Supprimer la voiture pour créer des emplois

« Attention, casse-cou », entend-on dire ! « Limiter la circulation automobile en ville, au profit du transport public, c’est provoquer la destruction de milliers d’emplois dans l’industrie automobile ». A l’heure où la lutte contre le chômage demeure aléatoire, l’argument des tenants du statu quo en matière de politique des transports peut porter. Encore faudrait-il qu’il soit valide. Ce qui n’est pas le cas.

Aujourd’hui, non seulement les réseaux de transport public sont l’un des très rares secteurs à afficher une progression régulière et continue des emplois mais, en outre, le développement du transport public est générateur de milliers d’emplois.

Croissance de 1 % par an des effectifs

Depuis dix ans, le transport public crée chaque année 1 500 emplois dans les réseaux urbains, soit une progression annuelle de 1 %. Peu de branches d’activité peuvent se targuer d’une telle régularité, liée à l’augmentation constante de l’offre de transport.

Une enquête de l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) montre que le déplacement d’un voyageur sur 1 kilomètre en automobile crée deux fois moins d’emplois que le même déplacement en bus ou en tramway. Pour résumer, densifier le réseau des transports en commun au détriment des infrastructures autoroutières et de la voiture ferait baisser le taux de chômage. Les emplois changent de domaine, mais le solde reste positif.

En effet, si l’on ramène le nombre d’emplois directs et indirects liés au transport public au nombre de voyageurs/km de ce mode de transport, les déplacements en transport public mobilisent 2 fois plus d’emplois que la circulation automobile, soit 3 980 emplois contre 1 830 par milliard de voyageurs/km. (INRETS 96)

Un secteur fort de 455 000 salariés

Outre les salariés des réseaux urbains et interurbains, soit un effectif de près de 260 000 personnes, l’industrie du transport public occupe aujourd’hui 195 000 salariés (emplois liés à la construction des matériels, aux consommations intermédiaires, aux dépenses d’investissements, aux dépenses routières).

Au total, le secteur du transport public est donc fort de 455 000 emplois. Pour sa part, la circulation automobile (construction et consommations intermédiaires – entretien, auto-écoles, carburant, construction de routes…) représente 961 000 emplois (1 131 000 si l’on prend en compte les effectifs des constructeurs étrangers).

Si le rapport des chiffres d’emplois des deux secteurs est de 1 à 2 en faveur de la voiture, il s’inverse totalement en faveur du transport public dès lors que l’on prend en considération la consommation d’emplois générée par l’usage de chacun des deux modes.

Lire aussi :  "L'attrition de l'automobile par la ville" ou comment réduire le trafic auto

Deux fois plus que la voiture: De quoi s’agit-il précisément ?

La circulation automobile, sur l’ensemble du territoire, représente 618 milliards de voyageurs-kilomètres (VK), pour un total de 961 000 emplois. Le calcul de la consommation d’emplois de la voiture résulte de la division entre ces deux chiffres. Elle s’établit ainsi à 1 550 emplois par milliard de VK (1 830 emplois si l’on ajoute les emplois chez les constructeurs étrangers).

Le transport public, pour sa part, représente 114,1 milliards de VK. Sur la base de ses 455 000 emplois, il génère donc une consommation de 3 980 emplois par VK. Soit le double de celui de l’automobile !

Si l’on s’en tient à la seule circulation en ville, on observe le même rapport de 1 à 2 pour le transport public. Il génère 5 600 emplois par milliard de VK contre 2 740 emplois pour la voiture.


Des villes plus agréables = plus d’emplois

Ces chiffres montrent ainsi, de façon claire et non contestable, que le transport public est deux fois plus consommateur d’emplois que l’automobile. Promouvoir son développement ne peut donc qu’être bénéfique en terme d’emplois. Pour plusieurs raisons.

D’abord, parce que les emplois transport public pourraient certainement compenser, pour partie, ceux que perd régulièrement l’industrie automobile depuis plusieurs années et tout particulièrement ces derniers mois, du fait de la crise automobile mondiale.

Ensuite, parce que la simple prise en compte des effets externes de la voiture est elle-même porteuse d’emplois. Ainsi, la stricte application des règles de stationnement dans les villes créerait non seulement des milliers d’emplois directs mais également des emplois nouveaux par transfert vers d’autres modes de transport. Dans le même ordre d’idées, l’accentuation des contrôles techniques pour les automobiles – en terme de pollution notamment – et l’amélioration de la sécurité pourraient générer environ 100 000 emplois.

Chiffres extraits d’un rapport publié en avril 1996 par l’INRETS, et réalisé à la demande du ministère de l’Environnement : « L’emploi et l’énergie mobilisés par le transport de voyageurs ». Autres informations provenant du GART (Groupement des Autorités Responsables de Transport).

