Des quartiers nouveaux « Sans voiture » se développent en Allemagne

Dans un pays, l’Allemagne, où plus d’un quart des ménages ne possèdent pas de véhicule, plusieurs quartiers sans voiture sont créés, même si l’idée est loin de faire l’unanimité. État des lieux et analyse dressés à partir d’une étude de l’ILS, l’institut de recherche pour le développement urbain et régional du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, à Dortmund.

Sans voiture”, “à circulation modérée”, « avec peu de voitures », « sans aires de stationnement”, “écologiques”. Les termes fleurissent en Allemagne pour désigner les nouveaux immeubles ou quartiers sans voiture qui se multiplient depuis le premier d’entre eux construit à Brême en 1995.

Un essor qui se comprend mieux lorsqu’on sait que plus d’un tiers des ménages des grandes villes n’ont pas de voiture, un pourcentage qui monte à 40 % dans les villes de plus de 500 000 habitants et dépasse 50 % à Berlin. Ce qui n’empêche pas la polémique de faire rage outre-Rhin.

Une étude de l’Institut de recherche du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie (ILS) parue en novembre 2000 fait état de 13 projets en cours ou déjà habités. Ils vont de petites unités construites dans des “dents creuses” comme à Brême à de véritables quartiers de plusieurs centaines d’habitants, comme à Tübingen et Fribourg.

Dans tous les cas ils sont construits dans des zones densément urbanisées, avec une excellente desserte en transports en commun, que ce soit par métro (Hambourg, Munich), Tramway (Brême, Cassel, Fribourg) ou bus (Munster, Tübingen). Ces quartiers sont issus d’initiatives diverses, souvent des associations ou des coopératives comme “Vivre autrement” à Brême.

Les communes, des organismes de logements sociaux sont présents aux côtés de sociétés immobilières classiques. Ainsi, dans le quartier Stadthaus Schlump à Hambourg, un investisseur privé s’est associé à Volkswagen qui fait par ailleurs une offre de voiture partagée aux habitants des 60 logements déjà construits.

Dans ces quartiers, tout est organisé pour faciliter la mobilité sans voiture : courtes distances jusqu’à l’arrêt de transports en commun, cheminements piétonniers et cyclistes bien éclairés et sécurisés, garages à vélo nombreux, possibilité de livraisons à domicile, service de voiture partagée.

À Hambourg, les habitants ont une carte à puce permettant d’accéder à un parking où se trouvent des véhicules partagés. Ils reçoivent aussi une carte d’abonnement annuelle aux transports en commun et bénéficient d’un service de location de vélos.

Hors d’Allemagne, dans le quartier d’Amsterdam Westerpark, éboueurs et livreurs ne pénètrent pas. Les ordures sont centralisées. Les marchandises sont stockées près de l’entrée et les habitants peuvent, emprunter des voitures électriques à la loge du concierge pour les transporter. En règle générale, les seuls véhicules admis sont ceux des secours, des handicapés et, parfois, des visiteurs. L’espace dégagé par les aires de stationnement permet d’aménager des espaces verts. Le parti pris de construction “écologique” est souvent présent : orientation au sud, récupération des eaux de pluie, matériaux de construction durables, etc.

Loyers moins chers

Outre la qualité de vie et le silence, les habitants ont un autre bénéfice : les prix sont moins élevés du fait de l’absence de parkings. Une enquête réalisée à Dortmund montre que l’économie de loyer serait d’1 euro par m². À Hambourg, le prix de vente est amputé en moyenne de 12 200 euros et à Fribourg de 15 000 euros.

Lire aussi :  Les voitures et l'économie

Encore faut-il garantir le caractère “sans voiture” du quartier. Pour cela, locataires ou propriétaires sont invités à signer des clauses de renonciation à la voiture. Ainsi, à Brême, les statuts de la coopérative “Habiter autrement” dans le quartier Grünenstrasse, stipulent que les locataires s’engagent à ne pas posséder ni utiliser un véhicule motorisé (voiture, moto, mobylette) et à respecter le mode de vie sans voiture des autres locataires”. Mais il est précisé que “taxis, voitures de location et voitures partagées peuvent être utilisés pour des déplacements occasionnels” et que le règlement ne s’applique pas à un membre “à qui on ne peut raisonnablement imposer de renoncer à l’utilisation d’une voiture”. Des clauses semblables, avec quelques variantes existant partout. Pour compenser le côté un peu normatif de ces dispositions, les promoteurs des quartiers sans voiture développent un marketing centré sur les côtés positifs du mode de vie sans voiture.

Très souvent aussi, une certaine réversibilité de la situation a été préservée. Il s’agit de réserver des surfaces pouvant être réaménagées en parkings, soit sur le site même, comme à Fribourg, soit à proximité. Ailleurs, ce sont des réserves provisoires qui feront place à la construction de nouvelles tranches, comme, hors d’Allemagne, dans le quartier viennois de Florisdorf Ost.

Les codes de la construction des Länder incitaient pour la plupart à créer une aire de stationnement par appartement. Certains ont été modifiés ces dernières années pour faciliter la construction d’habitat sans voiture. Dans le Hesse, la responsabilité a été transférée aux communes dès 1993. À Berlin, le ratio a été abaissé à 0,5 place par logement en 1994. À Hambourg, il a été fixé à 0,2 aire par logement dans les quartiers sans voiture, avec utilisation possible de la taxe compensatoire. La même décision a été prise par le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie en 1997. Selon les quartiers, on oscille entre l’absence totale d’aire de stationnement sur le site (Brême) et le maintien d’une place entière, mais avec double utilisation comme parking de courte durée (Tübingen).

Micro ou méga réalisations : des quartiers très divers

L’Institut de recherche pour le développement urbain et régional du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie fait état de 13 quartiers sans voiture : 5 à l’étude et 8 déjà habités. Il propose en annexe les fiches projets de huit quartiers, en précisant que pour deux grandes extensions urbaines à Tübingen et à Fribourg, il s’agit de quartiers “mixtes”, associant des habitants avec ou sans voiture.

PATRICIA GOUT
et ANDREA DITTRICH-WESBUER