Pourquoi il ne faut pas aider l’industrie automobile

Il paraîtrait que l’industrie automobile est en crise… après avoir engrangé des milliards de profits tous les ans depuis des dizaines d’années. Quand le marché automobile se portait bien, ces profits venaient engraisser les actionnaires et les cadres dirigeants des constructeurs, les mêmes qui s’offusquaient il y a peu du poids trop important de l’Etat dans l’économie et qui réclamaient régulièrement désengagement étatique, libéralisme et laisser-faire…

Tous ces profits engrangés depuis des années auraient pu servir à envisager la production de voitures plus économes, moins polluantes et moins dépendantes du pétrole, mais les constructeurs automobiles ont préféré se goinfrer. D’ailleurs, le capitalisme ne sert pas à prévoir le futur mais à profiter au maximum du présent, rémunérer l’actionnaire plutôt qu’anticiper l’avenir.

Aujourd’hui, ils appellent, de manière pitoyable, les pouvoirs publics à la rescousse. Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, ils réclament aides publiques massives, prêts sans conditions, des tonnes de cash et tout de suite. Bref, une intervention massive de l’Etat dans l’économie que même les communistes n’auraient pas osé demandé.

Sauf que, ils veulent le beurre, l’argent du beurre et… le cul de la crémière. Car s’ils mendient de l’argent public, au passage notre argent, celui des impôts qui pourraient aussi servir à développer les services publics au lieu de les sabrer à longueur d’année,  c’est pour mieux refuser dans le même temps toute intervention extérieure qui poserait les questions qui fâchent: quel modèle économique et écologique pour l’industrie automobile? Où est passé l’argent des profits passés? Comment va-t-on réorganiser l’industrie automobile pour la rendre viable? Comment transformer une industrie sale en industrie un peu moins sale?

David Yermack, professeur de finances à l’université de New York, expliquait dans le Wall Street Journal du 15 novembre dernier que débloquer des fonds d’Etat pour sauver les constructeurs automobiles de la faillite reviendrait à “jeter notre argent au feu”. Car attendre d’eux qu’ils accèdent aux nouvelles exigences du marché et de l’environnement, “vu leur bilan, c’est aussi ridicule que demander aux fabricants de cigarettes de lutter contre le cancer”.

La question est bien là, ces gens-là n’ont absolument aucune culture environnementale, ce qui serait d’ailleurs rédhibitoire pour exercer le métier de constructeur automobile, quand on connaît le désastre environnemental de l’automobile à l’échelle planétaire. Et non seulement ils n’ont aucune culture environnementale, mais ils le savent très bien car ils fondent leur industrie sur la destruction (de la santé, de l’environnement, du paysage) et le pillage (des matières premières dont le pétrole).

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’industrie automobile est sans doute la championne incontestée du greenwashing, discipline cynique qui consiste à s’acheter une image écologique en investissant plus d’argent dans la publicité verte et le marketing écolo que dans de véritables démarches consistant à protéger et préserver l’environnement.

Depuis des années, le lobby automobile freine des quatre fers pour appliquer des règlements européens pourtant au rabais qui ne sont même pas à la hauteur des enjeux climatiques et environnementaux. Pourquoi? Tout simplement parce qu’on fait plus de profit sur un gros 4×4 qui pollue grave que sur une petite voiture économe et peu polluante.

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Alors maintenant, les constructeurs voudraient des dizaines de milliards d’argent public pour « s’adapter au marché et aux exigences européennes en matière d’environnement« . Quelle bouffonnerie!  La consommation et donc la pollution et les émissions de CO2 des voitures sont directement corrélées au poids des véhicules. S’adapter au marché et satisfaire les faibles exigences européennes suppose donc de produire en masse de petites voitures qui consomment peu. Bref, passer d’une économie de grosses marges à une économie de petites marges, le tout dans un contexte de stagnation du marché, du moins dans les pays développés où le marché automobile est largement un marché de renouvellement.

Posons la question autrement. Comment produire en masse de petites voitures qui rapportent peu? Tout simplement en délocalisant massivement la production dans les pays du Sud, d’autant plus que la concurrence va être féroce avec des constructeurs comme l’indien Tata déjà positionnés sur le segment des petites voitures pas chères… Les coûts salariaux et les coûts de production en France et dans les pays occidentaux sont beaucoup trop importants pour pouvoir produire massivement ces petites voitures économes. Comme on ne va pas diviser par deux ou par trois le SMIC d’ici peu, il faut s’attendre à une disparition progressive de l’industrie automobile en France.