8 commentaires sur “Supprimer la voiture pour créer des emplois

  1. Kapitch

    Ah oui! Si ces chiffres sont exactes (car sur ce genre d’arguments on trouvera toujours quelqu’un pour contredire ces chiffres) c’est très séduisant. Le hic c’est que si on augmente l’offre de transports publiques il faut augmenter leurs financements et ceci ne peut etre fait qu’en augmentant les impots (pour supprimer 80% du traffic des voitures je vous laisse imaginer l’augmentation des impots qu’il faudrait) et je ne vois pas comment une liste electorale pourrait arriver au pouvoir avec ce genre d’arguments. Autrement dis, les gens ne changeront que lorsqu’ils seront au pied du mur: lorsque le coût de leur voiture sera très supérieur à l’augmentation des impots. Bref patience…

  2. Marcel Robert

    @ Kapitch (aliste?): pourquoi parle-t-on toujours d’augmenter les impôts dès qu’on parle de développer les transports publics? Toutes les routes et la plupart des autoroutes sont financées par les impôts et pour autant, les gens se plaignent-ils que les impôts vont augmenter si on développe les routes et autoroutes? Il y a comme un arrière-fond ultralibéral dans cette assertion: les routes servent au transport INDIVIDUEL et les transports en commun, cette « affreuse chose collectiviste » sert au transport COLLECTIF… Mais dans les deux cas, ce sont les impôts qui sont utilisés…
    Alors, pourquoi vouloir augmenter à tout prix les impôts? La réalité, c’est que dans le domaine des transports, les 2/3 des investissements publics (donc nos impôts) vont au routier et autoroutier, et tous les autres modes de déplacement (ferroviaire, transports publics urbains, fluvial, et même aérien) se partagent le tiers restant…
    Alors, si seulement on affectait au moins 50% des investissements publics destinés au transport aux modes « collectifs » (trains, métros, tramways, bus, etc.), on pourrait créer des dizaines de milliers d’emplois sans augmenter le moins du monde les impôts… Tout est affaire de curseur.

  3. Kapitch

    Pour marcel robert:
    J’aimerais savoir si c’est réellement de l’investissement et/ou du coût de fonctionnement et d’entretien?
    Il est clair que des investissements routiers qui servent à rien j’en ai vu et malheureusement je continue à en voir (nouveaux rond points, nouvelles autoroutes…)
    La question est: peut-on réellement créé un vrai réseau de transport publique performant (gratuit pour les tous usagers bien sûr, une condition pour moi non négociable) déjà au niveau des grosses villes ça sera déjà pas mal, simplement avec ce changement de position du curseur?
    Je ne connais pas les chiffres mais, si on peut, alors ça serait formidable!

  4. Marcel Robert

    C’est de l’investissement, tu trouveras les chiffres exacts dans un article que je viens de publier:
    http://carfree.fr/index.php/2009/02/10/tout-pour-la-route-et-des-miettes-pour-les-transports-publics/
    Quant à la question de créer des réseaux de transports publics gratuits dans les villes, la réponse existe déjà: de nombreuses villes moyennes ont déjà un réseau de transports publics gratuit et ça marche!
    http://carfree.fr/index.php/2008/10/08/la-gratuite-des-transports-urbains-se-developpe-en-france/
    Et surtout une étude complète sur le sujet qui montre que faire passer un réseau complet de transport public à la gratuité ne représente pas un coût insurmontable pour la collectivité (dans le contexte actuel où l’essentiel de l’investissement public va au mode routier!):
    http://carfree.fr/index.php/2008/09/04/la-gratuite-totale-des-transports-collectifs-urbains-effets-sur-la-frequentation-et-interets/

  5. Axel

    Il existe pourtant bien une industrie qui construit des bus, des trains, des tramways etc.
    Je me demande dans quel proportion les ouvriers qui construisent des bus Renault sont également inclus dans les chiffres de l’industrie « automobile »…

    Axel

  6. Vélove

    normalement, si une entreprise construit des bus ou des tramways, ses salariés n’apparaissent pas dans les effectifs du secteur automobile.

  7. Cyclotan

    Certe le développement des transports collectifs pourrait augmenter légérement les impôts, Mais si ce développement permet de se passer de voiture (ou seulement de l’utiliser moins), les usagers seront largement gagnants. 100 ou 200 € d’impôt suppémentaires par rapport au coût annuel d’une voiture qui se situe entre 3 000 à 5 000 €.

  8. jack

    Il faudrait aussi faire un comparatif de cout à la collectivité en prenant en compte les couts externes. Rien qu’avec des couts externes évidents comme les dépenses de santé liées à la voiture ou les bénéfices d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre les transport collectifs sont largement gagnant. Il y a encore d’autres secteurs à considérer (effets sur le foncier, relocalisation des activités…).

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