Pour des Etats généraux de la mobilité!

La crise qui traverse le monde de l’automobile est profonde et brutale. Pour ne pas avoir su anticiper une modification de l’attitude des consommateurs à l’égard de l’automobile, pour ne pas avoir voulu faire foi aux propos des écologistes qui s’époumonent à rappeler l’importance des impératifs climatique et énergétique, pour ne pas avoir pu résister aux sirènes de stratèges « éclairés » qui vantaient les mérites de véhicules lourds, chers et manifestement inadaptés au marché de l’automobile, ce secteur est désormais à l’agonie et réclame aides et soutiens publics.

Mardi 20 janvier 2009 est la date retenue par le Gouvernement pour organiser les Etats généraux de l’automobile et annoncer un plan de relance sectorielle. La grande mutation de ce secteur vaut bien une messe mais les solutions apportées seront-elles à même de répondre durablement à la crise du marché de l’automobile ?

Il s’agit, dans l’urgence, de réussir à trouver des solutions intelligentes permettant de transformer radicalement les secteurs frappés de plein fouet par cette crise socio-écologique. Devons-nous en ce sens, nous en réjouir ? Oui et non ! Non, car lorsque la Terre souffre, ce sont en premier lieu les salariés qui trinquent ! Oui, car si cette crise nous permet de mettre un terme à cette fuite en avant qui a conduit certains dirigeants à opter pour des modèles automobiles polluants, nous aurons déjà fait un grand pas dans le règlement de cette crise systémique.

En ce sens, la politique de saupoudrage, dispendieuse pour le budget de l’Etat et totalement inefficace du point de vue écologique, n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous appelons de nos vœux une politique cohérente qui oserait s’affranchir de sa dépendance au tout-pétrole mais oserait également sortir des sentiers battus du tout-automobile. A cet égard, nous ne pouvons nous résoudre à voir l’Etat réduire le débat sur l’avenir de l’industrie automobile à un vulgaire échange sur le bienfondé des moteurs thermiques, hybrides ou électriques.

Pour répondre durablement à cette crise structurelle du monde de l’automobile, nous devons nous attacher à réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que notre facture énergétique. Pour se faire, il est impératif d’agir en amont et freiner la hausse continue de la demande de transports motorisés. Cela suppose la mise en œuvre par les pouvoirs publics de mesures structurantes qui permettront de réduire les kilomètres effectués. Il devient urgent de réorienter les politiques d’urbanisme en mettant l’accent sur la mixité fonctionnelle (et sociale) et en rapprochant logements, emplois, loisirs, commerces et ainsi limiter les déplacements quotidiens. L’étalement et le mitage urbains doivent être combattus. C’est en effet l’extension des zones urbaines qui génère les longues distances, les déplacements fréquents et la dépendance à la voiture individuelle.

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Il nous faut également choisir une mobilité privilégiant le mode de déplacement le plus efficace énergétiquement ou le mieux adapté au contexte géographique : l’automobile toujours en dernier ressort et si possible en covoiturage, mais surtout la marche à pieds, le vélo, les transports en commun (métro, tramway, bus, train). Cette crise nous offre une chance inespérée ; celle de développer un secteur d’activités s’enracinant dans les territoires en optant pour la construction d’infrastructures de tramways, de bus ou de train, très efficaces énergétiquement et peu émettrices de gaz à effet de serre. L’investissement dans les transports collectifs crée deux fois plus d’emplois, à dépense égale, que l’investissement routier (infrastructures, matériel roulant, exploitation) et, pour la plupart, pérennes et par définition non délocalisables. A ce titre, l’annonce par François Fillon de relancer le programme autoroutier (A63, A150, A355), en contradiction évidente avec l’esprit du Grenelle est non seulement une voie sans issue mais également un non-sens historique.

Les aides de l’Etat doivent être conditionnées et évaluées à l’aune de leur bilan carbone et comparées en fonction de leur efficacité énergétique intrinsèque. En créant les conditions d’une dialectique unissant l’écologie et l’économie, l’emploi et le climat, une nouvelle filière de la mobilité peut voir durablement le jour. En réduisant cette nouvelle mobilité que nous appelons de nos vœux à la seule option automobile, l’Etat démontre par l’absurde qu’il n’arrive pas à s’abstraire des pressions des pétroliers et industriels de l’automobile.

Est-ce que notre pays s’acharnera, avec ces Etats généraux de l’automobile, à mener des réflexions d’arrière-garde, restant prisonnier d’une vision largement cloisonnée, manifestement AUTOcentrée. En pensant « mobilité » et non plus « automobile », la France se donnerait le moyen d’articuler urbanisme, logement, transport, services et emplois. Cette crise de l’automobile nous oblige à dépasser les analyses purement sectorielles. L’absence des représentants des associations de protection de l’environnement et ceux du secteur de la mobilité durable invité à intervenir aux Etats généraux de l’automobile nous laisse craindre le pire. Les salariés du secteur de l’automobile méritent mieux qu’un débat en trompe l’œil. Notre planète aussi !

Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement, Olivier Louchard, Directeur du Réseau Action Climat France, Jean Sivardière, Président de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports

http://www.agirpourlenvironnement.org/