Le crash pétrolier aura lieu ce soir à la télé

Bakou, Azerbaïdjan. Morne plaine. Des pompes à essence pendent, fatiguées, le long d’une route déserte. Ici, d’antiques pipelines rouillés. Là, des fûts percés gisent dans une mare noire. Plus loin, des milliers de derricks, figés pour l’éternité, tel une armée fantôme. De ce qui fut l’eldorado du pétrole, au début du XXe siècle, il ne reste rien. Rien que le goût rance d’un paradis trop vite perdu. A Bakou comme au Texas, l’âge d’or de l’or noir est définitivement révolu. Il a disparu avec sa manne. A l’époque, on croyait le pétrole éternel. Il suffisait de creuser dans le sol pour qu’il en jaillisse des litres. Et on a pompé… jusqu’à la dernière goutte.

«Cruel sera le réveil» est un film choc. Une analyse terrifiante de notre dépendance énergétique aux combustibles fossiles et de la crise post-pétrole qui nous guette : krachs boursiers, récession mondiale, émeutes, guerres, famines… Un monde apocalyptique. A la façon d’un Michael Moore, le journaliste suisse Basil Gelpke et le cinéaste irlandais Ray McCormack ont alterné images d’archives et déclarations d’experts sur fond de bande-son lancinante. Dès les premières images, le ton est donné : «Le pétrole est l’excrément du diable», dit une voix. «Le pétrole est le sang de la Terre», dit une autre. Une ressource rare et non renouvelable issue de la sédimentation de cadavres d’animaux marins déposés au fond de l’océan, apprend-on. Une matière organique inestimable, produit de millions d’années d’histoire géologique, aujourd’hui pratiquement épuisée après un siècle d’exploitation seulement.

La ruée vers l’or noir débute à la fin du XIXe siècle. Tour à tour l’Azerbaïdjan, le Venezuela, puis les Etats-Unis deviennent les premiers producteurs de pétrole, bien avant le Moyen-Orient. Facile à extraire, facile à stocker et extraordinairement bon marché ( !), le pétrole est utilisé partout : emballages plastiques, vêtements, cosmétiques, insecticides, désherbants, engrais, pesticides… Grâce à cette manne inespérée, l’agriculture intensive fait un bond en avant spectaculaire et provoque un boom démographique sans précédent sur l’échelle de l’humanité. C’est la grande révolution verte. Aujourd’hui, le pétrole est le poumon économique du monde. Il représente plus du tiers des ressources énergétiques consommées sur la planète et 98% de l’énergie utilisée dans nos transports. A l’exception d’une ou deux îles du sud du Pacifique, le monde entier en dépend. Champions toutes catégories ? Les Etats-Unis, véritable nation à quatre roues. Les villes y sont conçues autour de la voiture. Peu ou pas de transports publics, des banlieues éloignées. Et une essence moins chère que l’eau ! Résultat : à eux seuls, les Etats-Unis consomment le quart du pétrole mondial, alors qu’ils ne possèdent que 2% des réserves connues ! Hélas, ces dernières ne sont pas infinies. A en croire les spécialistes qui se succèdent devant la caméra, géologues, historiens, pétroliers et même anciens conseillers de la Maison-Blanche, la fin de l’ère pétrolifère est proche. Très proche. Nous en avons pour une petite trentaine d’années, au mieux, avant que les derniers gisements d’énergies fossiles de la planète s’épuisent. Et en attendant, la demande mondiale, elle, continue d’augmenter, dopée par la croissance exponentielle des géants indiens et chinois qui eux aussi veulent rouler…

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Alors que faire ? La seule région qui n’a pas encore atteint son pic pétrolier est le Moyen-Orient, qui fournit deux tiers de la production mondiale. Mais mieux vaut ne pas trop y compter. Ses réserves ne sont pas infinies et la région est instable. Espérer de nouveaux gisements pétroliers ? Selon le géologue Colin Campbell, «l’industrie pétrolière a suffisamment exploré la planète pour connaître toutes les zones prometteuses». Exploiter, comme au Canada, les réserves de sables bitumineux ? Trop cher et trop gourmand en énergie. Idem pour l’éthanol, dont l’exploitation déclencherait de terribles famines. L’éolien ? C’est une solution viable économiquement, mais étant donné sa faible densité énergétique, elle ne peut être qu’alternative. Le nucléaire ? La population s’inquiète du risque d’incidents et le problème du stockage des déchets n’est toujours pas résolu de façon durable. Sans compter que pour remplacer tous les combustibles fossiles brûlés dans le monde, il faudrait construire 10 000 grosses centrales… Les seules solutions qui trouvent (un peu) grâce aux yeux des experts sont l’hydrogène et le solaire. Mais en l’état, les infrastructures sont insuffisantes pour investir massivement dans la pile à combustible et le coût du solaire est exorbitant…

Reste à changer nos modes de vie dès aujourd’hui : troquer sa voiture contre un vélo, revenir au labour à cheval, retrouver le plaisir de marcher pour se déplacer… Et se préparer, dès maintenant, à un monde sans pétrole. Car on ne pourra pas revenir en arrière. Les jours de «l’homme hydrocarbure» sont désormais comptés.

Cruel sera le réveil – le crash pétrolier
(Suisse, 2006, 83mn)

arte – MARDI 16 SEPTEMBRE 2008 / 21H00
Théma: Faut-il avoir peur de la fin du pétrole ?

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