Comme pour la sidérurgie dans les années 80, l’industrie automobile en France est désormais condamnée, le compte à rebours est commencé. Cela va prendre bien sûr quelques années, mais à moyen terme, il n’y aura plus de voitures Made in France. Comme la plupart des produits manufacturés que nous consommons, les voitures seront probablement toutes Made in India ou Made in China.

Et si les centaines de milliards d’argent public donnés à l’industrie sidérurgique dans les années 80 n’ont pas empêché sa délocalisation massive et les charrettes de licenciements, l’argent public que réclament les constructeurs automobiles pour « sauver l’emploi« , n’empêchera pas les licenciements massifs et les délocalisations. L’Histoire est déjà écrite, il ne reste plus qu’elle s’accomplisse.

Bien mieux, on peut légitimement penser que si cet argent public est donné ou prêté aux constructeurs, il servira principalement à financer cette gigantesque réorganisation de l’industrie automobile à l’échelle planétaire et donc, il financera les futurs licenciements et les futures délocalisations.

L’avenir, c’est moins de voitures, et des voitures plus petites et moins polluantes. L’industrie automobile doit donc payer la note de ses erreurs passées. Et l’argent public indûment réclamé par les vautours de l’automobile pourra servir à financer la reconversion et la formation des salariés de l’automobile qui sont de toute manière condamnés à perdre leur emploi.

8 commentaires sur “Pourquoi il ne faut pas aider l’industrie automobile

  1. christophe

    Votre article se trompe de cible et fait un subtil mélange. Vise t-il le capitalisme où les constructeurs automobiles? Car les second ne sont pas les premiers, et il y a eu des constructeur d’auto même dans les régimes communistes (et quelles autos)
    Les bénéfices des constructeurs ne sont pas si mirobolants…. Par exemple sur 3.5 millions de véhicules vendus PSA affiche un bénéfice de 800 millions d’euros en 2007 par exemple, soit un bénéfice de 228 euros/véhicule…..
    Cette faible rentabilité explique d’ailleurs pourquoi, ils ne sont pas la cible des capitalistes financiers hedge found ou autres LBO.
    Il ne faut pas tout mélanger, je ne sais pas s’il y a un lobby automobile, mais je sais désormais qu’il y a un lobby anti automobiles…. en voilà un bel exemple.
    Vous rejoignez les politiques, Sarko en tête puisqu’il tient les mêmes propos que vous……. dommage.
    Sur le refus de l’argent public pourquoi pas… mais l’état (notre argent comme vous dites) est largement financé par les automobilistes qui payent même…… le service public!!!!!!!

  2. Marcel Robert

    L’article vise à la fois le capitalisme et les constructeurs, sans aucun complexe… même si les régimes communistes n’étaient pas mieux de ce point de vue, mais je ne vois pas pourquoi je tirerais sur les corbillards, le communisme en tant que système politique et économique étant mort.
    « Sous le capitalisme, les gens ont davantage de voitures. Sous le communisme, ils ont davantage de parkings ». (Winston Churchill). Source: http://carfree.fr/index.php/2008/04/01/dictionnaire-en-ligne-de-lautomobile/
    Quant aux bénéfices de Peugeot, ils sont exactement de 885 millions d’euros en 2007 (et non pas 800 millions), après avoir dépassé largement plus d’un milliard d’euros chaque année durant les années précédentes:
    http://carfree.fr/index.php/2008/10/06/crise-financiere-le-lobby-automobile-europeen-prepare-le-casse-du-siecle/
    On ne va donc pas pleurer sur un constructeur comme PSA… surtout que dans le même temps, ces profits ne l’ont pas empêché de dégraisser les effectifs et délocaliser…
    Sinon, vous ne savez pas s’il existe un lobby automobile… très marrant, mais je vous rassure, vous devez être un des seuls en France à vous poser cette question!
    Si je rejoins Sarko… facile comme accusation, surtout quand c’est complètement faux: dites-nous à quels propos exactement vous faites allusion… Que je sache, je ne propose pas de donner 400 millions d’euros aux constructeurs pour faire des soi-disant « voitures propres »… Sur le lien suivant, vous trouverez une citation récente de Sarko (au mondial de l’auto) qui se trouve à l’exact opposé de ce que je dis dans cet article, et plus largement sur ce site:
    http://carfree.fr/index.php/betisier-de-lautomobile/
    Enfin, en conclusion, vous nous ressortez ce vieux mythe de « l’automobiliste vache à lait »: sachez que les automobilistes ne financent pas grand chose dans la mesure où le système automobile coûte plus d’argent à la société qu’il n’en rapporte. Une étude faite à l’échelle de la Belgique prouve en effet que l’automobile coûte plus qu’elle ne rapporte:
    http://carfree.fr/index.php/2008/07/21/l%e2%80%99automobiliste-est-il-la-vache-a-lait-de-l%e2%80%99etat/
    Une analyse à l’échelle française corroborerait sans aucun doute ce résultat…
    Bref, il semble bien que ce soit votre commentaire qui se trompe de cible, à moins que vous ne soyez un fervent défenseur du lobby automobile?

