Véhicules Utilitaires et Sportifs et usagers de la route vulnérables

par Ciaran Simms et Desmond O’Neill, British Medical Journal

Dans une société vieillissante, les piétons les plus âgés représentent un groupe particulièrement vulnérable d’usagers de la route, en dépit d’un usage plus prudent de celle-ci.

Les personnes de plus de 60 ont plus de quatre fois plus de chance de mourir s’ils sont blessés par une voiture que les plus jeunes : de manière semblable que dans le monde développé, les personnes âgées en Irlande représentent 30% des piétons tués tandis qu’ils ne représentent que 11% de la population. L’OMS a reconnu la protection des piétons âgés comme principale mesure de sécurité pour cette catégorie d’âge. Les piétons âgés représentent la portion la plus vulnérable d’un groupe déjà menacé d’usagers de la route et une protection maximale des piétons est donc un but important. La protection des piétons est un problème encore plus urgent dans les pays en développement. Tandis que, parmi les piétons, les blessés et les morts dus à des collisions avec des véhicules représentent environ 20% des accidents avec des véhicules à moteur dans l’Union Européenne, la proportion de piétons atteints peut atteindre près de 50% dans les pays avec des routes en plus mauvais état et où un pourcentage élevé de trajets se fait à pied.

La protection des piétons se réalise de plusieurs manières différentes. Celles-ci incluent la séparation du trafic des véhicules de celui des piétons, la réduction de la vitesse des véhicules, le développement de « véhicules intelligents » pour éviter des collisions et l’amélioration de la conception des véhicules pour réduire les dommages aux piétons. La prolifération des véhicules utilitaires et sportifs (VUS ou, communément, 4×4) dans tous les pays développés, ainsi que la parution de données d’analyse d’accidents, fournissent l’occasion d’évaluer l’impact de la conception de ces véhicules sur la sécurité des piétons. En Europe, les ventes de VUS ont augmenté de 15% au cours de la dernière année, alors que les ventes des voitures standard ont chuté de 4%. En Irlande, les VUS représentent maintenant près de 8% des nouveaux enregistrements.

Aux États-Unis, Gabler et Lefler ont montré que, en dépit de rendements énergétiques plus faibles et de coûts de carburant accrus, 40% des nouveaux véhicules achetés sont classés comme camionnettes ou fourgons (et dont beaucoup sont des VUS). Ces chercheurs ont utilisé la banque de données étasunienne du système rapportant les accidents mortels (Fatal Accident Reporting System – FARS) pour analyser les dangers relatifs posés aux piétons par l’introduction de ces véhicules à haute calandre. Les résultats montrent que, pour un même vitesse de collision, la probabilité du décès d’un piéton est presque doublée en cas d’une collision avec un grand VUS par rapport à une voiture de tourisme. À cette étude s’ajoutent plusieurs autres études montrant des taux uniformément plus élevés (jusqu’à quatre fois plus) de blessures graves et de mort pour des piétons lors de collisions par des VUS.

Une fausse idée commune est que la masse accrue du véhicule serait responsable du risque accru pour les piétons dû aux VUS. En fait, bien que la masse de véhicule soit importante pour des collisions entre voitures, c’est un facteur très mineur pour des collisions véhicule/piéton vue la disparité entre le poids du piéton et celle du véhicule. La mortalité et la morbidité accrues dues aux VUS résultent principalement de la géométrie de la structure de la face avant du véhicule. Dans une collision classique entre une voiture et un piéton adulte, le pare-choc heurte le bas des membres inférieurs et le bord avant du capot heurte ensuite la région du fémur/bassin, faisant pivoter le piéton vers le capot. Ceci entraîne l’impact sur le capot ou le pare-brise des épaules et/ou de la tête. Après cela, d’autres blessures sont souvent provoquées par l’impact au sol. Un facteur principal d’atténuation de la gravité des blessures est la nature relativement périphérique de l’impact primaire du pare-choc aux jambes.

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Ceci apporte un niveau de protection pour les régions vitales du haut du corps lors de l’impact primaire, et la rotation du corps sur le capot qui en résulte tend à réduire encore l’impact, souvent appelé l' »emballé et emporté ». Les principales blessures occasionnées aux piétons par les voitures sont principalement une fracture tibia/péroné et/ou des blessures aux ligaments croisés et latéraux dues au contact primaire avec le pare-choc, et des blessures à la tête dues à l’impact secondaire avec le capot ou le pare-brise.

Par contre, quand un VUS frappe un piéton, les types de blessures sont différents. La principale différence de conception entre VUS et voitures est la hauteur du capot, et ceci a comme conséquence un impact primaire plus grave qui touche des régions citriques centrales du corps au niveau du haut des cuisses et du bassin. En outre, il y a maintenant moins de rotation du corps car l’impact est plus proche du centre de gravité de celui-ci, ayant pour résultat un transfert d’énergie plus efficace lors de l’impact. Par exemple, rehausser le bord avant du capot de 600mm à 850mm, augmente le choc d’un facteur d’environ deux. Ceci a pour conséquence de doubler les dommages aux régions vulnérables telles que la tête, le thorax et l’abdomen. La charge sur le fémur ou la hanche intervient lors du contact avec le bord avant du capot pendant la phase de rotation, particulièrement si le capot est rehaussé.

Un autre groupe d’usagers de la route vulnérables sont les petits enfants, et un risque bien décrit avec les VUS sont les accidents dans des allées de garage, dans lesquels les SUV et camionnettes sont surreprésentés. C’est probablement une cause de la grande taille des VUS et de la faible de visibilité due à leur conception.

Il est maintenant clairement établi que les VUS représentent un risque sensiblement plus grand pour les usagers de la route vulnérables que les voitures ordinaires. En plus du développement rapide de la proportion de VUS, le risque est susceptible d’être aggravé par la vulnérabilité physique plus grande d’une population vieillissante. S’occuper de cette menace exige une approche intégrée des agences de santé publique, de transport et de sécurité routière (y compris les concepteurs de véhicules) dans le but de réduire le fardeau lié à ces véhicules.

Il sera également important de changer des processus d’enquête lors d’accident pour inclure une catégorisation plus clairement définie des VUS dans les statistiques d’impacts véhicule/piéton. Étant donnée l’importance économique croissante pour les fabricants du marché des VUS, les activistes en sécurité routière dans les professions médicales devront garder la pression sur les gouvernements qui donnent priorité aux problèmes économiques et aux valeurs industrielles plutôt qu’à des stratégies efficaces de sécurité.

Entre-temps, informer les consommateurs du risque accru pour les piétons de la part des SUV peut représenter une première étape utile en éveillant l’opinion publique face au risque.

L’Organisation Médicale Irlandaise (Irish Medical Organisation) a récemment adopté une politique invitant les fabricants et distributeurs de voitures à afficher des mises en garde sur les VUS pour avertir les acheteurs potentiels des plus grands risques, liés à ces véhicules, de blessures graves et de mort pour les piétons. La résistance de l’industrie à de telles initiatives est susceptible d’être forte, exactement comme l’a été celle de l’industrie de tabac à propos des avertissements sur les paquets de cigarettes. Cependant, les défenseurs de la santé devraient
s’inspirer des précédentes initiatives réussies en sécurité routière : s’occuper des risques posés aux piétons par les VUS est un urgent et réel défi de sécurité routière dans le monde développé.

Traduction par Les Flagadas de l’article paru le 8 octobre 2005 dans le British Medical Journal (331:787-788)

L’article original au format pdf:
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