Plaidoyer pour un premier quartier exemplaire et sans voiture à Paris

Serons-nous tous des réfugiés climatiques ?

Les conséquences du réchauffement climatique provoqué par les pays industrialisés seront dramatiques. En 2040, l’ours polaire risque de ne plus avoir de glace à sa disposition pour conserver son mode de vie. L’humanité sera aussi touchée. La montée progressive des océans inondera une partie du Bengladesh et des Pays-Bas. Des précipitations trop fortes ou des sécheresses trop intenses obligeront des peuples, en particulier les plus pauvres, à migrer. L’ONU a chiffré à 110 millions le nombre de réfugiés climatiques en 2010. Ces mouvements de populations ne se feront pas sans conséquence. Face à ces enjeux climatiques, il nous apparaît qu’au plan national et local, votre réponse manque de réalisme et d’ambition.

Les solutions de demain sont applicables dès aujourd’hui

Les émissions de gaz à effet de serre sont intimement liées à nos consommations d’énergie. Pour les endiguer, les solutions sont connues. Nous avons à notre disposition des techniques et des connaissances pour éviter la catastrophe climatique sans perdre notre confort de vie ni nos emplois. C’est ce que démontre notamment le scénario Negawatt (1) qui prône l’efficacité, la sobriété et le développement des énergies renouvelables. Il s’agit par exemple de choisir des équipements économes en énergie, comme remplacer un vieux réfrigérateur par un modèle économe de catégorie A, de développer des gestes simples comme prendre les transports en commun au lieu de sa voiture. Cette réflexion permet de décliner des réponses locales à un problème global. En Autriche, la commune de Mureck (2) produit elle-même l’intégralité de la chaleur et de l’électricité dont elle a besoin à partir de sources renouvelables. Les agriculteurs sont ainsi devenus des producteurs d’énergie, ce qui contribue à créer des emplois directs et non délocalisables dans la commune et ses alentours. Il faut absolument que tels exemples deviennent la norme. Si on ne s’y prend pas maintenant, le coût de l’inaction sera bien supérieur à celui des mesures à prendre, comme le démontre le rapport Stern (3). Nous avons 10 ans pour réagir, il n’est pas trop tard.

Et dans le 13e arrondissement de Paris ?

C’est pour faire face à ce défi qu’en mai 2005 l’association des Amis de l’EcoZAC s’est constituée. Pensant globalement pour agir localement, elle entend influer sur le projet d’aménagement de la ZAC de Rungis, à minima sur les thèmes de l’énergie et des transports. En France, les bâtiments sont directement responsables de 19% des émissions de gaz à effet de serre, générées par le chauffage et l’eau chaude sanitaire. Ce bilan s’alourdit encore si l’on comptabilise les émissions de gaz à effet de serre (4) engendrées par la production de matériaux de construction, habituellement imputées au secteur industriel. D’autre part, l’absence de valorisation des déchets organiques domestiques (épluchures, marc de café, …) entraîne des émissions de gaz à effet de serre lors de la mise en décharge ou de l’incinération. Mais le facteur le plus important est le lien entre urbanisme et transports : les distances entre nos habitations, nos lieux de travail, nos lieux d’approvisionnement et nos centres de loisirs sont largement responsables de nos besoins en transports.

Rester cohérent avec ses engagements

Après presque deux ans de travail sur le dossier, les Amis de l’EcoZAC (5) ont réussi à faire passer un certain nombre d’idées qui paraissent être aujourd’hui des choix évidents : récupération de l’eau de pluie, bâtiments bien isolés, utilisation des énergies renouvelables…Ces avancées vont dans le sens d’une recommandation importante faite par l’atelier  » Bâtiment  » dans le cadre de la préparation du Plan Climat de Paris (6) initiée par l’Hôtel de Ville. Si ces acquis doivent encore être validés par la décision politique, il reste que la thématique du stationnement et des transports est le point faible du projet. Il faut arriver à faire de cette ZAC (7) le premier quartier sans voiture de la capitale, en cohérence avec les engagements pris à Kyoto et le plan de déplacement de la Ville de Paris (8), dont le premier axe stratégique est de  » répondre aux besoins de mobilité de tous dans une perspective de développement durable « .

Un quartier traversant et sans voiture pour désenclaver autrement

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Pourquoi certains représentants des conseils de quartier participant à la concertation sur l’aménagement de la ZAC de Rungis (Paris 13ème) sont-ils opposés à l’idée d’un quartier sans voiture ? Par peur que ce quartier, coincé le long des Boulevards Maréchaux et très peu animé, reste enclavé. Mais peut-on réellement espérer qu’il suffise de réduire de quelques dizaines de secondes le temps de trajet en voiture entre la place de Rungis et le Boulevard des Maréchaux, pour améliorer la fréquentation de cette partie du 13ème? L’ouverture d’une nouvelle voie automobile risque plutôt d’augmenter les nuisances dues à la circulation de transit et l’attractivité du nouveau quartier se verra réduite si l’usage collectif et festif des espaces publics est grignoté par le stationnement.

