Une ville sans voiture, une utopie ?

Est-il possible de diminuer la circulation automobile dans les grandes villes ? Les équipes de Marie-Hélène Massot de l’INRETS à Paris (Île-de-France) et de Patrick Bonnel, enseignant-chercheur au Laboratoire d’économie des transports (LET) à Vaulx-en-Velin (Rhône-Alpes) ont réalisé une étude pour le compte du Predit(1) sur les modes de déplacements dans les agglomérations parisienne et lyonnaise.

Les résultats de leur investigation montrent que si l’amélioration du système de transports collectifs est une condition nécessaire à la réduction de l’usage de la voiture, elle n’est en aucun cas suffisante. Par ailleurs, l’abaissement des vitesses automobiles, mesure souvent recommandée, n’aurait qu’un effet limité sur le court terme. Seule une approche globale intégrant aménagement urbain et systèmes de transports pourrait contribuer à diminuer significativement le trafic de voitures.

Les politiques mises en œuvre depuis quelques décennies ont abouti à l’extension des réseaux routiers et de l’offre de transports collectifs (métro, RER, TER, tramway) dans les grandes villes. Ce développement a eu pour effet d’augmenter la taille des métropoles. Tandis que le nombre de kilomètres cumulés parcourus par les automobiles dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants a, lui, carrément explosé : + 45 % entre 1982 et 1994 !

Alors que l’environnement prend une place de plus en plus importante parmi les préoccupations des Français, est-il possible d’inverser ce processus et de réduire massivement la place de l’automobile en ville ? Patrick Bonnel et ses collègues se sont ainsi intéressés au temps que les Français consacrent à leurs déplacements en utilisant les résultats de deux enquêtes réalisées(2) à Paris et Lyon entre 1991 et 1995. Leurs conclusions étonnantes vont à l’encontre des idées reçues.

Selon eux, à peine 8 % des conducteurs de la région parisienne (18 % à Lyon) auraient aujourd’hui intérêt, en termes de gain de temps, à utiliser d’autres modes de transport que la voiture. Et encore, révèlent-ils, ceux-là effectuent tout juste 4 % (6 % à Lyon) des kilomètres parcourus par l’ensemble des automobiles de l’agglomération!

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Une ville sans voiture, une utopie ?

Ce chiffrage des kilomètres automobiles évités pourrait éventuellement être doublé(3) en augmentant le temps quotidien nécessaire pour se déplacer de 25 à 30 %. Mais, il ne saurait de toute manière dépasser les 20 % (23 % à Lyon) même à supposer des investissements massifs dans les transports collectifs (doublement de l’offre à Lyon par exemple).

« En bref, notre étude montre que l’on ne peut agir sur l’usage de la voiture en se contentant de développer les transports en commun, explique Patrick Bonnel. Si une marge de manœuvre existe effectivement, aller au-delà en réduisant massivement la place accordée à l’automobile en ville nécessite une approche globale du problème. Celle-ci intègre notamment l’aménagement urbain et les stratégies de localisation des ménages, des emplois et des commerces… ».

1/ « Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres », piloté par les ministères chargés de la recherche, des transports, de l’environnement et de l’industrie, l’ADEME et l’ANVAR.
2/ Enquête globale de transport d’Île-de-France (EGT, 1991-1992) et enquête ménages déplacements de l’agglomération lyonnaise (1994-1995).
3/ En réduisant, par exemple, la vitesse limite autorisée.

Pour en savoir plus:

Bonnel P., Caubel D., Mignot D. (2005), Lyon 21, Étude de faisabilité d’un système de transport radicalement différent pour la zone dense lyonnaise. Études et Recherche n°17, LET-ENTPE, Lyon.
Massot M.-H., Armoogum J., Hivert L. (2002), Paris 21, Étude de faisabilité d’un système radicalement différent pour la zone dense francilienne. Rapport INRETS N° 243, Les collections de l’INRETS, Arcueil.

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