La fracture ferroviaire

La France est le théâtre depuis le 18 octobre 2007 d’une nouvelle « bataille du rail ». Les cheminots, comme d’ailleurs nombre d’agents des autres grands services publics (EDF, GDF, Transports urbains), se sont massivement mobilisés pour défendre leur régime de retraite menacé par une mesure gouvernementale prise sans réelle négociation. Mais ils ont bien d’autres raisons de s’inquiéter. La stratégie mise en œuvre depuis quelques années par la direction de l’entreprise soutenue par les pouvoirs publics vise un seul objectif : la rentabilité. Le TGV est le vecteur essentiel de cette stratégie au service de ceux qui veulent aller vite et loin.

L’incontestable réussite technologique de cette politique et les gains de temps qu’elle permet laissent sous le boisseau des réalités moins reluisantes : jungle de tarifs en constante augmentation, correspondances chaotiques, délaissement des lignes secondaires de plus en plus transférées aux régions, réseau classique en déshérence et dégradation accélérée du réseau ferré classique. La SNCF, qui a choisi de concurrencer l’avion, ressemble de plus en plus à une compagnie aérienne qui dessert les métropoles en traversant à 300 km heure des territoires délaissés.

Loin de tout fatalisme, le livre de Vincent Doumayrou démontre que cette stratégie n’est pas la seule possible. La Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche ont adopté à bien des égards d’autres modes de développement fondés sur la densification de leurs réseaux, des tarifs souvent plus bas, des correspondances harmonisées, des dessertes régulières et nombreuses.

A l’inverse, la politique suivie par la SNCF laisse la voie libre au « tout route » avec les conséquences écologiques que l’on sait. La fracture ferroviaire s’élargit de plus en plus. Est-il encore temps pour un service public fragilisé et menacé, de la résorber ?

Lire aussi :  Intervenir et punir les automobilistes qui se garent sur les trottoirs

L’auteur : Vincent Doumayrou, 35 ans, est passionné de chemin de fer. Son blog perso: https://blogs.mediapart.fr/vincent-doumayrou/blog
La fracture ferroviaire, par Vincent Doumayrou, Éditions de l’Atelier, en librairie depuis le 25 septembre 2007. – 240 pages – 19,90 €.

6 commentaires sur “La fracture ferroviaire

  1. Philippe Schwoerer

    C’est d’ailleurs vraiment inquiétant ce qui se passe sur le terrain.

    Depuis que le TGV est arrivé chez nous, on a de moins en moins le choix sur les horaires. Des destinations ont disparus qui impliquent de renoncer à des déplacements loisirs ou de recourir à des moyens plus polluants.

    On se sent de plus en plus isolés.

    En outre, il est quasi inenvisageable d’aller en famille sur un lieu de vacances : c’est bien trop cher. Nous y avons renoncé.

    La SNCF semble aujourd’hui cibler une clientèle aisée. C’est bien triste.

    Aujourd’hui pourtant, les impératifs écologiques voudraient que les choses soient tout autre !

    Si seulement ce livre pouvait aider à inverser la tendance.

  2. CJ

    En effet. Là encore le discours sonne creux. Il est facile de se rendre compte que tout est mis en place pour générer le contraire de ce qui est préconisé. Totalement incompréhensible.

  3. Philippe Schwoerer

    CJ, peux-tu t’expliquer ? Je ne comprends pas ton message.

    Je vais te donner un exemple. Avant l’arrivée du TGV il y a une poignée d’année, il y avait 6 trains le matin pour aller à Paris. On pouvait par le train se rendre à Nancy, au Luxembourg, en Allemagne directement.

    Avec le TGV, le matin, il n’y a plus que 2 trains à 20 minutes d’intervalle. Ils sont bien plus chers car ils mettent environ 50 à 60 minutes de moins. Mais il faut plus de 20 minutes pour aller à la gare TGV située en pleine campagne, avec un parking payant (tant qu’à faire).

  4. Yôm

    « Tous les chemins mènent à Rome ».
    Tu n’as que tes pieds pour te déplacer ou peut-être un âne pour parfois les soulager.
    Ce petit sentier débute sur ton pallier.
    D’allées en ruelles, de villages en villes, de campagnes en montagnes, un chemin te lie au monde, à chaque point du monde.

    Avec la vitesse, le chemin, le monde, disparaissent.
    D’un pallier à l’autre, plus rien n’existe.
    Seul celui qui se déplace à grande vitesse, dans son fantasme d’ubiquité ignore le monde.

    Et personne ne peut l’ignorer car chacun ressent sa violence.
    Et de peur, chacun reste sur son pallier à rêver de vitesse, de bagnole… et de TGV.
    Enfin, ce que veulent les publicitaires.

    Permettre à tout le monde de se déplacer nécessite de reconstruire une arborescence de chemins.

    Les véhicules rapides ne servent que les puissants.
    Le riche qui habite Bruxelles pour fuir l’impôt sur la fortune et se rend tous les jours avec le Thalys à son travail sur Paris se fout pas mal du type qui aurait pu se rendre à son taf en empruntant le TER.
    Favoriser le TGV aux dépends du TER, c’est sacrifier la mobilité de chacun…
    ou presque.
    Et il parait que la voiture est un instrument de liberté?

  5. CJ

    @Philippe.

    Je suis entièrement d’accord avec toi.

    Mon propos est le suivant. On nous dit à longueur de médias qu’il faut prendre le train. On nous bassine avec le TGV réussite française. Mais dans les faits, dans le concret, c’est que c’est une énième pompe à brouillard, à savoir qu’il est impossible de se déplacer dans des conditions rationnelles tant financières que logistiques avec ce moyen de transport !

    C’est vraiment lamentable et très préjudiciable car en effet, le rail gagnerait à être développé au maximum ! Nous sommes au pays du nucléaire et nous n’utilisons pas le dixième des avantages que pourrait nous apporter l’électricité.

    Je préférerais largement que la SNCF et donc l’état réouvre les centaines de gares qui ont été fermés plutôt que de se piquer de faire des records débiles de vitesse pour flatter une poignée d’industriels avides de refourguer leur camelote.

    Comme il ne faut plus de bagnole parait-il. Pourquoi les millions d’euros récoltés avec les taxes et autres amendes infligés aux automobilistes, ne sont-ils pas intégralement réinvestis dans la mise en place de nouvelles solutions modernes de déplacement par le rail ?

    Le manque de trafic ferroviaire et de liaisons les desservant est vraiment un calvaire dans ce pays. Résultat se déplacer est devenu un réel problème. C’est quand même balèze !

  6. CarFree

    « Pourquoi les millions d’euros récoltés avec les taxes et autres amendes infligés aux automobilistes, ne sont-ils pas intégralement réinvestis dans la mise en place de nouvelles solutions modernes de déplacement par le rail ? »

    Tout simplement parce que toutes ces taxes et amendes ne couvrent même pas l’ensemble des coûts provoqués par l’automobile (dégâts de la pollution, du bruit, accidents, soins de santé, etc.)… 😉
    Source: http://carfree.fr/index.php/2008/07/21/lautomobiliste-est-il-la-vache-a-lait-de-letat/

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