Les impacts des vacances en voiture

Toutes les années, l’information revient inlassablement. Elle fait la une de la presse écrite et des journaux télévisés : il y a des bouchons sur les routes ! Des kilomètres de bouchons. C’est l’été, les gens partent en vacances. Travailler plus pour gagner plus, ok, mais il faut quitter sa petanite ville : la pollution, le bruit, les embouteillages, ça suffit ! Prenons la bagnole et allons-nous en, loin, très loin!

Polluer plus pour échapper encore plus à la pollution

A cheval entre les mois de juillet et août, le traditionnel chassé-croisé des vacances voit les « juilletistes » et les « aoûtiens » envahir les autoroutes.

C’est Le Figaro [1] qui en parle : pour le premier week-end du mois d’août, notre ami Bison Futé avait prévu une journée « noire » sur les routes. Pas bête le Bison ! Vu le nombre de bagnoles entassées sur les routes ce jour-là, on devine bien la couleur des autoroutes : noire, comme la fumée des gaz d’échappement…

Nous ne pouvons que féliciter les Français : « Le pic de 842 km atteint à 12H30 à l’occasion du premier chassé-croisé des vacances d’août, constitue un record. En 31 ans d’existence Bison Futé n’avait simplement jamais vu cela. »

En voilà un beau record ! Nous pouvons remercier les automobilistes qui partent en vacances avec leur engin pétrolivore, ils contribuent grandement à la croissance des industries automobile et pétrolière. Et la croissance du PIB en sera d’autant plus grande. On en connaît qui se frottent déjà les mains.

Et dire que les lobbies automobiles revendiquent avec fermeté la « liberté de circuler ». Où est-elle, cette liberté de circuler, avec près de 850 kilomètres de bouchons ? Est-ce vraiment agréable de passer des heures au beau milieu des pots d’échappement (avec toutes les conséquences sanitaires que cela implique) pour aller se faire dorer sur la Côte d’Azur ?

Une remarque au passage. Avec la congestion quotidienne des villes, où est la liberté de circuler pour les modes doux ?

Des vacances « mortelles »

Quelques jours plus tard, la nouvelle tombe comme un couperet : hausse du nombre de tués sur les routes en juillet [2].

« Au total, 478 personnes ont été tuées en juillet [2007], contre 471 dans le courant du même mois de l’année précédente », soit une hausse de 1,5% par rapport au mois de juillet 2006. Mais pas de souci, notre super-ministre d’Etat reste mobilisé et veille au grain. Encore plus de radars, plus de policiers et plus de gendarmes sur les routes, et tous les problèmes seront comme par miracle résolus ! Génial.

Oui, aussi bizarre que cela puisse paraître, la bagnole tue. Durant le même mois de juillet, elle a également blessé plus de 9.500 personnes. Maintenant, essayons d’imaginer un peu : on additionne les morts et les blessés de tous les mois de l’année. On inclus les mêmes chiffres provenant des autres pays du monde. On recommence l’opération pour toutes les années depuis l’introduction de la bagnole dans les pays « civilisés ». Au total, cela fait plusieurs millions de morts et de blessés grâce à cette superbe invention. Didier Tronchet, dans son Petit traité de Vélosophie (Plon, 2000), estimait à 35 millions le nombre de morts imputable à l’automobile depuis sa création. Et ce n’était qu’en 2000…

La machine folle est en marche : autoroutes, vitesse, stress, bouchons, accidents… pas de doute : la bagnole est là. Rien n’y fait, toutes les années c’est pareil. Une fatalité ?

Se désintoxiquer de la voiture : une urgence

La désintoxication à la voiture est une urgence absolue. Les raisons ne manquent pas. Pourtant, des millions de Français continuent à prendre leur bagnole. Que ce soit pour aller chercher leur pain, leurs cigarettes (à 500 mètres du domicile), amener les enfants à l’école, faire les courses ou encore pour aller voir la famille, les amis… Tant qu’il restera une goutte de pétrole sur la planète, les automobilistes trouveront toujours une bonne raison de prendre la voiture. Même pour partir en vacances.

842 kilomètres de bouchons pour la seule journée du 3 août dernier, cela fait combien de tonnes de CO2 dans l’atmosphère ? A moyen terme, quel impact sanitaire sur la population ? Et à long terme, quel impact pour la planète ?

L’Institut Français de l’Environnement a évalué cet impact phénoménal : les Français qui partent en vacances en voiture sont responsables à eux seuls de 16 % des émissions de gaz à effet de serre annuelles dues à l’automobile sur le territoire national. Chapeau bas !

On le répète souvent, mais apparemment cela ne suffit pas. Il faut dire que la télévision (véritable outil de propagande dont sont dotés 95% de la population française [3]) n’aide pas. La télé est envahie de publicités, notamment pour les voitures. Dans ces conditions, on comprend aisément que la critique de la société automobile n’est pas une évidence pour les chaînes du PAF.

Oui, la bagnole pue, la bagnole pollue, et la pollution tue.

