La démotorisation, Comment se sépare-t-on de sa voiture ?

Dans « La révolution automobile », ouvrage collectif paru en 1977, Jean-Jacques Chanaron citait comme un phénomène propre aux grandes villes d’Europe occidentale « une relative sous-motorisation favorisée par l’existence de réseaux organisés de transports collectifs et aggravée par un mouvement de  »démotorisation » engendré et accéléré par les problèmes de circulation et de stationnement ». Le constat de l’aggravation est aujourd’hui passé plutôt du côté d’une motorisation et d’une multimotorisation croissantes, au fur et à mesure que les grandes agglomérations urbaines « s’adaptaient  » à l’automobile, en s’étalant et en se dé-densifiant.

Les politiques actuelles en matière de diminution d’usage, ou de réduction et de rajeunissement du parc d’automobiles tendraient davantage à encourager les automobilistes à se séparer de leur voiture, et précisément, à ce que les ménages multimotorisés reviennent à la mono-motorisation.

Quoique marginaux au vu de la croissance du parc automobile des ménages, les phénomènes de démotorisation existent « à l’état naturel », mais les mécanismes qui y conduisent sont méconnus; ce sont ces mécanismes que les politiques de régulation d’usage de l’automobile souhaitent « domestiquer « .

Dans des circonstances précises (telles que départ d’un membre du foyer, changement de situation professionnelle, ou encore voiture arrivée en fin de vie ou accidentée, etc.), certains sont amenés à se séparer de leur voiture, là où la majorité des automobilistes préfèrent la conserver.

Dans quelles conditions des ménages motorisés peuvent-ils renoncer, d’une façon transitoire ou pérenne, à la voiture ?

En premier lieu, cette démotorisation peut consister aussi bien à réduire son équipement, (en particulier, à ne plus posséder de voiture personnelle), qu’à devenir strictement non-motorisé. L’enjeu n’est pas le même du point de vue politique, il se trouve entre la réduction du parc automobile des ménages et l’exclusion d’une frange de ménages du système automobile. Les causes, ou les circonstances, qui conduisent à cette démotorisation peuvent aussi être spécifiques. On peut les étudier en fonction de l’âge, du revenu, des lieux de résidence et tenter de constater si, toutes choses étant égales par ailleurs, le déménagement ou le changement de situation professionnelle ont un rôle à jouer dans la décision de se démotoriser.

Enfin, la mobilité des démotorisés, en particulier l’usage qu’ils ont de leurs automobiles restantes, est révélateur de la nécessité qu’il y a à posséder une ou plusieurs automobiles en fonction des besoins ainsi que du gain, environnemental et énergétique, qu’il faut espérer de la démotorisation.

La multimotorisation croissante des ménages est exemplaire d’une automobile devenant un bien individuel plutôt qu’un bien d’équipement familial. Il ne suffit donc plus d’appréhender le phénomène d’équipement ou de démotorisation au niveau du ménage mais à celui du conducteur.

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Dans la majorité des cas où la démotorisation est associée à un changement de structure du ménage, il ne peut s’agir vraiment de démotorisation, en ce sens que la réduction du nombre de voiture va de pair avec la diminution du nombre de conducteurs. Hors démotorisation relative, les démotorisations partielles sont un retour à une voiture partagée en tant qu’équipement, mais qu’en est-il de son usage ?

Quant à la démotorisation intégrale, plus rare, elle se produit, à la suite d’une période de chômage, d’un déménagement ou du passage à la retraite. Elle reste très marginale par rapport à la tendance majoritaire qui est de conserver sa ou ses voitures. La démotorisation des uns met en avant la « dépendance automobile » de tous les autres – ceux qui choisissent de rester motorisés.

La démotorisation est aussi très tardive, et dans le laps de temps qui sépare la diminution des besoins de déplacement de la démotorisation effective : la voiture continue à être utilisée presque quotidiennement.

C’est là le principal levier sur lequel des politiques de réduction d’usage de l’automobile pourraient agir, non pas en encourageant la démotorisation, et surtout pas la démotorisation intégrale qui est la marque d’une certaine exclusion, mais plutôt en accélérant la démotorisation partielle lorsqu’elle est possible…

L’enjeu de la démotorisation, ou de la non-motorisation, et du développement d’alternatives crédibles à l’automobile ne se trouve pas dans les centres. Les services y sont proches – accessibles à pied ou en transports collectifs – mais dans les zones excentrées et moins denses de l’agglomération. Des ménages à faibles revenus choisissent de s’y installer : autant du fait des prix fonciers, que par leur volonté de ne pas rester dans les quartiers de la rénovation urbaine. Des services innovants de transports, basés notamment sur les systèmes d’auto-partage, restent à créer, et à financer.

Eve Rousseau, « La démotorisation, Comment se sépare-t-on de sa voiture ? », avril-juillet 2001, stage de DEA-Transport Université Paris XII-ENPC

Un commentaire sur “La démotorisation, Comment se sépare-t-on de sa voiture ?

  1. j944

    Tenir compte du nombre de voitures par ménage c’est bien, mais il faut aussi savoir dicerner les situations en fonction du nombre de personnes. Un célibataire qui à une voiture à une voiture pour une personne. 3 voiture pour un ménage de 6 personnes ça fait 0,5 voitures par personnes. Si le nombre de personnes par ménages est en baisse, la mono-motorisation n’est pas vraiment un progres.

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