Pour en finir avec les autoroutes urbaines

Les autoroutes urbaines, c’est beaucoup de bruit et de pollution. C’est une hantise pour les riverains (sans parler des autres, une autoroute ça pollue à 1,5 kms à la ronde selon une étude anglaise…), mais c’est aussi une gêne pour les vélos et les piétons qui doivent faire des détours importants afin de ne pas ralentir la circulation du dieu-bagnole. C’est enfin une hérésie en terme d’urbanisme, le degré zéro de l’urbanité, pas de petits commerces à visiter ou de squares où se poser. Le paysage urbain devient purement fonctionnel et nie ce qui constitue le fondement même de la ville (un regroupement d’habitants qui ont des choses à faire ensemble).

Les autoroutes urbaines se développent dans les pays occidentaux dans les années 60 et sont présentées alors par leurs concepteurs comme un « signe de modernité« , celui du « progrès automobile« . Le leitmotiv de l’époque est « d’adapter la ville à l’automobile« . Même si certaines voix affirment alors que cela n’a pas de sens de quadriller la ville d’autoroutes et que d’autres solutions techniques seraient plus adaptées au milieu urbain (train, tramways, bus, etc.), elles restent écrasées par la pensée dominante du tout-automobile.

Il faut quand même se rappeler que les années 60 en France ont vu la disparition des derniers réseaux de tramways, réseaux qui étaient composés pour la plupart d’une multitude de lignes de tramway au sein des principales agglomérations françaises. C’est également l’époque où les associations d’automobilistes réclament, pour lutter contre la congestion automobile de plus en plus fréquente, la suppression des bus en ville pour « libérer de la voirie »… On croit rêver et pourtant, de nombreuses municipalités ont supprimé des lignes de bus pour satisfaire le lobby automobile.

Le résultat ne s’est pas fait attendre longtemps: au début des années 70, les tramways avaient disparu en France, les réseaux de bus étaient moribonds, les autoroutes urbaines ainsi que les rues à 4, 6 ou 8 voies de circulation automobile étaient fréquentes au coeur même des villes, et pourtant, jamais la situation du trafic automobile n’avait été si mauvaise… congestion généralisée, embouteillages permanents, bruit et pollution automobile, façades noircies par les émissions de gaz d’échappement, accidentologie à son plus haut niveau de l’histoire, etc.


Image du film Solaris d’Andrei Tarkovski (1972)

Face à cet échec du système automobile, que beaucoup de partisans actuels du tout-voiture ont oublié ou font mine d’oublier, il faut reconnaître que des améliorations ont eu lieu, mais à un rythme très lent. Depuis les années 80, le tramway a été réintroduit au sein de nombreuses agglomérations, de nombreuses rues obstruées par la circulation automobile ont été rendues à une vie urbaine un peu plus apaisée, en laissant en général une seule voie de circulation pour l’automobile, c’est largement suffisant, ou mieux, en créant des espaces piétonniers où l’automobile n’a plus droit de cité.

Petit à petit, on passe d’une ville adaptée à l’automobile à la nécessité d’adapter l’automobile à la ville.


Comment préférez-vous vivre?

La remise en cause des autoroutes urbaines

Mais, force est de constater que les autoroutes urbaines ont été rarement remises en cause. Pourquoi? Principalement, du fait d’une certaine paresse intellectuelle qui empêche beaucoup d’élus et de techniciens de penser les déplacements urbains en terme de système intégré de mobilité, où c’est la pluralité des modes de déplacement et leur bon fonctionnement qui permettent de générer une mobilité vertueuse. En d’autres termes, il faut arrêter de penser en « nombre de voitures que l’on peut faire venir en ville », mais penser la mobilité en « nombre de gens pouvant venir en ville ».

Une fois ce cap conceptuel passé, on peut commencer alors à privilégier des modes lourds et efficaces comme les Transports en Commun en Site Propre (métros, tramways), des parcs-relais, des réseaux de bus adaptés à la morphologie urbaine, du transport à la demande, des réseaux cohérents de continuités cyclables, des systèmes de prêt et de location de vélo, des vélostations, des aménagements piétons qui donnent envie de marcher, etc.

Une autre raison probable des réticences exprimées à la suppression d’autoroutes urbaines tient dans le coût supposé de telles opérations. En général, la construction de ces autoroutes urbaines a souvent été difficile, le milieu urbain imposant des coûts élevés de construction et d’expropriation. Alors, envisager leur destruction, vous n’y pensez pas!