• En parlant de pollution, Courrier International révélait récemment [4] qu’en Chine, « environ 750.000 personnes décèdent prématurément chaque année dans le pays, principalement en raison de la pollution atmosphérique dans les grandes villes. »

Bien évidemment, ce rapport de la Banque mondiale, « fruit d’une coopération de plusieurs années avec des ministères chinois », a été immédiatement censuré par les autorités chinoises. Toute vérité n’est pas bonne à dire ! La dictature, ça a parfois de bons côtés…

Seize des vingt métropoles les plus polluées dans le monde se situent en Chine. Les Chinois vont bientôt regretter d’avoir troqué leurs vélos pour ces monstres de ferraille. Napoléon Ier a dit [5] : « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». Il conviendrait aujourd’hui de rectifier cet aphorisme comme suit : quand la Chine s’éveillera, le monde puera.

Après plusieurs années d’une croissance effrénée tournant autour de 10%, on peut dire que la Chine s’est éveillée. Et les dégâts sont là. Une triste preuve parmi d’autres : en Chine, le dauphin blanc de la rivière du Yangtsé n’est plus [6]. L’espèce s’est éteinte, n’ayant pas résisté à la pollution et au trafic fluvial.

• En parlant de pollution, parlons pétrole.

Le quotidien La Croix [7], en plein été, nous donne des bouffées de chaleur grâce à un dossier intitulé : « Comment vivre avec un pétrole cher ? » En ce qui nous concerne, la réponse est toute trouvée : avec le vélo, les transports en commun et les autres modes doux !

Le dossier nous donne le tournis.

« La hausse du carburant n’a pas changé le comportement des Français » : dommage, à croire que le carburant n’est pas encore assez cher. Quand il sera très très cher (on l’espère, de toutes façons cette hausse est inéluctable), peut-être que les Français arrêteront de gaspiller cette ressource naturelle et retourneront à la réalité : non, le pétrole n’est pas une ressource infinie. On craint juste que cette prise de conscience arrive trop tard…

Au lieu d’abandonner leur engin énergivore, on apprend que les Français préfèrent dénicher les bonnes adresses où l’on peut trouver son essence moins chère. Drôle de comportement, à l’heure du réchauffement climatique !

Lire aussi :  Explosif : Le développement pernicieux des agrocarburants et le cas symptomatique de Fanaye au Sénégal

« 16 % de la population mondiale se partagent 70 % de la consommation mondiale de pétrole » : diable ! Et quand 100% de la population mondiale consommera autant de pétrole que les Américains, on fera comment ? On roulera en voiture électrique et on fera fleurir les centrales nucléaires sur tout le territoire ? (en passant évidemment à la trappe le fait que l’uranium est une ressource naturelle en quantité limitée et que les déchets nucléaires restent dangereux pendant des milliers d’années…)

Ou bien on n’utilisera plus que des agrocarburants, et on recouvrira la planète de champs de céréales OGM ? Quel beau futur prometteur ! On en rêve tous !

« En moyenne, quatre barils de pétrole sont consommés par habitant et par an dans le monde, mais ce chiffre s’élève à 11 par Français, 20 par Américain et seulement 1,5 par Chinois » : quand la Chine s’éveillera

Nos solutions pour commencer la cure

Se débarrasser de la voiture, c’est facile. Les vélorutionnaires l’ont fait, pourquoi pas vous ?

On dit souvent que la voiture est plus rapide que le vélo. Certes, le vélo ne passe pas de 0 à 100 km/h en 6,5 secondes. Zut ! Mais en ville, il y a des feux, des piétons, des bouchons… La voiture peut rarement y rouler vite. Le vélo est souvent bien plus rapide pour de courtes distances. Les études de déplacements urbains montrent d’ailleurs que la majorité des trajets automobiles en ville sont courts, effectués par des personnes seules avec un coffre vide. Exit donc, les fausses excuses du genre : « on ne peut rien transporter à vélo ». On ne trimballe pas 1m3 d’objets tous les jours…

Oui, mais en dehors de la ville ? Les automobilistes arguent que l’on peut aller de partout grâce à la voiture. Hé bien, à vélo aussi ! En plus, à bicyclette, on se confond avec la nature. On peut s’arrêter pour l’observer. On profite des paysages. On respire l’air pur (on essaie, parfois). En voiture, on est enfermé dans sa cage en métal, hors du réel. La clim’ à fond pollue et empêche l’automobiliste d’être en contat avec l’extérieur. Il ne peut pas prendre le temps d’admirer les paysages : il doit foncer, il est toujours pressé. Au final, la voiture détruit la nature (autoroutes, pollution, animaux tués…) que l’automobiliste est pourtant venu voir…

Tiens, d’ailleurs, c’est marrant : le jeudi 9 août 2007, on apprend que Franska, l’ourse slovène des Pyrénées, est tuée par deux voitures. Non contente d’envahir et de polluer nos villes, de tuer et de blesser des milliers de gens par an, la bagnole s’en prend aux espèces protégées. Autant de reproches que l’on ne peut pas faire aux vélos. Sauf à être de mauvaise foi. Et dire qu’il y a encore des gens pour affirmer, sans rire, que les cyclistes sont dangereux… L’auto est tellement présente dans la publicité, dans l’espace public, dans les esprits, que les gens ne se rendent même plus compte d’où vient le danger.

