Chine : L’explosion des ventes d’autos aggrave la congestion et la pollution

Près de 1 000 nouvelles voitures prennent quotidiennement d’assaut les rues de Beijing (Pékin), engorgeant une cité qui étouffe déjà sous la pollution. Les niveaux de dioxyde d’azote surpassent déjà de 78 % les limites recommandées par l’Organisation mondiale de la santé.

Le maire Wang Qishan se plaint du fait que le nombre croissant de voitures inondant les rues de Beijing rend la gestion de la ville plus ardue. Les représentants locaux s’inquiètent de la qualité de l’air en vue des Jeux olympiques de 2008 et songent à décréter une interdiction temporaire de la circulation des véhicules automobiles privés.

Parallèlement, la ville est propriétaire de Beijing Automotive Industry Corp., un constructeur automobile qui a établi des coentreprises avec DaimlerChrysler AG et la sud-coréenne Hyundai Motor Co.

Retombées

L’an dernier, l’entreprise et ses filiales ont fabriqué plus de 500 000 voitures, camions et autobus, procuré de l’emploi à 48 000 travailleurs et versé plus de 500 millions $ US en impôts locaux. Elles comptent produire annuellement 1 million de véhicules d’ici à 2008.

Cette croissance explosive met en lumière l’équilibre précaire que doit atteindre la Chine au moment où elle tente de joindre les rangs des sociétés de consommation modernes: améliorer la qualité de vie et créer de l’emploi pour ses 1,3 milliard d’habitants tout en maîtrisant la pollution et la demande en pétrole.

Dirigeants divisés

Les représentants du gouvernement central de la Chine sont divisés sur cette question.

Les puissants spécialistes de la planification économique du pays voient l’industrie automobile comme un «pilier» important de l’économie nationale. D’autres, dont ceux oeuvrant au sein de la State Environmental Protection Administration, soutiennent que la Chine doit limiter l’utilisation des véhicules automobiles et resserrer les règles en matière d’assainissement de l’air.

Les dirigeants locaux sont également déchirés. Bien des gouvernements provinciaux et municipaux, telle Beijing, ont des intérêts financiers dans l’industrie et sont impatients de profiter de l’accélération de la croissance de la production. Ils doivent toutefois répondre aux plaintes des citoyens liées aux embouteillages et à l’air vicié.

Explosion des ventes

Les hausses de revenus et la chute des prix des véhicules automobiles à l’échelle du pays ont contribué à l’explosion des ventes de voitures, en hausse de 54 % au premier trimestre 2006 par rapport à la même période de l’année précédente.

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Le marché automobile chinois se classe désormais au deuxième rang mondial, et l’industrie des véhicules motorisés fournit des emplois à 1,7 million de travailleurs.

Ce virage s’est manifesté si rapidement que McDonald’s Corp. confiait récemment s’attendre à ce que la moitié de ses nouveaux points de vente en Chine soient des services-au-volant.

Et l’engouement ne fait que commencer. La Chine compte à l’heure actuelle près de 25 véhicules — et moins de sept voitures — par 1 000 habitants, soit le niveau que l’on retrouvait aux États-Unis en 1915. Si les ventes d’automobiles continuent de progresser aussi rapidement, plus de 130 millions de véhicules emprunteront les routes chinoises d’ici à 2020 — contre 33 millions de véhicules aujourd’hui.

Voilà qui pourrait du coup contribuer à faire doubler la demande chinoise en pétrole brut et créer une hausse marquée des émissions de gaz à effet de serre, selon les prévisions du gouvernement et des groupes environnementaux.

«Si nous continuons sur cette lancée pour développer l’industrie automobile en Chine, le monde ne sera pas en mesure de soutenir cette croissance accélérée», dit Pan Yue, vice-ministre de la State Environmental Protection Administration.

Raffineries désuètes

Pour compliquer les choses, l’essence chinoise renferme de hauts niveaux de soufre et d’autres contaminants. Il faudra des années, et des milliards de dollars, pour améliorer les raffineries chinoises afin qu’elles produisent un combustible de qualité, plus sécuritaire. Jusqu’à maintenant, les manifestations réclamant un contrôle plus sévère en matière de véhicules automobiles ont été étouffées en grande partie par la puissante National Development and Reform Commission de Chine, qui élabore les politiques de développement économique du pays.

La commission a fait de l’expansion de l’économie – en vue de créer de l’emploi pour les millions d’habitants désertant les campagnes pour les villes – sa priorité. Les représentants des gouvernements provinciaux et municipaux — dont la performance est principalement évaluée selon leur capacité à stimuler la croissance du produit intérieur brut — se précipitent vers la fabrication automobile.

— Article rédigé avec la collaboration de Ellen Zhu et Zhou Yang.
Source : http://argent.canoe.com