Au bout du pétrole

Tout ce que vous devez savoir sur la crise énergétique

«Il était une fois, il n’y a pas si longtemps, une société tout entière construite sur un liquide visqueux, puant et toxique. Un jour, ce liquide précieux vint à manquer et la société, prise au dépourvu, s’écroula sur elle-même.»

Cette histoire, il n’est pas impossible que vous ayez à la raconter à vos enfants ou à vos petits-enfants. Même à l’aune de la vie humaine, pourtant bien courte en comparaison des temps géologiques nécessaires à la transmutation de la matière organique en pétrole, la crise énergétique risque d’être brutale et pourtant, une bonne partie de l’humanité n’est pas prête à y faire face.

Bien sûr, le pétrole et les autres combustibles fossiles, tels que le gaz naturel et le charbon, ne disparaîtront pas du jour au lendemain, et il reste en sous-sol assez de combustible fossile pour tenir encore plusieurs dizaines d’années. Mais les réserves d’hydrocarbures de par le monde se font de plus en plus difficiles à exploiter et l’industrie sera bientôt incapable de maintenir la cadence afin de répondre aux besoins grandissants des consommateurs. Déjà, les prix de l’énergie augmentent, signe de la tension présente dans les secteurs pétrolier et gazier. Pour l’instant, cette hausse n’a pas eu d’effets notables sur l’économie mondiale. Mais, ça ne fait que commencer et la crise risque de frapper beaucoup plus vite que ce qu’annoncent la plupart des économiques. Il ne reste plus que quelques années avant que tout bascule.

Selon plusieurs géologues, le pic de production du pétrole conventionnel a été atteint à la fin de 2007 ou au début de 2008. Après 150 ans de croissance inexorable des niveaux de production, ceux-ci sont parvenus à leur sommet et devraient bientôt commencer à diminuer lentement. Car les grandes réserves, découvertes il y a plus de 30 ans, vieillissent et les nouveaux gisements ne suffisent pas pour remplacer le manque à gagner. L’extraction de l’or noir devient donc chaque jour de plus en plus difficile; nous entrons aujourd’hui dans l’ère de l’après-pétrole.

Cette transition historique a reçu bien peu d’attention de la part des médias alors que commence le déclin irréversible dans la production de pétrole. Pourtant, l’impact du pic de production se fait déjà sentir. Ainsi, le prix du pétrole a augmenté brutalement ces dernières années.

Chine et Inde

Beaucoup ont blâmé la Chine et l’Inde, dont la croissance, qui dépasse 10% par année, exige énormément d’énergie. Or, le problème ne vient pas tant de la hausse de la demande que de la difficulté grandissante pour les pays producteurs de répondre à celle-ci. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’OPEP, a beau annoncer régulièrement une augmentation des quotas et une accélération de la production, aucun des pays membres de l’Organisation ne possède de capacité de production excédentaire significative, sauf l’Irak, pour les raisons que l’on connaît; tous les pays pompent aussi vite qu’ils le peuvent afin de profiter des prix croissants.

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On pourrait être tenté de croire que ce message apocalyptique provient de quelques groupuscules écologistes extrémistes, désireux de ramener l’humanité à l’âge des cavernes, mais ce n’est pas le cas. De plus en plus de chercheurs et de décideurs arrivent à la même conclusion alarmante: nous venons tout juste d’atteindre le pic de production. Ce processus de conversion a pris du temps, mais aujourd’hui même des organismes comme le Conseil mondial de l’énergie et le Département américain de l’énergie, deux organisations qui ont toujours fait preuve d’un optimisme débordant en ce qui concerne les réserves mondiales de pétrole, revoient leurs prévisions à la baisse. Ainsi, après avoir prédit pendant des années une augmentation constante de la production de gaz naturel canadien, le Département américain de l’énergie a changé son discours en 2006, annonçant, pour la première fois, une diminution à moyen terme de la production canadienne. Tous l’admettent maintenant: les réserves d’hydrocarbures fossiles sont de taille finie; plus on en consume, plus on s’approche de la fin. Or, au rythme actuel, cette fin est pour bientôt.

Le pétrole est au cœur de notre civilisation moderne. Il constitue la source d’énergie par excellence pour le transport des individus et des marchandises. Grâce à lui, les villes se sont étendues en banlieues, les importations se font à des prix dérisoires et les voyages aériens n’ont jamais été aussi populaires. En Amérique du Nord, le pétrole a presque éliminé le transport en commun par voie terrestre, qui n’existe plus que dans quelques grandes villes, et permis le développement du transport individuel à un niveau inégalé dans l’histoire de l’humanité. (…)

Normand Mousseau

L’auteur est professeur de physique à l’Université de Montréal. Ce texte est tiré de son dernier ouvrage, «Au bout du pétrole – Tout ce que vous devez savoir sur la crise énergétique», publié aux Éditions Multimondes.

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