Vivre simplement à la campagne… sans voiture

Lu sur S!lence : « Ah ! le débat sur la voiture à la campagne à en croire de nombreuses personnes qui ont fait le choix d’une vie simple à la campagne, il est possible de se passer de beaucoup de choses, d’être très autonomes, mais comment être reliés à la société sans cette tonne de ferraille ? (1) C’est pourtant possible, comme en témoignent Marc et Lotti Bosch, engagés depuis 1997 dans une expérience de recherche de cohérence.

Des alternatives pour l’autonomie

D’origine suisse, le jeune couple s’investit un temps dans la solidarité internationale et vit un an en Équateur et en Colombie. Le temps de prendre conscience que le niveau de vie des pays occidentaux ne peut se maintenir que par le pillage des autres pays du monde. Ils décident à leur retour en Europe de chercher un mode de vie compatible avec la survie de la planète et qui ne soit pas une source de pillage des autres peuples. Ils cherchent alors une maison à la campagne à proximité d’une gare qu’ils pourront rejoindre en vélo. Ils trouvent une maison sans aucun confort, non raccordée à EDF, abandonnée depuis dix-sept ans, mais avec une source et un puits pour l’eau potable, sur une colline du Gers, à seize kilomètres d’une gare. Avec un ancien bâtiment agricole, elle est vendue avec presque cinq hectares de terre. Elle était auparavant habitée par un couple d’agriculteurs classiques qui pratiquaient la polyculture-élevage.

Fortement documentés sur les alternatives écologiques, mais sans aucune formation particulière, ils s’y installent en cherchant à vivre le plus possible en autonomie. Sans électricité, ils vivent au rythme des journées, complétant l’éclairage quand c’est nécessaire avec des bougies qu’ils fabriquent eux-mêmes avec de la cire d’abeille récupérée chez un apiculteur voisin.

Ils mettent en place un jardin potager et font la cuisine avec des cuiseurs solaires ou avec un fourneau à bois. Ils ont une bouteille de gaz en dépannage. Le bois est scié à la main. Le lavage des vêtements se fait à la main. Ils achètent une ânesse pour les aider dans les travaux agricoles. Ils achètent également des remorques pour le transport avec leurs vélos.

Ils n’ont aucun moteur dans leur maison. La farine est obtenue le plus souvent grâce à un moulin fixé astucieusement sur un vélo recyclé, elle est parfois acheté à un agriculteur bio voisin. Ils cueillent beaucoup de fruits dans les forêts communales et sur des parcelles abandonnées. Les fruits sont mis à sécher pour la conservation dans des séchoirs solaires installés dans le grenier d’une deuxième grange aménagée progressivement en gîte pour l’accueil de stages. Les légumes sont conservés à l’année par lactofermentation ou dans du sable (pour les carottes par exemple). Un système de nacelle que l’on peut descendre dans le puits sert de frigo lorsque la température est trop élevée. Des toilettes sèches servent à produire un compost utilisé pour enrichir les sols en dehors du potager. Un capteur photoélectrique, seule concession à la technique, permet de pomper de l’eau depuis la source jusqu’à la maison située une trentaine de mètres plus haut.

Cinq brebis fournissent une partie de la laine, le reste vient du recyclage ou de tontes chez les voisins. Une partie de la laine a servi pour l’isolation des maisons. Le reste de la laine est coloré avec des teintures végétales que Lotti sait préparer. Puis elle sert à tricoter des vêtements, d’autres habits proviennent de récupération ou de fripes. Pour être encore plus autonomes, ils développent des essais de production de semences bio et font des échanges avec d’autres jardiniers passionnés. Dernier choix : ils n’ont pas le téléphone, encore moins internet, estimant que si on veut les voir, on peut prendre le temps de leur écrire.

Commerce sans voiture

Les deux premières années, ils n’utilisent pratiquement pas d’argent. Ils sont totalement investis dans le développement d’un potager et dans la restauration de leur maison d’habitation. Une fois qu’ils ont pris pied dans leur nouveau cadre de vie, ils cherchent comment avoir une entrée d’argent minimale pour assurer certains besoins. Comme ils cherchent à ne pas utiliser de voiture, ils optent pour la culture d’herbes aromatiques qu’ils cultivent sur un coteau bien exposé au soleil, qu’ils font sécher dans les séchoirs solaires et qu’ils vont vendre sur le marché bio de la place du Capitole de Toulouse.

