Pour la déréglementation des taxis

On peut être anti-voitures sans pour autant être anti-taxis. Le taxi représente en effet une solution de mobilité intéressante en complément des transports publics, du vélo et de la marche. Dans certains cas, lorsqu’on est très chargé par exemple (courses, bagages, etc.) ou lorsqu’on se déplace à trois ou à quatre, et en fonction du parcours donné (parfois mal desservi par les transports publics), il peut être avantageux d’utiliser le taxi.

Avantageux, mais le plus souvent hors de prix… Qui utilise fréquemment les taxis, ou du moins, qui peut se le permettre? Le prix de la course, tout particulièrement dans les agglomérations de province, est souvent hors de prix, du style au moins 15 euros pour faire un petit parcours en ville.

Ce tarif dissuasif décourage bon nombre d’usagers potentiels, on pense ici aux jeunes qui veulent rentrer chez eux tard le soir ou la nuit quand les transports publics ne fonctionnent plus. On pense aussi à tous ceux qui n’ont pas de voiture car ils n’en ont pas les moyens, les captifs des transports collectifs, qui ne se posent même pas la question de la solution taxi.

En fait, pour être franc, les utilisateurs principaux des taxis que l’on voit en général en ville sont les gens qui utilisent l’aéroport ou la gare, et les personnes âgées.

Car, au problème du prix prohibitif des taxis s’ajoute leur nombre dérisoire par rapport aux besoins. Faites le test en province: attendez sur le trottoir d’une grande artère afin de “héler un taxi”, vous aurez le temps de faire la course à pied avant qu’un taxi daigne vous prendre en charge… En France, le fonctionnement des taxis est en effet assez spécial: il faut appeler une station ou une entreprise de taxis afin qu’un taxi vienne chez vous. A mon sens, cela s’appelle du “transport à la demande”, mais surtout pas un taxi digne de ce nom.

L’autre solution, c’est d’aller chercher un taxi près de la gare SNCF, ce qui est très pratique quand on est loin de cette gare et qu’en outre, on souhaite aller à l’opposé…

Bref, tout ça pour dire que la gestion des taxis aujourd’hui est calamiteuse et qu’à l’heure où de nouvelles perspectives de mobilité apparaissent à l’horizon (péages urbains, interdiction des véhicules polluants dans le centre des villes, systèmes de location de vélos, etc.), il est grand temps de réformer d’urgence ce système féodal afin de multiplier le nombre de taxis et de faire baisser leur coût.

Ces jours-ci, les taxis manifestaient, en bloquant de nombreuses agglomérations à Paris et en régions, afin de protester contre «la déréglementation de la profession» préconisée par le rapport Attali.

Que les choses soient claires, ici on est plus favorable à la “Libération de la décroissance” qu’à la “Libération de la croissance” chère à Jacques Attali et Nicolas Sarkozy. Toujours est-il que sur le point précis des taxis, on est furieusement tenté par les préconisations du rapport Attali.

Mais, pour expliquer la nécessité de la déréglementation de la profession de taxi, il faut d’abord faire l’historique du secteur. Paris comptait 25 000 taxis dans les années 20. En 1937, après la grande crise des années 30, le ministre de l’Intérieur du Front Populaire, Max Dormoy, imprégné de l’idéologie malthusienne d’alors, décide de réduire l’offre de taxis à 14 000 pour sauver la profession et augmenter les prix. Quand la croissance est repartie, après 1945, on n’y a pas touché. Charles Pasqua, en 1995, a refait une loi qui redéfinit la profession et autorise la revente des licences. Mais l’article 6 de ce texte dit que, si le nombre de licences de taxi augmente, il ne peut y avoir dédommagement de ceux qui en possédaient déjà une.

Pour être professionnel, il faut un CAP de taxi, avec épreuves générales et locales, une autorisation de la préfecture et une licence. Celle-ci est achetée à un autre taxi ou obtenue gratuitement auprès de l’Etat qui n’en délivre pas plus de 150 par an pour limiter l’offre. Pouvoir être taxi est devenu une sorte de droit féodal. C’est une économie de privilèges dont sont victimes ceux qui doivent acheter le droit de travailler.

Depuis lors, le nombre de licences a très peu augmenté (1 000 de plus depuis quinze ans), alors que le PIB par habitant, lui, a été multiplié par six depuis 1945 ! Aujourd’hui, il y a environ 15 500 taxis sur Paris et la région parisienne, ce qui est notoirement insuffisant. Et l’offre est encore plus rare en province (46 000 pour toute la France). Les besoins de la population en transport augmentent bien plus vite que le PIB. Au Japon, aux Etats-Unis, en Suède, en Irlande, aux Pays-Bas… il y a deux à quatre fois plus de taxis rapportés à la population !

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Un nombre extrêmement limité de licences gratuites étant accordé chaque année, le prix de revente des licences est très élevé dans les villes où l’offre est manifestement insuffisante (140 000 euros à Toulouse, environ 190 000 euros à Paris, 400 000 euros à Orly).

