Dollars pour Dictateurs

Quand le Wall Street Journal s’intéresse à la corruption au Congo. Une action en justice soutient l’existence au Congo d’une corruption similaire à celle du Programme Pétrole contre Nourriture.

Par Claudia ROSETT
Wall Street Journal
Editorial

Après l’Assemblée Générale des Nations Unies le mois dernier, les professionnels de la pauvreté travaillent dur, ils viennent juste de marquer la Journée Mondiale de la Lutte contre la Pauvreté avec des cérémonie dans les bureaux de l’O.N.U. à travers le monde et lancé des appels pour qu’une taxe globale atteigne les « objectifs de développement du millénium, » de l’O.N.U. de réduire la pauvreté d’ici à 2015. Parmi les participants le Président Hugo Chavez du Venezuela et le Président Robert Mugabe du Zimbabwe, le duo despotique, ont dépassé le temps accordé à leur présidence respective de leur nation en régression pour aller à Rome à l’occasion du 60ème anniversaire de l’Organisation Mondiale de l’Alimentation et de l’Agriculture de l’O.N.U. d’où ils ont fustigé les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et réclamé plus d’aide et l’annulation de la dette pour les pays en voie de développement.

Voir de pauvres personnes s’enrichir est un objectif appréciable, et mis à part les préférences de Messieurs Chavez et Mugabe, il ne fait aucun doute que dans beaucoup de cas cela est bien reçu. La pauvreté est brutale, et dans notre ère de miracles technologiques elle est inutile. Mais si l’espoir est réel de mettre fin à la pauvreté, nous allons avoir besoin de beaucoup moins d’histoires racontées au sujet de l’aide et de réduction de la dette, et beaucoup plus de précision sur la façon de mettre fin à la vraie cause de la pauvreté — qui n’est pas une pénurie de ressources locales, ou d’un manque d’aide officielle, ou d’une insuffisance de discours ennuyeux et de courtoisie au niveau élevé de dictateurs en tout genre et d’U.N.-o-crates, mais simplement de mauvaise gouvernance.

Le problème à présenter la réduction de la pauvreté comme une fin en soi est qu’elle implique la solution de verser plus d’argent dans les tuyauteries de l’aide. Malheureusement, l’aide officielle tend trop souvent à avoir l’effet pervers de remplir les poches des mêmes régimes détestés qui engendrent, en premier lieu, la pauvreté. Les donateurs riches se sentent vertueux, les dictateurs confortés et des légions de bureaucrates de l’aide parcourent le monde dans un mouvement giratoire de pers diem et de conférences sur la réduction de la pauvreté. En attendant, derrière les belles paroles et les grandes donations se trouvent les réalités qui sur le terrain apparaissent très différentes.

Pour un coup d’oeil dans les coulisses, prenez le cas de la République du Congo, souvent désignée sous le nom de Congo-Brazzaville pour la différencier de son grand voisin avec un nom semblable (la République démocratique du Congo, autrefois Zaïre). Le Congo est une de ces nations d’Afrique Occidentale placées sur les listes habituelles d’endroits où la population est misérablement pauvre, et les pays riches, avec la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International en avant-garde, sont maintenant en voie de lui accorder une réduction de sa dette.. A la dernière Assemblée Générale des Nations Unies, le mois dernier, le président du Congo, Denis Sassou-Nguesso, a rejoint l’appel pour l’aide globale à l’Afrique, réclamant l' »action pendant qu’il est encore temps. »

Temps? M. Sassou-Nguesso a déjà eu plus que sa part. Il a régné sur le Congo pendant 21 des 26 dernières années. De 1979 à 1992, ayant capté le pouvoir dans une dictature militaire, il a dirigé le Congo, Etat marxiste au parti unique. Avec l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, il a été forcé d’accepter des élections libres, qu’il a perdues, cédant le pouvoir à un gouvernement élu. Puis, en 1997 il a de force repris le pouvoir, et dans un contexte de différends armés il a régné depuis.

Le résultat de sa gestion est que le Congo, par ailleurs une des nations d’Afrique les plus riche en pétrole, abrite une des plus pauvres populations au monde. On évalue les exportations pétrolières du Congo à près de 4 milliards de dollars par an. Étant donné que la population du pays est de seulement 3,8 millions, il reviendrait plus de $1.000 par année pour chaque homme, femme et enfant au Congo. Pourtant en tenant compte des autres industries, services et revenu du travail au Congo, les statistiques de la Banque Mondiale font apparaître un revenu annuel par personne inférieur à $700. L’espérance de vie est de 48 ans. Transparency International classe le Congo comme l’un des pays les plus corrompus au monde. Pire que l’Albanie ou la Sierra Leone. Et, par personne, le Congo est un des pays les plus fortement endettés dans le monde.

