Flambée du prix de l’essence : non au boycott


Vous savez que le Monde a changé quand la consommation de votre voiture coûte plus cher que la votre.

par Jean-Denis Laberge

Je ne suis pas du tout en accord avec les messages Internet qui circulent actuellement pour les fameux boycotts de tous genres dont on entend parler à chaque hausse de prix de l’essence à la pompe.

Je m’explique… Tout d’abord, dans la très grande majorité des stations services, les détaillants ne sont pas des propriétaires… ils ne tiennent donc aucun inventaire; ils reçoivent simplement une ristourne fixe sur ce qui est vendu, peu importe le prix de détail au litre. Même lorsqu’on assiste à une hausse faramineuse de 25 centimes comme ce fut le cas récemment. Ce sont les raffineurs qui s’en mettent plein les poches présentement car ils peuvent avoir payé leur pétrole brut lorsque le prix était beaucoup moindre au baril et ils empochent alors le gros lot. La marge de raffinage est actuellement 3 à 4 fois trop grande alors qu’on dit qu’une marge de 10% est considérée comme plus que suffisante, on parle actuellement de 30 à 40% de marge de profit de la part des raffineurs (1)…

Concernant les caisses de l’état, contrairement à la croyance populaire, elles ne sont pas mieux remplies lorsque le prix monte. Il s’agit d’un montant fixe au litre déterminé en fonction de l’inflation et de certaines décisions arbitraires.

Pourquoi s’attaquer aux détaillants qui sont le dernier maillon dans la chaîne? Dans certains messages circulant sur l’Internet, on dit qu’il n’y a pas de pénurie de pétrole et on laisse entendre que ce dernier est une denrée moins rare qu’avant. Complètement faux. Il en coûte de plus en plus cher pour extraire le pétrole que l’on va chercher de plus en plus loin sous les profondeurs marines. Bien entendu, cela n’explique pas du tout par contre pourquoi on est passé, en l’espace de 6 ans, de 17$ le baril à 67$ aujourd’hui avec un record à plus de 70$ il y a à peine quelques jours. Je soupçonne qu’à 25$ le baril, les compagnies pétrolières ne doivent pas perdre d’argent. Certaines informations stipulent que le coût d’extraction se situe entre 6$ et 15$ le baril en fonction des endroits du monde et des installations.

Ceci dit, le prix du baril de pétrole est tout à fait scandaleux et inconcevable. Pourquoi si cher? Car nous sommes dans un monde capitaliste où le marché boursier fait loi. Pendant que la production totale stagne, la demande explose depuis les dernières années. La Chine et l’Inde ont une croissance exponentielle de 8 à 10% de leur P.I.B. par année (2). À eux seuls, ces deux pays représentent 30% de la population de la planète… Il faudrait leur en vouloir de faire ce que nous avons fait 50 ans avant eux? Si les pays en voix de développement consommaient comme les pays occidentaux (en particulier les États-Unis et le Canada), les experts et scientifiques s’entendent pour dire qu’il nous faudrait 3 à 4 planètes terre pour répondre aux besoins d’aujourd’hui en ressources naturelles!


Le prix du pétrole s’envole

Il ne faut pas se leurrer, nous sommes actuellement dans une crise pétrolière et les chances (ou plutôt les malchances!) sont bonnes que cela nous entraîne dans une récession mondiale étant donné les coûts associés au transport des marchandises. On estime par ailleurs que certaines parties du globe, dont l’Amérique du Nord, devraient s’en tirer mieux. Ceci dit, rien n’est trop rose pour nous, surconsommateurs de cette terre en péril.

Les vraies solutions, selon moi, c’est d’encourager les détaillants indépendants, de faire du co-voiturage, sortir les vélos pour travailler lorsqu’il fait beau… Pourquoi ne pas cesser également de subventionner événements récréatifs motorisés (supers moto-cross, grand prix de formule 1…). Il faut aussi continuer de développer des axes urbains cyclables pour permettre à ceux qui le désirent de se rendre au travail et faire leurs commissions de façon sécuritaire. Ceci dit, ces solutions de développement durable n’entraîneront pas une baisse significative des cours du pétrole à moins que les citoyens-ennes du monde entier emboîtent le pas.