Plusieurs facteurs illustrent l’urgence de mettre fin au numerus clausus des taxis. L’augmentation de la population en Île-de-France, l’évolution du trafic aérien et du trafic ferroviaire, la croissance du PIB depuis 1981 permettent d’évaluer à environ 8 000 le nombre de licences qui auraient pu être créées pour satisfaire la demande en région parisienne, alors même que plus de 6 500 chauffeurs taxis locataires ou salariés attendent de pouvoir acquérir une licence.

À Londres et à New York, les systèmes de plaques de taxis n’ont pas été libéralisés et ces villes comptent environ autant de taxis que Paris, mais des voitures dites « de petite remise » (VPR) permettent de répondre à la demande : elles sont 50 000 à Londres, 42 000 à New York, contre à peine 100 à Paris. La réforme ne doit donc pas seulement se concentrer sur les taxis mais développer de nouvelles offres de transport dédiées à des segments spécifiques de la demande.

Dans ce contexte, de quoi parle-t-on avec l’idée de “déréglementation de la profession”? La commission Attali préconise la libéralisation complète des voitures de petite remise (avec des véhicules plus «verts») ; une licence gratuite de taxi à tous ceux qui sont inscrits sur les listes d’attente de la préfecture au 31 décembre (on en compte environ 6 000 à Paris, ce qui créerait immédiatement autant d’emplois) ; et l’autorisation de concurrencer la RATP et la SNCF.

Egalement, la commission Attali préconise de supprimer les restrictions territoriales qui limitent le chargement des clients dans certaines zones et autoriser la maraude, d’associer pleinement le ministère en charge des transports, aux côtés du ministère de l’intérieur, à la gestion de l’offre de taxis pour mieux tenir compte des intérêts des usagers.

Une ouverture complète du marché des taxis et des véhicules de petite remise parisiens permettrait d’avoir au total de 50 000 à 60 000 taxis et VPR à Paris et en proche banlieue (contre 16 000 aujourd’hui), soit un gain d’emploi de 35 000 à 45 000.

A terme, on peut supposer que l’offre va forcément créer la demande. Avec des taxis présents partout à un coût raisonnable, on peut même envisager que des automobilistes addictifs finissent par se débarrasser de leur voiture. On pourra toujours rétorquer que cela constituera un apport de plusieurs dizaines de milliers de voitures en ville, mais en complément de mesures de réduction du trafic automobile (péages urbains, voies piétonnes, voies bus et taxis, suppression du stationnement, etc.), un seul taxi permet du fait de sa configuration d’utilisation, de remplacer plusieurs voitures.

Et en outre, si une voiture appartient à un seul automobiliste, le taxi peut quant à lui vous rendre service n’importe où et n’importe quand. La déréglementation des taxis est donc la solution qui permettra de promouvoir et de défendre cette profession si utile. C’est aussi un des moyens offerts à la diminution de la place de la voiture en ville.

Plus d’infos:
Rapport de la Commision pour la libération de la croissance française, sous la présidence de Jacques Attali.
«Etre taxi : un vrai droit féodal», Libération du 30 janvier 2008.

2 commentaires sur “Pour la déréglementation des taxis

  1. GOUBAUD

    concernant les taxis parisiens, il serait souhaitable de retirer définitivement les horodateurs, afin que nous, les taxis parisiens, puissont travailler librement, car nous avons des difficultés à servir les clients, lorsque ce fichus horodateur s’éteint, nous n’avons plus le droit de charger les clients. Je suis pour le retrait définitive de l’horodateur. Cela nous permettrait de gagner plus et de travailler plus, afin de servir les clients aux heures de pointes sans se préoccuper de l’heure. Nous sommes les seuls au monde a posséder ce mouchard. Beaucoup de taxis on du mal a s’en sortir financièrement, cause de l’horodateur, le stress cause de l’horodateur, les excès de vitesse cause de l’horodateur, car il faut faire vite pour recharger d’autres clients, avant que ce mouchard s’étteingne. Il faut le retirer. Aliot MARIE, était d’accord pour retirer l »horodateur. Vite qu’on l’enlève, afin d’être plus libre, et servir les clients aux heures de pointes.

  2. leon91

    votre article n’a pas trop de réaction à ce que je vois… dommage

    moi souvent je vais à la gare de Melun… j’ai calculé les tarifs sur des sites internet… 30 euros aller retour. c’est bien trop cher. alors les gens prennent leur voiture. en france on sait très bien dire non.. lorsque on demande « mais on mets quoi à la place » aucune réponse.

    et souvent ca cache des pouvoirs qui ne veulent que gagner de l’argent rapidement en jouant sur l’offre et en la réduisant… ensuite l’argent leur rentre tout facilement. et ca « marche » pour les taxis, et tout le commerce. on paye aussi les paysans des miseres et on se mets des marges confortables.

    faut pas trop de morale dans le commerce, mais un minimum est nécessaire.

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