Crime de lèse-automobile

« Peu à peu s’est établi dans la République un droit coutumier. Il est permis de parler librement de tout, de maudire la religion, le gouvernement ou le Parti communiste, et de proclamer la décadence des mœurs. Attaquer la pureté d’origine du Beaujolais, le système d’enseignement ou la nouvelle architecture, dénoncer la pauvreté du cinéma français ou étranger, la rapacité des banquiers ou la nonchalance des fonctionnaires, cela va. Chacun peut critiquer aussi la taxation des loyers ou leur liberté. Rien ne vous interdit de préférer San-Antonio à Pompidou […]. Vous pouvez exprimer votre admiration ou votre indignation à l’endroit de la Sécurité sociale, du jeune chanteur prodige, des nouvelles matières plastiques ou même d’Astérix. Vous pouvez tout cela et aussi donner votre franche façon de voir sur le Général, mais il n’est pas permis non seulement de formuler un avis non-conformiste sur l’automobile dans la cité, mais même de publier, à son sujet, des chiffres officiels ou patents, que les grands prêtres ont placés dans l’Enfer. Certes, jamais une telle censure n’a été officiellement proclamée ; vous la chercheriez en vain au Journal officiel ou dans le Code Dalloz ; mais elle est plus respectée que bien des lois. Enfreindre cette règle est un crime de lèse-majesté et Sa Majesté ne supporte pas l’opposition. »

Alfred Sauvy (1898-1990), économiste, démographe et sociologue français. Auteur des « Quatre Roues De La Fortune, Essai Sur L’automobile« .

Un commentaire sur “Crime de lèse-automobile

  1. Vianney

    Quand je vois à la TV 2 pub pour des voitures, qui s’enchaine, je me dit que les journalistes et présentateur doivent avoir quelques consignes pour ne pas froisser cette manne financière.

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