Action terroriste socialement acceptable

Avec Attentat #10, un projet de distribution de fausses contraventions écolos, l’ATSA veut susciter une réflexion sur notre univers paradoxal où, en dépit des menaces climatiques, les gros véhicules s’imposent comme rois et maîtres de la route.

Action terroriste socialement acceptable

Entre le 15 août et le 21 septembre 2005, l’ATSA (Action terroriste socialement acceptable) compte distribuer 10 000 formulaires de «contravention» à tous les citoyens qui souhaitent participer au projet Attentat #10.

L’ATSA espère ainsi recruter une brigade de piétons, cyclistes, adeptes du transport en commun ou même automobilistes raisonnables, qui distribueront ces P.V. à tous ceux qui les énervent avec leurs véhicules surdimensionnés, leurs minounes polluantes et leurs démarreurs à distance. Citoyens, à vos stylos!

«Il y a de plus en plus d’engins énergivores qui polluent notre air et dominent notre champ de vision. Ces véhicules ne sont pas aérodynamiques, sont dangereux et consomment plus d’énergie. À nos yeux, les grosses voitures incarnent une opulence, une arrogance bien symboliques de notre manière de vivre en Occident, qui est d’ailleurs responsable de tous les maux sur la planète!» énonce Annie Roy, cofondatrice (avec Pierre Allard) de l’ATSA.

Pour ce tandem d’artistes qui n’en est pas à sa première croisade contre le triomphe de la voiture, réfléchir sur les méfaits de la surconsommation c’est bien, mais ça ne change pas le monde. Alors que donner la parole aux citoyens préoccupés par la qualité de l’air et l’avenir de la planète, voilà une invitation qui devrait satisfaire tous ceux qui en ont marre de pester dans le vide contre les pollueurs impénitents.


Contravention écologique de l’ATSA

«Il est temps de dire qu’il n’existe pas seulement le droit d’acheter, mais aussi le droit de dire : «Moi, ça ne fait pas mon affaire que t’achètes ça. Parce que ce n’est pas TON air que tu pollues, c’est le mien. Et je suis obligée de respirer pour vivre.» Il faut que les gens comprennent qu’ils ont une responsabilité comme acheteurs et comme conducteurs.»

Attentat à la voiture toxique

Avec Attentat #10, ATSA veut susciter une réflexion sur notre univers paradoxal où, en dépit des menaces climatiques, les gros véhicules s’imposent comme rois et maîtres de la route.

«Nous savons tous les problèmes que la surconsommation d’énergie engendre sur l’environnement, la biodiversité, la faune et la santé humaine. Et pourtant, on continue de consommer ces véhicules qui sont de plus en plus gros. Pourquoi? Pour une fausse sécurité et un faux sentiment de liberté, et pour afficher sa réussite sociale. À l’ATSA, on considère que ces véhicules sont vendus comme les cigarettes des années 1950. C’est un cadeau empoisonné», dit cette artiste engagée qui n’a pas l’habitude de mâcher ses mots.

D’autres groupes militants d’un peu partout dans le monde ont déjà adopté l’idée de la «contravention» comme méthode pour sensibiliser directement les délinquants environnementaux. Mais c’est sa dimension artistique qui donne à Attentat #10 sa singularité.

«Les contraventions sont numérotées de 1 à 10 000 et donc possibles à retracer. Pour l’ATSA, c’est une manière de rendre la population active et partie prenante d’une oeuvre ludique et tout à fait pacifique.»

Les propriétaires de véhicules surdimensionnés, ceux qui laissent tourner leur moteur au ralenti et les utilisateurs de démarreurs à distance pourront écoper d’une contravention de l’ATSA. Les brigadiers pourront coller aux véhicules mal entretenus un «48 heures.»

«On ne veut pas que les gens soient agressifs avec les conducteurs», nuance Annie Roy, qui est fermement convaincue de l’urgence d’amener les opposants aux VUS et autres 4×4 à sortir de leur mutisme. Pour ce faire, il faut que l’intervention souligne à gros traits qu’un geste contre l’environnement a été fait.

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«Quand tu fais juste donner de l’information aux gens, on te répond que ce n’est pas de tes affaires. Mais vraiment, où se situe la limite entre la propriété privée et la propriété publique? Est-ce que parce que ces voitures sont sur le marché, t’as le droit de les consommer parce que c’est de TES affaires et non celles des autres? Mais en réalité, les véhicules non entretenus, qui consomment beaucoup, affectent la qualité de vie de tout le monde et l’espérance de vie de chacun de nous.»

La marche vers l’air pur

Pour décourager les acheteurs d’opter pour les gros véhicules, Annie Roy prône l’augmentation de la taxation et l’augmentation des assurances en fonction de la cote environnementale du véhicule. Le prix des places de stationnement devrait selon elle être proportionnel à la taille des voitures.

En revanche, l’artiste déplore le manque d’encouragements fiscaux donnés aux sans-voitures.

«On vit dans un monde où règne la pensée magique, où l’on s’imagine que malgré tous les faits, les statistiques, les catastrophes écologiques n’arriveront pas. En revanche, on entend souvent l’argument selon lequel il est trop tard de toute façon, et que ça ne sert à rien de faire un effort.»

L’effort que propose l’ATSA aux citoyens est tout autant punitif que réactif. Pour créer une contravention réaliste qui donnera une bonne frousse aux contrevenants, le duo d’artistes a étudié le graphisme et la terminologie de contraventions de plusieurs villes.

«Nous voulons qu’ils vivent la même réaction que lorsqu’ils reçoivent une contravention. Ils vont se dire mais pourtant je suis bien stationné?, avant de constater qu’on les accuse de nuire à l’environnement», explique Annie Roy. «Ils peuvent même nous encourager en nous envoyant de l’argent!» dit l’artiste, en rappelant qu’ATSA veut encore une fois utiliser l’humour pour «brasser la cage».

Les brigadiers d’Attentat #10 auront le loisir de choisir le nombre de contraventions qu’ils veulent donner. Les brigadiers y inscriront le numéro de plaque et poseront la contravention sous les essuie-glace.

Au dos du document, figurent des suggestions (bilingues) ainsi que des références sur le règlement concernant les moteurs qui tournent au ralenti. «On ne fait pas juste bitcher. On suggère par exemple aux gens de vivre à proximité de leur travail, de conduire moins, de privilégier les transports en commun…»

Un carton rigide et trois copies carbones de chaque contravention leur seront remis: la première ira au contrevenant et les deux autres copies seront envoyées à l’ATSA, dont l’une sera mise en exposition à l’exposition collective Débraye: voiture à Controverse, à la Fonderie Darling et l’autre sera envoyée à la Ville de Montréal, afin d’appuyer le lobby pour la qualité de l’air et de vie.

L’escouade improvisée aura jusqu’au 22 septembre (Journée sans voiture) pour coller ces PV d’apparence réaliste aux pare-brise des conducteurs pris en flagrant délit de pied de nez au protocole de Kyoto.

«En affichant les contraventions à l’exposition de la Fonderie Darling, ça deviendra vraiment une oeuvre collective.»

La distribution des «contraventions» commence le 15 août 2005 et se poursuivra pendant les heures de bureau de l’ATSA jusqu’au 21 septembre 2005. Il faut aller les chercher aux locaux de l’organisme, au 4430 rue Drolet, métro Mont-Royal. Info: www.atsa.qc.ca ou (514) 844-9830.