« Après-pétrole » ou « après nous le déluge » ?

Devant la hausse du prix du pétrole, le Premier ministre demande à la population de faire des économies, aux industriels de mettre sur le marché des véhicules qui consomment moins et aux ingénieurs d’inventer de nouveaux moyens de produire de l’énergie.

Et Villepin de déclarer qu’il faut préparer « l’ère de l’après-pétrole ». Il n’est évidemment pas le premier à faire ce genre de déclarations jamais suivies d’effet, tout simplement parce que, pour le moment, c’est la loi du profit qui gouverne l’économie et pas l’organisation et la prévision, même pas celles des ministres bourgeois.

C’est d’ailleurs pour cela que la société tout entière, à commencer par les classes populaires, peut se retrouver dans une situation catastrophique à cause de la pénurie (réelle ou spéculative) d’une seule matière première, le pétrole.

Le pétrole s’est imposé comme source d’énergie à cause de son exploitation facile et de son utilisation commode et parce que les voitures utilisant le pétrole peuvent être fabriquées, et vendues, en très grand nombre. Les prédécesseurs de Villepin, au moment du démarrage de la production de masse dans l’automobile, dans les années 1920 aux USA, après 1945 en Europe, ne se sont pas posé la question de savoir comment on peut utiliser rationnellement le transport individuel, ni celle des économies sociales que l’on peut faire en développant des transports collectifs de qualité. Ils ont simplement laissé faire les grands groupes capitalistes, les ont même aidés en leur garantissant l’accès aux sources de pétrole dans le monde entier, par la guerre au besoin; et ils ont fait financer par les États la construction de réseaux de routes goudronnées puis d’autoroutes. L’énergie pétrolière s’est ainsi imposée dans toute la société, entraînant le reste de l’industrie.

Les capitalistes de la construction, rejoignant ceux du pétrole, de l’automobile et de la grande distribution, ont réorganisé les villes, petites et grandes, en fonction de ce moyen de transport, au point qu’il est devenu impossible, dans certaines agglomérations, de faire ses courses quand on n’a pas de voiture. C’est l’automobile qui a rendu possible le développement des grandes surfaces et le quasi-monopole qu’elles ont acquis sur la distribution, cette concurrence ayant fait disparaître la plupart des commerces de proximité. Des millions de travailleurs voient leur journée de travail allongée d’un long temps de transport, dont une bonne part dans les embouteillages, et il est bien des emplois pour lesquels on ne peut même pas postuler lorsqu’on n’a pas de voiture.

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La même absurdité s’est reproduite lorsque, pour des questions de rentabilité immédiate, le transport des marchandises par la route a été favorisé aux dépens du transport ferroviaire. Mais cette fois-ci les gouvernements ne peuvent pas plaider l’ignorance devant les conséquences: les camions ont remplacé massivement le train, alors que les problèmes de pollution et de limite des réserves pétrolières étaient déjà sur la place publique et le nombre de morts sur les routes plus que conséquent. En fait, toutes les mesures de libéralisation du trafic des marchandises ont été prises de manière à pouvoir permettre aux entreprises de travailler à « flux tendu » et donc d’avoir une partie de leurs stocks sur les routes. Tant pis pour la circulation, tant pis pour la sécurité, tant pis pour les chauffeurs… et tant pis si le prix du pétrole grimpe!

C’est le développement aveugle du système capitaliste qui a mené dans cette impasse qu’est le monopole des sociétés pétrolières et l’organisation actuelle de la société. Il est bien incapable de nous en faire sortir.

Paul GALOIS

Source: https://journal.lutte-ouvriere.org