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L’aide de la communauté a pour solution de réduire la dette à grands coups de cuillères. Depuis 2004, le FMI a pris la tête en administrant une série de mesures visant à soulager — un mouvement plus destiné à aider le gouvernement de M. Sassou-Nguesso que la population qu’il oppresse. La réduction de la dette sonne bien, se chante bien dans les concerts de rock – charité, et donne du travail au FMI.

L’ironie est que pour le peuple du Congo — par opposition au régime — la discussion la plus utile pourrait ne pas être inspirée par les professionnels de la pauvreté, mais par les choix des créanciers privés, qui loin d’accorder une aide officielle ou l’effacement de la dette cherchent à obtenir le paiement de vieilles dettes du Congo.

En mai dernier, un de ces créanciers privés, Kensington International Ltd, a intenté un procès civil devant la cour fédérale à New York, réclamant des dommages au titre du Racketeer Influenced and Corrupt Organisations Act (connu comme RICO) contre la compagnie pétrolière nationale du Congo; son ancien président, Bruno Jean-Richard Itoua, maintenant ministre l’Energie et de l’Hydraulique du Congo; et une banque française impliquée dans le financement des affaires pétrolières de l’’Etat du Congo, BNP Paribas. La plainte soutient que « démarrant par la création d’une nouvelle compagnie pétrolière nationale, en 1998, des fonctionnaires congolais, avec certaines institutions financières internationales et des traders de pétrole, ont conspiré au travers d’arrangements d’une complexité croissante à piller l’économie nationale congolaise. »

La plainte plus loin allègue que sous la conduite de M. Itoua, la compagnie pétrolière du Congo, la Société Nationale des Pétroles du Congo, ou SNPC, de 2001 à 2004 a utilisé une étourdissante série de transactions fictives complexes et de compagnies paravents pour piller la richesse pétrolière nationale. Les intermédiaires supposés incluent une société enregistrée en Îles Vierges britanniques avec « pour seul identifiable lieu d’activité une résidence privée à Monaco. » La plainte plus loin soutient encore que le résultat a été « l’appauvrissement de la population du Congo, d’un total et continuel défaut sur toute la dette non-gagée préexistante du Congo, la destruction de l’accès du Congo au crédit par des sources légitimes » et « un fardeau accru sur la communauté internationale pour aider le Congo par l’effacement de sa dette et le programme Pays Pauvres Très Endettés, l’enrichissement de chacun des défendeurs, la dégradation des institutions nationales et le maintien d’un régime corrompu et prédateur. »

Ce sont des allégations seulement. Aucune culpabilité n’a été établie. La BNP, le M. Itoua et les SNPC ont tous introduits des actions pour écarter le procès, arguant le fait que les tribunaux américains n’étaient pas compétents, que les plaignants n’ont aucune cause d’action, et que ce cas est « un abus du statut de RICO. » Questionné pour plus d’informations, un porte-parole de la BNP a refusé de commenter.

Toutefois cette affaire est peu commune, elle vaut la peine d’y regarder de plus près — pas pour le moins parce qu’au long des 30 pages de la plainte, les avocats de Kensington détaillent une série de tours de passe-passe qui semblent remarquablement similaires à certains des arrangements effectués par Saddam Hussein pour exploiter un autre programme de la Communauté Internationale destiné à apporter un soulagement: le programme Pétrole contre Nourriture en Irak. Un avocat de Kensington, Robert Cohen, raconte que dans les tentatives de Kensington de suivre l’argent, « l’aspect saisissant a été l’ampleur avec laquelle nous avons retrouvé les mêmes noms directement impliqués dans le scandale Pétrole contre Nourriture en Irak.. »

Ce qui ressort ici c’est que de telles politiques comme la réduction de la dette peuvent sembler bonnes, mais dans la pratique elles peuvent s’avérer loin d’être simple. Et de nos institutions internationales d’assistance — l’O.N.U., le FMI, la Banque Mondiale — cependant avides de célébrer le Jour, la Semaine, le Mois ou la Décennie d’Eradication de la Pauvreté, sont nullement équipées pour faire face, ou même de se soucier, de certaines des réalités plus complexes et voies parallèles du commerce global moderne et des finances. Quelque part entre l’élan sincère pour aider les pauvres et les complexités de dépister l’argent réel, il doit y avoir une meilleure distinction faite entre les dollars pour des dictateurs, et les politiques qui aident réellement les pauvres.

Mme. Rosett est une journaliste permanente de la Fondation pour la Défense des Démocraties. Sa colonne apparaît dans le Wall Street Journal un mercredi sur deux.