Lire aussi :  Des biocarburants à l'huile de palme ? Stop au délire TOTAL

Au niveau gouvernemental, il faudra faire le choix d’un réinvestissement massif dans les transports en commun. Le développement des véhicules hybrides devra se faire de façon accélérée. On doit investir davantage dans la recherche pour des véhicules propres et abordables dont l’énergie ne provient pas d’un dérivé du pétrole. En 2005, ce n’est pas dans le béton des autoroutes ou dans les nouveaux ponts qu’il faut investir. C’est plutôt dans le transport en commun novateur et adapté aux besoins des agglomérations urbaines. Trains de banlieue, métros, autobus, taxibus… Actuellement, ce n’est pas du tout ce qu’on préconise avec le gouvernement en place (3)…

Il y a une lettre parue le 16 août dernier dans le journal le Devoir dont le titre était: le pétrole, pas assez cher! De quoi faire sursauter bien des lecteurs… À 1,5 euro le litre était-ce assez cher?! C’est juste quand ça fait mal au portefeuille que les gens se réveillent. À ce que je constate, le réveil n’est pas encore sonné car on voit mal ce que l’on peut faire chacun individuellement pour sauver sa tonne annuelle d’émission de gaz à effet de serre. Chaque problème auquel l’humanité fait face a toujours un côté positif.

En parallèle avec la crise du pétrole, l’ouragan Katrina

L’ouragan Katrina, le responsable visée par cette hausse soudaine du prix du pétrole nous ouvre les yeux sur l’importance de préserver cette petite planète qui est la nôtre. 50% en plus d’ouragans depuis les années 1970 dans le golf du Mexique et des ouragans en moyenne 50% plus fort… Pourquoi? Un ouragan se forme à certaines conditions dont la principale est la suivante: une eau à plus de 26 degrés Celsius sur une profondeur de 50 mètres minimum. Il va sans dire que l’eau se réchauffe beaucoup plus tôt en saison et que la saison des ouragans est beaucoup plus longue qu’avant. Des ouragans comme Katrina, les experts en prédisent davantage dans les prochaines années. La pollution en général et plus particulièrement les gaz à effets de serre finissent par coûter cher en vies humaines et en reconstruction de par l’incidence reconnue sur les changements climatiques. Malheureusement, ce sont souvent les plus pauvres qui en payent la note.

Il est plus que temps que tous les pays développés signent et respectent le protocole de Kyoto qui n’est qu’un tout petit premier pas dans la bonne direction. L’heure est grave mais on ne veut pas voir ça. Nous devons avoir des descendants communs avec les autruches; on aime bien se la cacher la tête dans le sable! Chose certaine, nous n’avons aucunement le droit de laisser une planète qui suffoque à nos enfants et petits-enfants.

Jean-Denis Laberge,
Rimouski, le 10 septembre 2005

(1) Pour information, les cinq majors mondiales du pétrole (ExxonMobil, Chevron, Total, BP et Shell) ont réalisé plus de 100 milliards de dollars de profits en 2004, ce qui fait du secteur pétrolier l’industrie la plus juteuse de l’économie capitaliste.
(2) La consommation de pétrole en Chine a fait un bond de 14% sur la seule année 2004! Quand la Chine polluera… En attendant, la motorisation chinoise est déjà visible de l’espace
(3) En France, l’Etat ne participe plus au financement des transports publics urbains depuis plusieurs années, ne finance plus le réseau ferré secondaire (hors TGV) qui se détériore rapidement, diminue la fréquence des trains Corail, ne met pas en oeuvre de politique ambitieuse de développement du fret ferroviaire, etc. Privatisation des profits et collectivisation des pertes