Pour revenir sur les vacances, signalons que tous les trains TER acceptent les vélos, sans surcoût. Les TGV et les trains de nuit acceptent également les vélos. Et puis en pédalant, même un néophyte peut facilement parcourir plus de 50 kilomètres par jour sur la route. Si vous trouvez le train trop cher, comparez le prix d’un billet avec le coût réel de la voiture (achat, entretien, assurance, essence, péage, etc.). Comparez aussi l’impact environnemental de votre choix. Ainsi, vous réduirez votre dépendance à la voiture. Vous serez sur la bonne voie.

D’autre part, avec un vélo bien équipé (porte-bagages solide, sacoches latérales imperméables, sacoche pour guidon…), on peut facilement transporter l’équivalent d’un énorme sac à dos de camping. Largement suffisant. Cela incite en outre à ne prendre que le strict nécessaire. Pas d’investissements faramineux pour partir en vacances, en somme.

Ah l’argent, le nerf de la guerre ! Ca tombe bien. Selon l’INSEE, en 2004, les ménages ont consacré en moyenne 14,9% de leur budget pour la voiture, soit 5.140 euros par an [8].

Si l’on résume, les Français passent en moyenne 15% de leur temps de travail à financer leur bagnole (coût d’achat, entretien, essence…). En travaillant 15% de temps en moins, ils auraient ainsi beaucoup plus de vacances, donc plus de temps pour partir en vacances. Le temps ainsi gagné permettrait aisément d’abandonner sa voiture au profit de son vélo. Sans compter les économies réalisées grâce à l’abandon de son engin pétrolivore…

Franchement, à quoi ça sert de partir en vacances en bagnole ? Même si vous détestez les cyclistes car vous conduisez un 4×4, il existe en France des trains et des bus qui vont presque partout, et Dame Nature vous a doté d’une paire de jambes pour marcher. Pourquoi polluer les paysages que l’on veut admirer ? Pourquoi dépenser autant d’argent pour se déplacer d’un point A à un point B ? Vous aimez vraiment les bouchons, la pollution, le bruit, les risques d’accidents ?

Malheureusement, quand on veut travailler plus pour gagner plus, on s’enferme dans un monde où il faut toujours aller plus vite et plus loin, où le temps libre n’est plus que chimère, dans un monde où les relations sociales s’effritent, où le progrès sans frein dépasse toute raison.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais au XVIème siècle. Malheureusement, cela reste plus que jamais d’actualité…

En résumé…

Si 53% des électeurs disent qu’ils ne rechigneraient pas à travailler plus – donc à faire plus d’efforts – pour gagner plus de pognon, force est de constater que 100% des automobilistes ne sont pas capables de faire le moindre petit effort pour la planète. Drôle de paradoxe par les temps qui courent.

Source : http://velorutionlyon.free.fr/

Notes :

[1] Le Figaro, 3 août 2007 : « La situation s’améliore sur les routes » (sic).

[2] Dépêche AP, 8 août 2007 : « Le nombre de tués sur les routes en hausse de 1,5% en juillet ».

[3] Source : INSEE, enquête permanente sur les conditions de vie 2004.

[4] Courrier International, 3 août 2007 : « Pollution : le rapport qui embarrasse Pékin ».

[5] Citation attribuée à Napoléon Ier, en 1816. Voir, à cet égard : Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera, Alain Peyrefitte, 1973, Fayard.

[6] Rue89, 9 août 2007 : « Le dauphin blanc de Chine n’existe plus ». Disponible sur http://rue89.com/2007/08/09/le-dauphin-blanc-de-chine-nexiste-plus.

[7] La Croix, 9 août 2007 : « Comment vivre avec un pétrole cher ? ».

[8] INSEE Première, n°1039, septembre 2005 : « Le budget transports des ménages depuis 40 ans – La domination de l’automobile s’est accrue », par Régis Arthaut. Disponible sur http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ip1039.pdf.

Un commentaire sur “Les impacts des vacances en voiture

  1. Berkut

    Le cas s’applique volontiers aux citadins, mais en domaine rural les « engins pétrolivores » demeurent quasiment obligatoires. Je parle seulement de déplacement bien entendu, pas d’engin agricole.
    Ayant habité dans un lotissement perdu dans la campagne, je me souviens que sans voiture on avait que la possibilité de la ballade au vert. Mais la vie ne s’y borne pas hélas, il faut bien travailler, faire ses courses, etc… Or les transports en commun sont bien souvent restreints au ramassage scolaire… Il faut bien cerner le fait qu’abandonner la voiture est envisageable surtout en milieu urbain.

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