Aérocity, un projet de ville linéaire sans voitures

Aérocity : une ville linéaire et suspendue de 18 km de long

Pour leur diplôme d’architecture, Pier Paolo Bonandrini et Julien Allègre se sont appropriés un vestige inattendu, l’ancienne voie d’essai de l’aérotrain près d’Orléans (45), pour imaginer une ville linéaire sans voitures. Si certaines de leurs assertions quant à son mode de vie sont discutables, leur proposition d’organisation « urbaine » et les multiples trouvailles du projet sont fascinantes.

L’histoire

L’ancienne voie d’essai de l’aérotrain est aujourd’hui le vestige d’une épopée qui a traversé les époques de 1960 à 1980, date où le projet de l’Aérotrain a pris fin pour laisser la place au TGV, plus rentable.

Aérocity est parti de l’idée d’une réflexion sur la ville ainsi que l’appropriation de non lieux architecturaux. La structure en béton d’origine de 18km surélevée de 8m du sol, désormais un symbole utopique fort est conservée et sert de base au développement conceptuel d’Aérocity.

Aérocity, une utopie urbaine

A l’image d’une cité linéaire, Aérocity est un réseau horizontal de transports, de communications, de flux, une machine à habiter qui vient englober, tisser, organiser les 18km de structure en béton. De façon théorique, la ville verticale et la ville radioconcentrique génèrent des stratifications et des inégalités sociales. La ville verticale est organisée selon un gradient social vertical et la ville historique écarte des centres les moins aisés qui sont placés en périphérie. L’horizontalité et la linéarité d’Aérocity rend possible une autre organisation sociale : plus de centres ni de sommets.

Nous proposons d’amener un débat à travers le développement d’un projet utopique : une ville sans voitures, à l’échelle du piéton jouissant d’une qualité d’espace et de vie n’entrant pas en conflit avec la densité et la promiscuité, une ville linéaire et horizontale organisée autour d’un tissage de réseaux de transport et de différents flux. Une vision fonctionnaliste où tout est à portée de main grâce à différents transports, les flux ne relient plus les habitations mais ce sont les habitations qui viennent se greffer sur les réseaux.

La population

Dans la lignée du projet Exodus de Koolhaas, nous proposons une exclusion volontaire vers une autre société : celle des actifs, le monde du travail et des loisirs. On y travaille, on y joue, on y aime. Le monde du travail et du plaisir, une société axée sur un réseau.

Aliénation volontaire, société ouverte, égalitaire d’aspect, dynamique. Caricature de la société des sondages, de la consommation, de la mondialisation, tout est fonction et mouvement ; on vient vivre sur la structure pour être actif, absence de chômeurs, pas de retraités. Si on ne correspond plus, on est « bannis », on se décroche du flux vital. On ne reste pas toujours sur Aérocity, juste le temps de la jeunesse, le temps de servir la société.

Sur la structure on avance, on vit en ligne droite, pas de détour, le temps est précieux, on marche, on travaille, perpétuel mouvement à l’image de la société.
– Concrétisation de la société active poussée à son paroxysme, uniquement du travail tertiaire.
– Désocialisation, opposition, densité, transports et réseaux : on ne sort de chez soi que pour se distraire et se ressourcer dans les lieux de repos
– Concept de la séparation, fragmentation et juxtaposition, division, contraste, rapidité.
– L’urbanisation dépend directement du réseau de transport urbain.
– Pas de grands centres commerciaux mais des commerces de proximité, une échelle de quartier.

Un nouveau mode de vie lié aux déplacements et au gain de place maximum.

Une programmation correspondant à de nouveaux besoins, où l’on vient s’y brancher afin de pouvoir y vivre et pomper le flux vital. Aérocity combine plusieurs avantages : une répartition de la population terrestre mieux répartie sur la terre ainsi qu’une vision écologique de notre avenir.

Les logements

On observe depuis une vingtaine d’années qu’à côté du modèle familiale fondé sur le couple marié pour la vie avec ses enfants, coexistent aujourd’hui des structures familiales diversifiées (unions libres, familles recomposées et monoparentales, personnes isolées, enfants à charge des parents de plus en plus longtemps…) . Les logements d’Aérocity seront des habitats parasitaires de la structure, des habitations modulaires et nodulaires pourvus d’aménagements évolutifs en fonction des besoins de la famille (accès indépendants pour les enfants âgés, possibilités de séparations de espaces en cas de divorces, couplage des habitats des célibataires…).

Les modules d’habitations pourront êtres préfabriqués sur mesure et montés sur place où un simple branchement à l’image d’une prise électrique suffira pour rendre habitable le logis. L’espace réduit des logements offre en contrepartie une qualité d’espace sans vis-à-vis avec une vue sur les champs à perte de vue, les meubles et rangements sont intégrés au volume d’où la possibilité de réduire au maximum l’habitat.

