réduire le trafic de 35% supplémentaires.
    L’instauration d’un péage à l’entrée du centre de la capitale, en février 2003, a déjà permis de diminuer de 15% le nombre de véhicules qui encombrent la ville, sur les 20% visés, selon «Transport for London», l’agence municipale chargée de ce péage.
    Ken Livingstone a promis qu’il n’y aurait pas d’augmentation de la taxe, qui avait donné lieu à une intense polémique lors de son lancement, d’ici la fin de son mandat dans trois ans.
    La municipalité envisage cependant de quasiment doubler en septembre la zone de 22 kilomètres carrés sous péage, en augmentant sa surface de 75%.

  3. Denis Baupin

    Le chef de files des Verts à Paris veut taxer les autoroutes et le périph’

    PARIS (AFP) — Denis Baupin, tête de liste Verts dans la capitale aux prochaines municipales, souhaiterait rendre les autoroutes franciliennes et le périphérique parisien payants pour financer les transports collectifs.

    « On veut réserver une voie aux bus, taxis, véhicules propres, covoiturage et véhicules d’urgence sur le périphérique et les autoroutes franciliennes », explique l’adjoint aux transports du maire de Paris Bertrand Delanoë, dans un entretien au Journal du dimanche.

    Mais les écologistes parisiens entendent aussi « rendre ces axes payants pour financer les transports collectifs », ajoute-il

    Il défendent « la création d’un Pass mobilité qui permettrait l’accès aux transports collectifs, à Vélib’, à deux courses de taxi par mois à tarif réduit et à un dispositif d’autopartageé », poursuit M. Baupin.

    Parmi les nombreuses autres mesures préconisées par les Verts, figure la création d’une « carte fruits et légumes qui permettra aux bénéficiaires à faibles revenus de pouvoir acheter 40 euros de fruits et de légumes bio par mois ».

    Interrogé sur les sondages qui donnent autour de 5% aux listes des Verts, il affirme que les écologistes sont « raisonnablement optimistes pour faire un score à deux chiffres », faisant valoir que « la campagne n’a pas commencé ».

  4. Anonymous

    L’Etat fait le Paris du péage urbain

    Libération
    Une étude veut montrer aux élus franciliens les atouts du dispositif.

    Se méfier des emballages anodins : ils contiennent parfois des bombes. C’est le cas de l’austère «contribution déplacements» de la direction régionale de l’Equipement d’Ile-de-France (Dreif) à la révision du schéma directeur de ladite région, document que Libération s’est procuré. Sous le titre peu engageant «12 propositions de la Dreif», se cache une treizième, explosive : l’instauration d’un péage urbain dans les premiers arrondissements de Paris, pour tout Paris, ou même un peu plus. L’épouvantail de Londres ou de Singapour (lire ci-contre) est ainsi agité, par l’Etat, sous le nez des élus franciliens et parisiens, qui n’ont jamais voulu d’une telle solution, à leurs yeux trop impopulaire auprès de l’électeur. Ce que les élus attendent de l’Etat, c’est qu’il pioche dans sa cagnotte pour financer le retard des transports collectifs. Avec sa proposition, l’Etat répond : 1 ­ qu’il n’a pas d’argent ; 2 ­ qu’on peut en trouver ailleurs.

    «Tabou stupide». Francis Rol-Tanguy, directeur régional de l’Equipement, espère que la proposition de la Dreif aura comme effet de lever «un tabou stupide», nourri notamment par l’exemple londonien, où la zone à péage, accessible pour 8 livres, recouvre le quartier d’affaires de la City. Une ségrégation sociale inacceptable aux yeux de la gauche parisienne. «Il est faux de prétendre qu’en matière de péage urbain, il y a soit la méthode Londres, soit rien, s’insurge Rol-Tanguy. Les politiques devraient décider la création d’une mission pour aller étudier ce qui se fait à Londres, Stockholm ou Singapour et élaborer ensuite une formule à nous.»
    Le document de la Dreif contient déjà le début du travail. Dans un langage décomplexé, les fonctionnaires qui l’ont rédigé s’en prennent à chaque facette du «tabou». Ils évoquent ainsi «l’acceptation sociale». On peut l’obtenir, écrivent-ils, par «l’amélioration sensible et visible du service rendu aux usagers» (informations en temps réel, haute qualité des routes, meilleure sécurité dans les tunnels, secours plus rapides). Les auteurs de la contribution évoquent aussi «l’efficacité» du péage, en clair ce qu’il rapporte. Dans l’exemple anglais, les résidents bénéficient «d’un rabais de 90 %». Plus on agrandit la zone, «plus la part des « résidents » qui circulent sans entrer ni sortir du périmètre est importante et donc plus l’efficacité décroît». Et les recettes avec. Pas de gants non plus pour décrire les technologies à mettre en oeuvre. Les Britanniques utilisent la reconnaissance des plaques d’immatriculation par caméra, les Allemands la géolocalisation pour faire payer les poids lourds sur leurs autoroutes gratuites. Les voies rapides franciliennes, «entièrement câblées avec fibre optique», sont prédécoupées pour des solutions technologiquement osées. Mais on peut se contenter de «la technique toute simple de l’affichage d’une vignette assortie de contrôles de police». Voilà pour le bâton.
    Recettes générées. Côté carotte, le document décrit toutes sortes de formules. Le paiement pourrait «inclure l’utilisation gratuite des transports en commun», ou encore le prix du stationnement «éventuellement avec garantie de trouver une place». Le mariage du péage et de la carte orange pourrait aboutir à «une carte multimodale» donnant à la fois accès aux voies rapides et aux transports en commun. Autre version : taxer les déplacements sur voies rapides seulement le jour. Avec cet arsenal, les services de l’Etat plaident que les recettes générées pourraient financer les transports collectifs ou les modes alternatifs à la route, en particulier pour les marchandises. Le texte fournit la simulation suivante : si l’on fait payer uniquement l’accès au réseau des voies rapides comprises dans le périmètre de l’anneau de l’A86, on peut facturer à la distance parcourue. En ne taxant que les poids lourds, on dégage 300 millions d’euros par an. Avec les voitures, le double. En Ile-de-France, l’Etat et la région investissent environ 200 millions par an, rien que pour le routier.
    Côté transports collectifs, les additions sont pires. La rocade de métro de première couronne, que les élus d’Ile-de-France veulent lancer, coûte plus de 4 milliards d’euros. En l’évoquant il y a deux semaines, Bertrand Delanoë, maire PS de Paris, stigmatisait «le désengagement de l’Etat» du financement des transports de «la première région d’Europe». Trois jours plus tard, Dominique de Villepin citait le péage urbain parmi les mesures possibles d’une fiscalité environnementale. En voilà le mode d’emploi.

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