  3. Alain

    Christophe dit que les automobiliste payent? Ils paient quoi? Une voiture, une assurance, une TVA et une taxe sur l’essence. C’est tout. Mais quand on achète un paquet de gateau, on paie aussi (une TVA).
    D’ailleurs, l’automobiliste ne paie à la hauteur de ce qu’il détruit. Paie t-il seul les autoroutes? Non, même si on en veut pas, on les paie. Paie t-il seul les conséquences des Nox? Non, même si on en veut pas, on les respire, et on en paie les conséquences sanitaires.

    L’automobiliste se plaint. Tout le temps et pour tout. Il paie trop, on l’empêche de rouler, de stationner, de faire ce qu’il veut. il peste quand il se fait toper au radar parce « qu’il ne roulait pas si vite que çà en fait. et puis la route était droite, y’a pas de danger. c’est honteux de foutre un radar là. c’est un baise fric ». Mais Christian doit comprendre ce que je dis. Je l’entend tous les jours et lui aussi, sans doute.J’ai beau avoir une voiture, ça n’empêche pas le sevrage d’une mentalité dépassée.

  4. christophe

    Monsieur Marcel Robert, votre réponse a capté mon intérêt au point que je remet le couvert, plus sereinement cette fois ci….. merci pour cela.
    D’abord, je trouve votre réponse plus modérée que le ton de votre article alors que j’étais moi même un peu agressif, bravo.
    Donc 800 ou 885 millions, peu importe (Ok c’est + de 10%, ce n’est pas rien…. ). Toutes les autres années dites vous, ce n’est pas tout à fait vrai, je crois qu’en 2006 c’etait encore moins bien, mais peu importe encore. Soyez honnêtes jusqu’au bout, vous l’êtes presque.
    Le but de mon propos est juste de dire que les marges des constructeurs ne sont pas « indécentes » eu égard à la production contrairement à celles d’autres sociétés (dont les autoroutes d’ailleurs, mais aussi les labo pharmaceutiques….). Selon moi, les constructeurs automobiles ne sont pas les gros méchants capitalistes que vous décrivez…
    Je ne les défend d’ailleurs pas (trop) et attire votre attention sur le fait que je n’attaque pas vraiment votre article sur le fond…. »(Sur le refus de l’argent public pourquoi pas » sic), je n’y suis pas non plus favorable forcément.
    Je ne peux pas croire que vous ne sachiez pas de quoi je parle lorsque vous dites ne pas comprendre en quoi vous rejoignez N. Sarkozy, vous avez du entendre parler de ses déclaration contre Peugeot, je vous joins un lien de sa réponse par presse interposée (http://www.lesechos.fr/info/auto/300316388.htm)
    Mais c’est vrai c’était facile, vu que, comme vous le dites, il a (je n’en doute pas) dit l’inverse au mondial…. et il semble qu’il ait récidivé dernierement devant l’UE. Mais bon, j’ai cru comprendre que j’avais fait mouche… un bon point pour moi et aller, pour vous aussi…
    Enfin, sur le fait que l’automobile coûterait plus qu’elle ne rapporte, peut-être et sans doute même, mais est il anormal que se déplacer coûte plus d’argent qu’il n’en rapporte? Est-ce que ce n’est pas le cas de toute activité?
    Je ne suis pas un défenseur du lobby automobile, n’estime pas l’être mais je n’adhère pas au discours inverse.
    Au quotidien la pression anti-automobiliste est exagérée. et j’ai donc réduit l’auto au strict minimum en réaction aux taxes radars automatique, dos d’anes, chicanes, parking payant…..
    Je vais bosser en transport en communs ou en vélo (50 bornes AR) mais j’ai aussi limité mes deplacements personnel.
    Mon budget en est grandement amélioré…. ma liberté non.
    L’automobile va mourir, Ok n’en parlons plus, mais avec elle une certaine liberté … à moins qu’elle ne soit déjà morte.

