L’agroéthanol de betterave est une très mauvaise nouvelle pour l’environnement, les consommateurs et les contribuables

En pleine conférence internationale sur le climat, le lobby France Betteraves communique massivement dans la presse française pour vanter les qualités du bioethanol de betterave « carburant produit en France ». Merci France Betteraves pour cet exemple flagrant de publicité mensongère en matière environnementale ! Le Réseau Action Climat, les Amis de la Terre, le WWF et, Oxfam France-Agir ici rappellent que la betterave est un produit type de l’agriculture intensive dépendante de l’industrie pétrochimique, et que la majorité des agrocarburants ont un bilan énergétique et écologique particulièrement médiocre. Comment l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP, ex BVP) a-t-elle pu autoriser une telle supercherie ?

Communiqué de presse Paris, le 12 décembre.

France Betteraves nous dit que « La France, 1er producteur mondial de bioéthanol de betterave »

Inexact. La France est avant tout le leader mondial de la subvention à l’agroéthanol de betterave, un agrocarburant qui n’a rien de biologique ni d‘écologique. Comme le rappelle Jean-Pascal Van Ypersele, vice-président du GIEC (1) « plusieurs études scientifiques montrent que la majorité des agrocarburants actuels, sauf la canne à sucre ou le jatropha n’ont qu’un potentiel médiocre de réduction des émissions (de GES) quand on analyse l’ensemble de leur cycle de vie » (2).

France Betteraves nous parle « Des centaines de millions d’euros d’investissement »

Inexact. Il vaudrait mieux parler de centaines de millions de subventions. Ce sont les contribuables qui financent cette filière qui n’apporte rien sur le plan environnemental, mais qui maintient l’activité du secteur betteravier en difficulté après la refonte de la politique sucrière de l’Union européenne.

France Betteraves nous parle « Des milliers d’emplois créés ».

Faux. ll s’agit essentiellement d’emplois maintenus, et pas d’emplois créés. Le Conseil Général des Mines, de l’Inspection Générale des Finances et du Conseil Général du Génie Rural des Eaux et Forêts estimait dans son rapport dès 2005 : « Les effets sur les créations d’emplois (26 000) sont largement surestimés. Le plan Biocarburants, compte tenu de la ponction sur le budget de l’Etat n’engendrera pas de création nette d’emploi- 60 000 euros par emploi au titre de la défiscalisation, auquel il faudrait ajouter une somme encore supérieure de l’ordre de 93 000 euros, au titre de la TAGP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes) dans les conditions de juin dernier ». La vraie question est plutôt la suivante : comment la filière betterave peut-elle se préparer à une réelle reconversion durable de ses emplois ?

France Betteraves nous parle d’« Une production non délocalisable »

Vrai. Cette production n’est possible que dans un pays riche pouvant se permettre de financer une filière au très mauvais rendement énergétique. Dans les pays du Sud, la production d’éthanol de canne à sucre a, elle, une bonne efficacité énergétique, mais les conditions de travail des ouvriers (souvent proches de l’esclavage), l’accaparement de terres agricoles immenses, les conflits sociaux, la destruction des agricultures vivrières et des écosystèmes posent des problèmes environnementaux et sociaux dramatiques qui rendent la filière dangereuse. En revanche, la France est très déficitaire en produits agricoles pour l’alimentation du bétail : elle devrait donc plutôt utiliser les surfaces agricoles destinées aux agrocarburants inefficaces pour relocaliser cette production, et réduire les importations de soja d’Amérique du Sud, où sa culture est la première cause de déforestation.

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France Betteraves nous parle de « 60 % de CO2 en moins dans l’atmosphère »

Faux. Les réductions d’émissions de gaz à effet de serre sont minimes voire négatives. France Betteraves se fonde sur une étude obsolète de 2002, très controversée aujourd’hui car à cause de la méthodologie de calculs utilisée, qui ne prend pas en compte le changement d’affectation des sols (conversion des prairies, déforestation,…), et qui survalorise fortement les co-produits. En outre, les émissions de N2O, puissant gaz à effet de serre produit par les engrais azotés, sont fortement sous-estimées. L’étude européenne JRC-Concawe-Eucar de 2007, qui fait référence, conclut à une réduction de CO2 de 24% seulement pour l’éthanol de betterave, sans même prendre en compte le changement d’affectation des sols. Le bilan global est donc encore bien inférieur, peut-être même négatif, ce qui rend l’éthanol de betterave inintéressant comme carburant de substitution pour lutter contre le dérèglement climatique.

France Betteraves nous parle d’« Un carburant moins cher : -30% à la pompe »

Faux. Contrairement au Brésil, les mesures dites de défiscalisation ne profitent pas à l’automobiliste mais aux seuls industriels. L’automobiliste est au contraire pénalisé puisque le contenu énergétique de l’éthanol est environ 30% inférieur à celui de l’essence et que la consommation de carburant/km est donc considérablement augmentée.

France Betteraves nous présente « La betterave, une réserve inépuisable d’énergie renouvelable »

Faux. D’une part, la culture de la betterave est l’exemple type de l’agriculture intensive qui ne survit que grâce à l’utilisation massive d’engrais d’origine pétrochimique. D’autre part, l’épuisement des terres agricoles françaises par l’usage abusif de produits chimiques compromet leur durabilité. Le bilan énergétique global de la filière d’agrocarburants de betterave est si médiocre qu’on ne peut absolument pas parler d’énergie renouvelable.

Conclusion : l’agroéthanol de betterave est une très mauvaise nouvelle pour l’environnement, les consommateurs et les contribuables. Le Réseau Action Climat, les Amis de la Terre, le WWF et Oxfam France – Agir ici dénoncent la supercherie de France Betteraves et déplorent le laxisme de l’ARPP qui laisse s’étaler une publicité grossièrement mensongère.

Notes :
(1) Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, sous l’égide des Nations-Unies
(2) Libération, 12 décembre 2008

Contacts presse
Réseau Action Climat : Diane Vandaele (à Poznan), 06 67 27 38 16, diane@rac-f.org
Les Amis de la Terre : Caroline Prak, 06 86 41 53 43
WWF : Jacques Olivier Barthes, 01 55 25 84 46
Oxfam France : Magalie Rubino, 06 30 46 66 04