Concrètement, pendant sept ans, ils ont loué un petit local à proximité du marché où est rangé le matériel nécessaire à leur stand. Le matin, Marc part avec son vélo et tracte jusqu’à la gare sa remorque pleine de sachets de plantes. A la gare, il laisse son vélo, et monte dans le TER avec sa remorque, suffisamment étroite pour cela. Arrivé à la gare de Toulouse, il se rend à pied, en tirant sa remorque, à son local, où il récupère son matériel de stand, puis va au marché, à environ 500 mètres de la gare. A partir du marché bio de Toulouse, s’est mis en place un petit réseau de distribution dans quelques magasins bio de la région. Ils développent aussi la vente par correspondance, ce qui est là aussi facilité par le faible poids des plantes aromatiques. Ces ventes se sont suffisamment développées maintenant pour permettre d’arrêter, en 2007, de faire le marché de Toulouse. Un dernier revenu du couple provient de quelques stages organisés sur place (teintures végétales par exemple), stages dont sont demandeurs les visiteurs qui viennent de plus en plus nombreux, surtout d’Auch ou de Toulouse. La proximité d’un chemin de petite randonnée leur vaut également des rencontres.

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Ils organisent aussi des visites avec les gens du village, ce qui fait que, même avec une démarche que certains jugeront sans doute très radicale, il n’y a jamais eu de problèmes de voisinage.

Un budget extrêmement limité

Pour avoir le statut d’agriculteur, il faut cotiser à la MSA, Mutuelle sociale agricole. Cela coûte actuellement 3500 € par an. Quand ils ont demandé à adhérer, au vue de leur faible activité économique, les responsables locaux leur ont conseillé de s’inscrire au RMI en leur disant qu’ils gagneraient plus d’argent avec moins de travail. Mais ils ont patiemment expliqué qu’ils n’étaient pas dans la misère et qu’ils n’avaient pas besoin d’être assistés. Ils cotisent donc… ce qui représente la moitié de leurs dépenses annuelles. En 2006, ils n’ont dépensé que 3000 € supplémentaires. Ils sourient quand on leur parle du coût des produits biologiques : eux ne mangent que bio toute l’année et sans problème financier. Ce sont peut-être d’autres choix comme la voiture qui sont chers, pas les produits bio !

Les 3000 € leur servent à acheter des produits locaux qu’ils ne produisent pas: des lentilles, des pois chiches, de l’huile et deux produits qu’ils ne trouvent pas localement : les pâtes et le riz (d’Italie). Ils cherchent actuellement un producteur de blé dur local pour pouvoir se lancer dans leur propre fabrication de pâtes.

Ce budget est celui d’une petite famille, car au fil des ans, deux filles sont nées, l’une en 2003, l’autre en 2007. Ceci les a conduits à surveiller de près leur équilibre alimentaire et à mettre en place un concentrateur solaire pour disposer d’eau bouillante et pouvoir ainsi stériliser les couches culottes lavables.

La venue des deux filles les a obligés à investir dans une remorque pour enfants, remorque qui stationne aux côtés de celle pour le marché et d’une troisième spécialement conçue pour le transport du bois.

Après une dizaine d’années d’investissements divers, les deux maisons sont entièrement rénovées, ils ont tous les outils, vélos, remorques nécessaires et se retrouvent dans une situation étrange : ils commencent à avoir de l’argent de côté.

Aller vers la décroissance

Ils ont bien conscience d’avoir seulement montré qu’ils pouvaient avoir une démarche en cohérence à deux adultes et deux enfants et que leurs choix ne sont pas forcément généralisables. Ils sont donc fortement intéressés par les discussions autour du thème de la décroissance, démarche collective .pour un changement de société. Ils sont en relation avec de nombreux autres lieux alternatifs locaux et participent ainsi aux débats.

Leur expérience montre enfin que, pour vivre à la campagne sans voiture, il faut déjà avoir la chance de ne pas être trop loin d’une gare, ce qui suppose dans un projet de société de décroissance que l’on conserve et redéveloppe le train comme mode de liaison sur les grandes distances comme cela existe en Suisse, leur pays d’origine.

MB

Marc et Lotti Bosch, au bois Bédat,
32410 Castelnau-Barbarens.

(1) Voir dossier dans S!lence n°317 et l’abondant courrier des lecteurs dans les numéros suivants.