Séoul (Corée du Sud) : transformation d’une autoroute en rivière (2002)

Et pourtant, dans certaines villes, on a commencé à détruire des autoroutes urbaines. À Séoul, le maire a remplacé une autoroute urbaine à 2×3 voies de circulation (160.000 voitures par jour quand même!) par une rivière bordée d’espaces verts (Cf photo). Tandis que la construction de l’autoroute prit 20 ans, la démolir et restaurer la rivière dura seulement 3 ans, pour un coût de « seulement » 380 millions de dollars.

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Le maire de Séoul s’est aussi engagé à réduire de 50 % la circulation automobile à Séoul, soit le même objectif que le maire Delanoë à Paris.

Projet Lyon – Confluence

A Lyon (France), le projet Confluence s’étend sur le territoire au Sud de la Presqu’île lyonnaise, longtemps consacré à l’industrie et aux transports. Hier gagné sur les eaux, ce site fluvial retrouve ses rives et son environnement naturel. L’aménagement progressif aboutit au déclassement de l’autoroute A6/A7 et à la suppression des échangeurs routiers. Une ligne de tramway irrigue ce projet urbain qui permettra à terme de doubler la superficie de l’hypercentre de l’agglomération.

Les autoroutes urbaines ne sont pas une fatalité

Les autoroutes urbaines ne sont donc pas une fatalité et ces exemples en France ou à l’étranger montrent qu’il est tout à fait possible de détruire ces anachronismes urbains si un projet de ville intelligent est porté par les élus et les associations. La clé de la réussité de ces projets tient dans la conjonction de divers facteurs : un projet de TCSP, un aménagement paysager, un projet urbain et écologique.

On ne va quand même pas attendre la fin du pétrole, même si elle est proche, pour remplacer les autoroutes urbaines par de la vraie ville, avec des squares et des parcs, des commerces et des places!

Rappelons également qu’en 2003 le chef de l’État français (Jacques Chirac) et le Premier ministre d’alors (Jean-Pierre Raffarin) avaient pris l’engagement devant la communauté internationale de « diviser par un facteur 4 les émissions nationales de Gaz à Effet de Serre du niveau de 1990 d’ici 2050 ». Cet objectif a été validé récemment par le Grenelle français de l’environnement en 2007. La suppression des autoroutes urbaines devrait dans ce contexte devenir un objectif national afin de tenir les engagements internationaux de la France!

Cet objectif national devrait reposer sur l’ensemble des leviers suivants : suppression de l’ensemble des autoroutes urbaines en France, plan national de financement de Transports Collectifs en Site Propre en lieu et place de ces autoroutes (financement Etat), réurbanisation des territoires concernés par l’intermédiaire d’aménagements paysagers destinés à améliorer la qualité de vie et les modes de déplacement alternatifs à l’automobile (financement collectivités locales).

Grâce à cet objectif national, la France pourrait gagner sur tous les tableaux : respect de ses engagements en matière de réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre, amélioration de la qualité de vie et de l’altermobilité dans les agglomérations françaises, diminution du bruit et de la pollution, développement des TCSP et création d’emplois, vitrine technologique et écologique pour l’étranger, etc.


Tours: Le Canal du Berry en 1900 et… Le Canal du Berry en 2008 (Autoroute A10)

Pour la suppression de l’autoroute A10

Dans les années 80, des agglomérations en avance (Grenoble, Nantes) ont su réintroduire le tramway dans la ville afin d’en finir avec l’échec du système automobile. Aujourd’hui, il faut que des initiatives locales prennent le relai en matière de suppression d’autoroutes anachroniques et de réurbanisation du territoire. A Tours, la ville est traversée par l’autoroute A10, construite dans les années 70 sur le cadavre d’un canal (le Canal du Berry). En découvrant les photos de Séoul (destruction d’une autoroute urbaine/remise en eau d’une rivière) et en se basant sur les propos des élus locaux de la région tourangelle (qui trouve que l’autoroute A10 est une aberration en coeur de ville), Vélorution Tours va faire une opération médiatique (die-in à l’entrée d’un échangeur) le 2 février 2008. Ce die-in sera mis en son par le collectif de musique ActSounds.

Le but est simple: puisque l’autoroute est une aberration en coeur de ville, alors faisons comme à Séoul, détruisons-là et pensons à la suite… Un canal comme avant? A réfléchir… Si cette initiative aboutit, un grand mouvement national pourrait voir le jour, une coalition pour en finir avec les autoroutes urbaines.

Cette action n’est pas isolée. Vélorution Paris ciblera le même jour une aberration autoroutière à une porte de Paris. L’info est passée dans de nombreuses listes vélorutionnaires. Peut-être que d’autres suivront. Bientôt la fin des autoroutes urbaines?

 

Voir aussi :
Projets autoroutiers dans Paris
Supprimons les autoroutes urbaines
Il faut adapter l’automobile à la ville