Faire payer l’usage de l’automobile

Malgré ce que beaucoup d’automobilistes pensent, le coût global de l’automobile pour la société n’est pas entièrement répercuté sur les conducteurs (coûts sociétaux et environnementaux).

Ainsi, selon l’Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale (AFSSE), «les divers externalités qu’engendre le trafic automobile sont supérieures aux montants payés via les péages et la fiscalité sur les carburants».(1)

Du point de vue des enjeux planétaires liés au réchauffement climatique, la mobilité facilitée par l’automobile doit nécessiter, selon Marc WIEL , «une mutation des comportements qui concerne des millions d’usagers accoutumés aux avantages apportés par l’automobile sans être accoutumés à en payer le vrai prix».(2)

Cette politique de «vérité des coûts» est l’un des préalables à une réduction de l’auto-mobilité. Plus l’usage de l’automobile sera coûteux et moins il y aura de voitures sur les routes!

Il faut donc développer les péages urbains dans tous les centres des agglomérations. Les expériences menées dans ce domaine par quelques villes pionnières (Singapour, Oslo, Trondheim, Bergen et Londres par exemple) montrent que les péages urbains permettent de réduire de manière significative le trafic automobile et augmentent l’utilisation des transports en commun.(3)

Egalement, l’idée reçue selon laquelle les péages urbains se heurteraient à l’hostilité des populations est démentie par les faits. Dans la plupart des cas, les enquêtes d’opinion réalisées dans les villes citées précédemment montrent que la population est en général contre le principe du péage urbain avant sa mise en place puis largement favorable à cette solution quelques mois après sa mise en place.

Selon François MIRABEL, «un péage environnemental avec redistribution des recettes vers les transports collectifs semble être l’option la plus efficace au niveau de l’internalisation des externalités de pollution, et la plus juste dans la mesure où elle permet de compenser, en partie, les effets redistributifs du péage urbain». En d’autres termes, les recettes des péages urbains doivent être affectées en priorité au développement et à l’amélioration des réseaux de transports en commun.

A terme, il semble nécessaire d’envisager une taxe d’usage de l’espace public (grâce à la mise en place de GPS sur toutes les voitures), ce qui permettrait de faire varier les tarifs entre l’utilisation de la route en campagne à 3h du matin et en ville à l’heure de pointe. Toutes ces nouvelles recettes seraient redistribuées aux transports en commun.(4)

Il est également nécessaire de supprimer les avantages fiscaux accordés aux automobilistes (à transférer vers ceux qui utilisent le vélo pour aller au travail), de taxer spécifiquement la publicité automobile (impôt d’Etat) ainsi que les véhicules inadaptés au milieu urbain comme les 4×4 (impôt pour les collectivités locales) et de rétablir la vignette mais sous forme de vignette écologique (dont le produit ira à la création de parcs urbains et d’espaces piétonniers).

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Concernant la vignette écologique, la mesure mise en place par le gouvernement français en 2005, et qui consiste à faire varier le prix de la vignette en fonction des émissions de CO2 des automobiles, constitue un premier pas important.

En l’état, il s’agit de faire payer aux automobilistes deux euros par gramme de CO2 au kilomètre à partir de 200 grammes et quatre euros à partir de 250 grammes. Cette mesure a l’avantage de taxer spécifiquement les véhicules les plus polluants et les moins économes en énergie (grosses berlines, 4×4, etc.), mais elle ne doit s’appliquer qu’à environ 8% des véhicules (ceux dépassant 200 grammes d’émissions de CO2 au kilomètre).

Cette exemption des véhicules dont les émissions ne dépassent pas les 200 grammes de CO2 par kilomètre ne se justifie pas, car elle crée artificiellement une forte inégalité de traitement entre les véhicules ayant des émissions de CO2 de 190 grammes par kilomètre et ceux dépassant tout juste les 200 grammes.

Il semble donc nécessaire de généraliser le principe de vignette écologique à tout véhicule motorisé, de manière proportionnelle aux émissions de CO2. Les petits véhicules ou les plus économes seront donc moins taxés, mais le principe de la taxe, même peu élevée, permet malgré tout une prise de conscience et responsabilise ainsi les automobilistes.

(1)AFFSE, Impact sanitaire de la pollution atmosphérique urbaine, rapport 2, Proposition de scénarios pour la poursuite d’actions en faveur de la réduction de la pollution atmosphérique, de l’exposition chronique de la population en milieu urbain et des risques sanitaires, décembre 2004.
(2)WIEL M., La transition urbaine ou le passage de la ville pédestre à la ville motorisée, Architectures + Recherches / Mardaga, 1999.
(3)MIRABEL F., Les péages urbains: une solution pour un développement durable des villes?, Colloque MONDER, 14 Septembre 2004, QUEBEC.
(4)http://carfree.fr