    Certains vont d’ailleurs essayer d’en profiter pour vendre des auto non polluantes « miracles » qui en 2 heures sur une simple prise de courant premettraient de parcourir 150 km…..
    attention à vous, qui pourriez être tenté….. Une prise de courant ne délivre que 3500 wh par heure et en deux heures, l’énergie délivrée peut permettre de rouler….. 35 km environ (conso de 130wh/km et rendement de 70% ce qui est déjà exceptionnel….). Tant qu’il y aura de l’air dans l’atmosphère et des pneumatiques qui devront adhérer pour pouvoir avancer, on ne changera pas cela….

    Christophe
    PS : il me semble que la plupart des autoroutes sont pour bon nombre d’entre elles plusieurs fois amorties par le prix des péages.
    Sauf surprise, je pense que je repondrai plus, non par refus du dialogue, mais parce que ça finirai en dialogue de sourd, on ne pourra pas finir d’accord, je le crais, merci en tout cas de votre saine réaction à la contradiction, je m’attendais à qc de moins intéressant, j’éspère que vous recevrez mes réponse comme moi la votre.

  5. Antec

    Vos discours, Christophe et Marcel, sont trop gentils… je n’arrive même plus à savoir qui est pour qui 😉
    Tapez vous sur la g****e bon sang 😉

  6. Marcel Robert

    @Christophe
    En fait, on est d’accord sur l’essentiel, votre dernier message va grosso modo dans le même sens que mon article et mon commentaire…
    @Antec
    On compte sur vous pour nous rentrer dans le lard si nos propos sont trop gentils… Remettez-nous à notre place si vous l’estimez nécessaire! Je n’attend que ça! 😉

  7. christophe

    Vous êtes assez fort, je me sens une nouvelle fois obligé de répondre… non nous ne sommes pas d’accord dur tout.
    Sur le casse du siècle et les profits versés aux actionnaires, depuis 2002… les dividendes versés aux actionnaires de Peugeot ont rapporté moins que le taux du livret A et depuis le début de l’année l’action a perdu 80% de sa valeur. Ca c’est juste pour faire plaisir à ceux qui fréquentent ce site. Quand aux golden parachutes…. même si je ne plains pas l’ancien PDG qui a sans doute une vie plus que confortable, avez vous remarqué que personne n’a jamais parlé de golden parachute sur son cas? Si PSA (et Ranault) sont bien installés dans le système capitaliste il ne sont pas en premières lignes sur le front.
    Je persiste à croire que vous vous tromper de cible, ce ne sont pas eux (ni aucun industriel) qui profite éhontément du système. pourquoi pas regarder du côté des pétroliers, des sociétés comme les autoroutes ou de génie civil (infrasructure routière) de parking….. Vendre du vent rapporte beaucoup plus que de vendre du travail c’est ça le capitalisme aujourd’hui. La crise financière aura eu le mérite d’en remettre certains à leur place mais notre tour arrive maintenant.
    La construction automobile francaise va disparaitre ce n’est qu’un question de temps, car le travalleur francais est en compétition avec le travailleur chinois, coréen et demain indien. On va laisser faire au nom du libéralisme et de la libre concurrence. La France et sa balance commerciale n’en sera que plus mauvaise… jusquà ce qu’on en soit réduit à accepter le même salaire qu’eux.
    A moins qu’on n’ait plus besoin de voiture, mais là, c’est notre société qui sera morte… comme vous dites Alain, vous avez une auto car vous en avez besoin…. moi aussi. Quand on n’en aura plus besoin….

    Enfin les conséquence sanitaires des paquets de gateaux sont plus néfastes que les Nox. Je suis pour des normes sévères, mais je vous assure elles le sont. D’ailleurs aujourd’hui, on ne sait pas le tenir.

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