S!lence #353 janvier 2008

17 commentaires sur “Vivre simplement à la campagne… sans voiture

  1. Odilon

    Si on commençait déjà à se soucier de la voiture en ville, basta l’extension du domaine de la lutte ! 80% des français sont urbains, et les campagnes ont d’autres souçis !
    C’est agaçant ces mièvreries autour de l’exemplarité d’individus aussi isolés que jusqu’au-boutiste ! Le souci de l’individu d’avoir tous les caractères extérieures du nouvel homme vert fait, hélas, côtoyer l’alternative aux habitudes et l’ingéniosité pratique avec le maintient des pires rigidités de principe, des tartuferies confinant au ridicule !
    Et puis toujours réduire l’enjeu politique et collectif à une burlesque expérience personnelle, c’est le mal du temps ! Quid des engagements politique locaux, de la vie associative en proximité, à part les stages payants et initiatiques…
    Ce sont-ils mis à l’occitan nos deux Suisses du Gers une fois leur exploitation achétée (la sobriété bourgeoise présente toujours mieux que le réel dénuement) pour apprendre aux paysans « classiques » comment ne pas être la source du pillage d’un autre peuple…On est toujours le colon d’un autre !
    Et puis la chasse au moteur pour la chasse au moteur !
    1 litre d’essence c’est l’équivalent de la force de travail de cinq gars pour une journée, ainsi plutôt que de s’émerveiller tout pantois devant le tour de piste de deux télétubbys, pressons surtout les citadins en 4×4 de ne pas tout brûler, pour que l’on puisse dans les champs avoir au moins quelques recours ponctuelles à la force mécanique, car moissonner demain à la faux pour alimenter la France en pain ça risque de nous faire tout drôle !

  2. Bourgois

    Voilà tout est résumé sur cette page !

    Avec 1 milliard d’Odilon, en 2060, il n’y aura plus d’espèce humaine.
    Avec 1 milliard de marc/Lotti, on pourra encore faire vivre des millions de marc/Lotti en 2060…

    L’une a priori ne voyage pas vraiment en dehors des frontières de la France, les autres eux l’ont fait…

    C’est la nature de l’homme… Dommage !

  3. dalquiè

    Bonjour,
    Je cherche la liste des villes ou villages français sans voitures.
    Cordialement
    marie Dalquiè

  4. CJ

    Ben voyons… En gros c’est le retour à la grotte que vous nous prônez là… Vraiment n’importe quoi. Les brebis, l’isolation en poil de moutes, les mômes en remorquette à vélo. Puté mon Dieu mais quel baratin !

  5. herve

    Hello,

    relater ce genre d’expérience trés radicale(pour nous européens), fait AMHA beaucoup de tort à ce site pour les non-initiés, dommage …

  6. Tinnec

    Hervé, si on commence à éviter certain thèmes et transformer les faits pour éviter que les gens par manque de culture ou d’information ne se dirigent pas vers des chemins « mauvais » on peut se faire appeler TF1.

    Laisse les courts d’esprits et autres mal-informés se moquer.

    Quand à ceux qui ne comprennent pas ce genre de mode de vie, sachez que ceux qui le pratique trouve dommage que vous continuiez à tuer la planète à petit feu et que vous passiez votre vie à courir derrière des promesses que vous faire Monsieur Capital.

    Nous sommes dans un pays libre, je vous laisse alors vous exprimer, content de savoir quelle est l’opinion de mes compatriotes, par contre je trouve dommage que les critiques ne soient pas mieux argumentées afin de faire avancer le sujet…

  7. herve

    Hello
    @Tinnec:

    oui, je comprends bien tout cela.

    mais je m’aperçois aussi, au boulot par exemple, que a trop demander d’un coup aux collègues, ils se braquent, et rien n’avance !
    ce qui est fort dommage, non ?

  8. MICHEL

    Bravo, je trouve que c est un bel exemple de vie solidaire et raisonnée.
    Un bon modèle que je souhaite vivre également.
    merci.

  9. CJ

    Michel, pour vivre ce merveilleux modèle, commencez déjà par ne pas venir nous en faire part sur internet…

    Comme d’habitude, l’écologie féroce, c’est surtout bien en imagination et de préférence pour les autres, car lorsqu’il s’agit de réellement être raccord avec ce qu’on prône, là, il n’y a plus grand monde.

    Donc Michel, faites-vous couper l’électricité, le chauffage, la flotte, remplacez l’eau au fond de vos sanitaires par de la sciure, et… à très bientôt ! ^^

  10. Pim

    Encore une fois CJ, décroissance et vie simple ne rime pas avec préhistoire…. Tous les moyens sont bons pour promouvoir ce mode de vie, Internet aussi !