A la demande d’une zone qui se traverse et se quitte facilement en voiture, nous opposons la vision d’un quartier traversé par de nombreux cheminements piétons et cyclistes, attractif parce que l’on peut y respirer, laisser jouer les enfants sans crainte ou prendre un verre dehors avec des amis loin de la pollution automobile. Un quartier vivant se traverse à pied, les véhicules personnels étant stationnés dans des parkings mutualisés situés aux deux points d’entrée de la ZAC. Riverains, visiteurs et personnels de la crèche, de l’EHPAD et des bureaux ont aussi le choix d’y accéder facilement à pied, en transports en commun, en vélo et deux roues, grâce à un ensemble de services pensés pour minimiser l’usage de la voiture individuelle. Bien évidemment, ce nouveau quartier comportera des voies d’accès pour les urgences et pour des livraisons. Inciter à l’utilisation de transports doux est une réponse logique au fait que 56% des foyers parisiens n’ont pas d’automobile, alors que la voiture est responsable à Paris de 57% des émissions de gaz à effet de serre, et que la surmortalité liée à la pollution atmosphérique (9) chez les plus jeunes et les plus âgés est de 6%.

Respecter les générations futures dans nos choix d’urbanisme, c’est donc aussi et avant tout proposer aux habitants des charges de chauffage, d’électricité et de transport réduites, en somme leur offrir une meilleure qualité de vie. La signification du dossier de la ZAC de Rungis dépasse de loin son caractère local. Tout manque d’ambition serait la preuve d’une terrible vérité : en pleine connaissance de cause, les décideurs politiques ne prendront pas les choses en main. A l’inverse, si dans les mois à venir, vos décisions permettent de réaliser le premier quartier durable de Paris, vous montrerez que des responsables politiques ont la capacité et le courage de mettre en place des réponses concrètes pour faire face au défi du réchauffement climatique.

Les Amis de l’EcoZAC de la Place de Rungis 

1 www.negawatt.org

2 www.mureck.gv.at – A partir de la biomasse et d’une agriculture respectueuse de l’environnement, la commune produit également des biocarburants.

3 Nicholas Stern, ancien chef économiste de la Banque mondiale chiffre le coût de l’inaction à plus de 3 700 milliards de livres (5 500 milliards d’euros), soit un ralentissement du produit intérieur brut mondial (PIB), de 5 % à 20 %. Rapport Stern

4 Source MEDD/CITEPA : Inventaire des émissions de GES en France

5 Ecozac Paris

6 Sur la page Plan Climat – Ateliers Thématiques du site de la Mairie de Paris : Atelier A : Bâtiment

7 La ZAC de Rungis, rassemblera sur plus de 3 hectares 19000 m² de bureaux et 13000 m2 de logements, un jardin public, une crèche et un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). www.parisrivegauche.com

8 Extrait du projet de PDD « Pour un droit à la mobilité durable pour tous », qui sera présenté en Conseil de Paris les 12 et 13 février 2007 « Dans les opérations d’urbanisme exemplaires en matière de qualité environnementale (exemple de la ZAC Gare de Rungis), les programmes prévoiront un nombre de places de stationnement très limité et mutualisées, répondant en priorité aux besoins des résidents. ».

9 Projet de Plan de Déplacements de Paris, p7

2 commentaires sur “Plaidoyer pour un premier quartier exemplaire et sans voiture à Paris

  1. troglodix

    il faut arrêter avec ces bêtises extrémistes de marche à pied.
    Pourquoi braves gens oubliez-vous systématiquement les vieux se déplaçant très difficilement, les handicapés, les enfants en bas âge ?
    Un seul bus dessert la pointe ce quartier très enclavé, le 67. Le tram passe à son extrémité sud qui ne dessert pas Paris, mais sa périphérie.
    Quartier, dont les rues ont une forte déclivité, il est bon de le rappeler.
    Et ce n’est pas la traverse Bièvres-Montsouris passant en limite également toutes les 15-20 minutes avec ses dix petites places inconfortables qui puisse actuellement aider à le désenclaver.
    Par quel miracle, allez-vous détourner les nouveaux arrivants de cette opération du grand pipeau de leur voiture, croyez-vous sérieusement que ceux qui en ont une la casseront avant de s’installer dans le quartier ?
    Vous plaisantez sans doute avec ce discours démagogique du « sans voiture ».

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