Les transports publics sont-ils trop chers?

Alors que le gouvernement lance sa Journée du transport public, une étude de la Fédération des usagers des transports (Fnaut) démonte une idée reçue: les transports en commun ne sont pas bon marché. Leur prix comparé à celui de l’automobile a même explosé depuis les années 1970.

À l’heure du développement durable, comment ne pas applaudir ? En effet, ce 19 septembre a été décrété « Journée du transport public », dans le cadre de la Semaine européenne de la mobilité. Les opérateurs sont invités à proposer aux voyageurs des tickets promotionnels à 1 euro la journée. L’opération, organisée par le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et l’Union des transports publics (UTP), vise bien entendu les automobilistes qui encombrent les centres-villes en nombre toujours croissant. « En 1970, rappelle Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut), la part des transports collectifs dans les déplacements urbains était de 20 %. Elle est tombée à 13 % aujourd’hui. »

Reste à comprendre pourquoi les particuliers recourent massivement à la voiture. Principale explication avancée par les spécialistes : l’étalement urbain. Les villes se diluent, compromettant l’efficacité des transports en commun.

Mais un autre élément joue, moins souvent évoqué. Il s’agit du prix dissuasif du ticket. À première vue, certes, les tarifs semblent raisonnables. Un aller simple coûtait en moyenne 1,07 euro en 2006, selon le Gart. Pas de quoi crier au scandale. L’abonnement annuel est déjà un peu plus dissuasif : 410 euros à Grenoble, 493 à Lyon et 551 à Paris. Vient alors ce qui est pour nombre de voyageurs la question décisive : le bus est-il vraiment moins cher que la voiture ? « Dans l’absolu, oui », répond le consultant Jean-Marie Beauvais. La Fnaut a calculé qu’un automobiliste lambda dépensait 1 400 euros par an pour quelque 5 000 km de déplacements en ville(1), essence, amortissement et entretien compris. « Mais avant de prendre la voiture, personne ne se lance dans le calcul des frais réels, constate Jean-Marie Beauvais. Chacun l’utilise plus ou moins, principalement en fonction du prix du carburant. » Or, celui-ci représente seulement 20 % du coût de revient d’une voiture, soit…280 euros pour 5 000 km en ville. Nettement moins qu’une carte de bus annuelle. « Ce n’était pas le cas avant le choc pétrolier, insiste Jean Sivardière. Prendre le bus ou faire le plein revenait exactement au même sur le plan financier. » Depuis, le prix du kilomètre en bus a grimpé de 6,4 centimes en 1970 à près de 10 centimes aujourd’hui. Résultat, « les transports collectifs urbains sont 60 % plus chers que leur concurrent », conclut la Fnaut(2).

La qualité du service compte aussi

Certes inhabituel, son mode de calcul a le mérite d’expliquer pourquoi la fréquentation dans les transports en commun a plongé pendant la décennie 90, quand le prix du carburant a atteint son plancher. Bien entendu, les tarifs ne sont pas le seul critère de choix des transports en commun. L’exemple des villes qui ont opté pour la gratuité totale montre que la qualité du service compte sans doute davantage (voir l’encadré ci-dessous). Mais il y a un lien direct entre la qualité, le prix et la dispersion de l’habitat. Quand les villes s’étalent, les lignes de bus deviennent moins rentables. Les opérateurs ont alors tendance soit à augmenter leurs tarifs pour maintenir leurs recettes, soit à réduire la fréquence des dessertes, ce qui rend la voiture encore plus attractive… Conclusion du président de la Fnaut ? « Il faut augmenter les taxes sur l’essence et améliorer le rapport qualité-prix des transports en commun. » À défaut, nos bus continueront à tourner, mais dans un cercle vicieux.

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Transports en commun gratuit: Le bilan

Quelques villes en France ne pratiquent pas le ticket à 1 euro pendant la Journée du transport public. Et pour cause, leurs réseaux sont partiellement ou totalement gratuits toute l’année. C’est le cas de Vitré (35), Gap (05), Arras (62), Colomiers (31), Compiègne (60) et Châteauroux (36). Cette dernière agglomération a renoncé à faire payer l’usager dès le 24 décembre 2001. Les recettes couvraient seulement 16 % des frais de fonctionnement d’un réseau sous-fréquenté, 80 % des Castelroussins ne prenant jamais les transports en commun. L’effet a été spectaculaire, puisque la fréquentation a bondi de 76 % en un an. De là à préconiser la gratuité sans réserve, il y a un pas. D’une part, Châteauroux a restructuré son réseau en 2002. Et selon une étude du cabinet Adetec pour l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), l’amélioration de l’offre a pesé autant que la gratuité dans la hausse de fréquentation. En outre, l’effet sur la circulation automobile a été minime, sa part dans les déplacements urbains à Châteauroux passant de 70 % à 69 %… Le bus semble avoir mordu sur la marche ou le vélo, ce qui n’était pas l’objectif.

Globalement, l’Adetec se montre assez réservé vis-à-vis de la gratuité. Elle va souvent de pair avec un réseau sous-développé, elle reporte une charge supplémentaire sur les contribuables et les entreprises, et elle n’est même pas synonyme de fréquentation intensive. Châteauroux enregistre aujourd’hui 47 voyages par an et par habitant, contre 72 à Laval, où les tarifs sont attractifs, et 59 à Cherbourg, où ils sont plutôt élevés ! Les trois villes sont de taille et de densité comparables, mais leurs transports en commun ne se valent pas. « La quantité et la qualité de l’offre semblent plus déterminantes que le prix », selon l’Adetec.

Erwan Seznec

Source: www.quechoisir.org

(1) Sur la base de 15 000 km annuels dont 31 % en ville, à 30 centimes du kilomètre en cylindrée moyenne.

(2) Tous ces résultats sont développés dans l’étude Fnaut sur « L’évolution des prix réels des carburants et des transports collectifs urbains entre 1970 et 2005 ».