  11. POSSINOU

    En voie de décroissance, je suis installée dans un petit bourg de loire-atlantique, et je me pose une question cruciale:si pour moi vivre plus simplement est une évidence, je suis maman de deux enfants de 3 et 5 ans.
    Mon choix n’est-il pas égoïste? Puis-je renoncer par avance à leur payer des études (onéreuses) ou un traitement médical s’il leur arrive quelque chose?

  12. Tinnec

    @ Possinou:

    C’est une question que je me suis posé moi-même.

    Je ne parle pas des frais médicaux possibles, parce qu’ils me semblent une priorité, et donc la première dépense.
    En ce qui concerne les études, pour moi la question reste entière malgré de longues réflexions sur le sujet. Mais je ne pense pas non plus que les vocations naissent le jour du Bac, ce qui laisse du temps si cela semble nécessaire pour changer ses habitudes de vie afin d’être économiquement plus productif le moment venu.
    On souhaite tous le meilleur pour nos enfants et c’est normal. Mais je suis convaincu que pas même 50% des Européens – même en travaillant très fort – aient les moyens de payer les études qui les intéressent à leurs enfants. Maintenant cette pensé ne me fait pas me sentir plus libre de choisir un mode de vie ou un autre sans me sentir peut-être un peu coupable.
    Mais donner à manger de la merde à un gosse et se servir de la télé plusieurs heures par jour comme babysitteur est à mon sens beaucoup plus pervers.

  13. Pim

    @Tinnec & Possinou :
    je comprends vos inquiétudes quant aux études, d’autant plus que « l’égalité des chances a (encore) récemment fait débat ». Mais je tiens à rappeler que pour une fois, on a la chance d’être en France, et que la plupart des études sont gratuites : universités (frais de 300 à 400 eur/an, ce qui est très léger), classes prépas ou BTS : complètement gratuit car dans un lycée; grandes écoles (après prépa) : la plupart sont gratuites (à l’exception des écoles de commerce, mais c’est normal c’est du commerce ils sont là pour faire du fric), certaines memes recrutent des élèves fonctionnaires et les élèves sont payés plus que le SMIC pendant leurs études. Les payantes sont les écoles privées et souvent les moins prestigieuses (frais de 4 à 6000 eur/an).
    Enfin, l’accès à ces concours est entièrement gratuit pour les boursiers…

    J’aurais pu faire la meme remarque concernant le système de santé, qui demeure l’un des plus performants au monde (malgré ses critiques et restrictions)

    Vos inquiétudes me semblent en revanche complètement fondées pour des gens des US ou UK …

    @Tinnec : « Mais donner à manger de la merde à un gosse et se servir de la télé plusieurs heures par jour comme babysitteur est à mon sens beaucoup plus pervers. »
    J’adore!!!! Entièrement d’accord

  14. apanivore

    J’ai du mal à faire un lien entre décroissance, santé et éducation. Pourquoi serait on moins bien soigné ou formé si on choisit de vivre simplement ?
    Avoir une vie plus simple n’implique pas de se débarrasser de sa mutuelle. Ou de faire des études qu’on n’a pas envie de faire.

    Vivre simplement c’est se concentrer sur l’essentiel. La santé et les études ça en fait partie. Une télé, une voiture, des vacances aux Seychelles non.

  15. mirka

    J’adorerais vivre dans un village … j’ai passé mon enfance dans un village en corse, inoubliable !

    Le souci c’est que mes parents se font vieux, du coup du village on est passé à une petite ville (toujours en corse) et on en sort rarement.

    Faut dire qu’en corse la voiture est roi donc le train et le car ont très peu d’horaires en été , et qui sont quasi-inexistant l’hiver.
    J’espère que la corse favorisera les transport en commun dans un avenir proche, parce sincèrement, sauf si on est jeune et en bonne condition physique, la corse à pied ou a vélo c’est infesable à certains endroits.

    Et c’est vraiment invivable pour les personnes âgées, surtout concernant la médecine , la poste et la banque .

  16. LE VOISIN

    bonjour a tous ,
    je trouve cette expèrience intéressante ,et il ne faut pas se moquer d’expèrience de ce style !
    mais la campagne sans voiture n’est pas éxceptionelle , il faut aller voir les milliards d’humains qui vivent encore ainsi ! ils vivent ainsi pour eux,et produisent eux même leurs nouriture …
    et ne se soucient absolument pas de la facon ingénieuse que vont avoir les milliards de CITADINS de se nourir …
    car même si vous êtes écolos a 100 % et que vous achetez votre nouriture , celle-ci n’a certainement pas été produite a dos d’anne …

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