Adaptation à l’environnement et typologies de structures

Pour répondre de la meilleure façon à l’intégration environnementale, Aérocity est un caméléon évoluant sur un squelette en béton, et se mélange aux environnements qu’elle traverse. Pour cela trois grandes typologies structurelles ont été créées :
– la typologie des champs (70% de la surface) : elle sera présente sur la structure en béton aux niveaux des zones où le projet traversera des champs de cultures et des plaines. Ces espaces seront végétalisés sur une largeur n’excédant pas 20m. Au centre de cette bande végétale, des habitations panoramiques mono orientées mêlées à des modules de services (commerces, artisanats).
– la typologie urbaine : cette typologie traversera les zones urbanisées du site, plus marquée dans sa verticalité et majoritairement recouverte de plaques de béton et de bois, les logements seront cette fois orientés vers l’extérieur mais aussi vers l’intérieur afin de se protéger de l’extérieur. Zone urbaine, donc plus animée, elle se démarque par sa densité supérieure d’habitats.
– la typologie de la forêt : noyée dans la forêt de Beauce, elle est beaucoup plus étroite et verticale. Les habitants seront des amoureux de la nature et seront au milieu des arbres tels des cabanes d’enfants. La structure sera réalisée en bois afin de respecter au mieux la nature tel un échafaudage en bambou. La densité sera aussi plus élevée.

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Ces trois typologies remarquables vont ensuite se décliner en de multiples formes. Nous proposons une typologie que nous appellerons tertiaires ou typologie test, visant une population étudiante et proposons des logements test pour des personnes voulant se rendre compte de la vie communautaire de ce nouveau genre d’habitat. Cette typologie prendra la forme d’un essaim d’abeille où certaines PME pourront également y trouver des locaux.

Autre typologie test, le pendule. Les modules de logements et de services seront ici suspendus dans le vide en lévitation au dessus des champs en oscillant légèrement. La ville se crée de façon aléatoire mais néanmoins structurée autour d’un noyau : la multiplicité crée la ville.

Les transports

L’émergence possible de nouveaux moyens de transports (tapis roulants, minis voitures, trains à sustentation magnétique) imposera des infrastructures routières et urbaines ainsi que des interfaces entre les bâtiments et l’environnement du transport (garages, parkings). Sur Aérocity plus besoin de réfléchir à une évolution, tout est intégré afin de gagner le plus de temps possible et répondre aux impératifs.

Les différents vecteurs de transports se complètent à l’échelle du site :
– l’échelle piétonne pour se déplacer entre 100 et 200m
– rollers (1.000 à 3.000m)
– vélos en location (totalité de la structure de façon lente)
– modules de transports électriques rechargeables sur bornes (Aéroscoot)
– l’Aéropod, le module de transport à grande vitesse, permet de relier la totalité de la structure dans de petites capsules programmables.
– les Aéroprimeurs, à la fois typologie de transport et bâtiment, se déplacent sur des pattes pour parcourir la structure en une semaine, c’est une halle maraîchère proposant des produits frais. Le véhicule est visible de loin et se déplace jusque chez les gens afin de leur proposer une sélection de produits frais artisanaux.

La programmation

Aérocity traverse trois grandes plates-formes, anciennement plates-formes de retournements de l’aérotrain, situées au début, au milieu et à la fin de la structure. Ces plates formes sont des icônes architecturales et programmatiques, reconnaissables de loin que ce soit en dehors de la structure par les personnes extérieure à Aérocity ou sur la structure par les habitants. Ces trois bâtiments accessibles au public servent de lien au sol et de lien avec l’extérieur ; on peut monter sur Aérocity et profiter des services proposés par les plates formes même si on n’y loge pas.

Ces trois plates-formes ont chacune une programmation spécifique :
Saran au nord d’Orléans est le point de départ ou le point d’arrivée du projet, la plus urbaine des réhabilitations. Le bâtiment s’organise en ruban accompagnant le visiteur à monter et se rendre sur Aérocity. On y trouve une programmation dédiée au monde des loisirs : un zinc continu traversant des ambiances multiples. C’est une lame de lumière la nuit et un ruban rouge brillant le jour exprimant le dynamisme.

Chevilly est la plateforme la plus grande. Ce complexe est une éponge culturelle donnant de multiples possibilités aux visiteurs lorsqu’ils pénètrent par l’unique faille de ce bâtiment monolithique. L’aspect extérieur est en opposition avec l’aménagement intérieur. Après avoir pénétré dans cette boite noire, le visiteur découvre un programme culturel complet : théâtre, cinémas, ainsi qu’un musée s’organisant en rampe partant du sous sol du bâtiment.

Ruan, la plate forme champêtre, est le point final de notre étude, nous avons recherché quelle était la meilleur solution pour donner un sens à ce terminal tout en laissant la possibilité d’une extension future d’Aérocity et avons crée un bâtiment à l’image d’une grue, d’un soulèvement de la structure qui se brise vers le ciel. Grue, flèche, cet édifice de 360m témoigne sur le plan visuel et physique d’un processus de mouvement et de transformation de la structure expérimentale. Le visiteur trouvera dans ce repère un lieu de repos et de détente, (escalade, golf, massage, spa, yoga et restaurant panoramique) et des capsules sensorielles.

Source: Cyberarchi

Consulter également l’album-photo sur le site CyberArchi ‘Aérocity, une utopie urbaine’