La fausse réponse écologique du véhicule électrique

La solution peut-elle être trouvée, pour relancer une industrie en crise, dans le développement de la voiture électrique comme substitut au moteur thermique ? Toutes les grandes firmes automobiles vont maintenant explorer cette nouvelle voie.

Si des voitures avec d’autres modes de propulsion que le moteur thermique ne sont pas aujourd’hui vendues en nombre conséquent, c’est que l’industrie automobile ne s’est pas préoccupée d’investir en ce domaine lorsqu’il était temps et que cela était possible. Les gains des périodes précédentes ont été redistribués en dividendes aux actionnaires et investis dans d’autres domaines. Les investissements ont été concentrés sur l’enrichissement à fondement technologique inchangé de produits toujours plus sophistiqués. Ce qui n’a pas été accompli pendant les périodes de croissance, qui pourrait croire qu’une industrie l’accomplira en pleine crise et en situation de concurrence toujours exacerbée ?

Les voitures électriques qui seront vendues dans les cinq ans qui viennent seront lourdes, chères, peu autonomes et très gourmandes en électricité. Renault parle d’une « rupture rapide » dans le déploiement des véhicules électriques avec un parc de 100 000 véhicules de ce type en France en 2015. Ayons le sens des proportions, cet objectif signifie moins de 20 000 voitures électriques vendues par an en France soit moins de 1 % du total des voitures vendues : on a connu rupture plus rapide ! D’autres prévisions tablent sur un véritable démarrage à partir de 2015, hypothèse encore hasardeuse alors que des données basiques comme la vitesse de rechargement des batteries entre deux et huit heures ne sont pas encore maîtrisées.

Les chiffres qui circulent autour d’une possibilité de production de 300 000 véhicules en 2020 ont un motif qui a peu de choses à voir avec la préservation de l’environnement. Le lobby électronucléaire français commence à agir et évalue, dans le cas d’un parc d’un million de véhicules électriques le besoin annuel en énergie à près de 12 terawatheures, soit l’équivalent d’un EPR, ce réacteur nucléaire troisième génération

La piste de la voiture électrique individuelle est une fausse réponse à la crise de l’environnement. C’est proposer d’échanger la dépendance du pétrole contre une nouvelle dépendance de l’énergie nucléaire lorsque l’électricité est produite par cette filière. Et les ordres de grandeur aujourd’hui avancés sont colossaux : un EPR pour la circulation de 3 % du parc automobile ! La couverture de seulement la moitié du parc automobile supposerait l’investissement d’une quinzaine d’EPR : c’est évidemment hors du domaine du possible. Les solutions trouvées aujourd’hui en terme de substitut au pétrole pour les voitures individuelles ne sont pas encore généralisables.

Lire aussi :  Grand contournement ouest de Strasbourg : le double-discours de l’Etat sanctionné!

Des automobiles utilisant une énergie électrique ou des moteurs hybrides (combinaison de moteur à essence et électrique) seront produites dans les prochaines années à des centaines de milliers d’unités. Il ne s’agira que d’une rustine colorée de vert, en aucun cas d’une réponse à la crise structurelle des points de vue écologique et économique. Une automobile électrique est aujourd’hui encore plus chère à fabriquer. Il y a quelques mois, le modèle Prius de Toyota utilisant un moteur hybride était présenté comme le champion de l’innovation non polluante… la crise de l’automne 2008 a amené Toyota a suspendre son projet d’implantation d’une usine d’assemblage dans le Mississipi aux États-Unis. Les ventes de ce modèle ont diminué de moitié en novembre-décembre 2008.

Développement limité des véhicules électriques, extension des modèles à bas coût à l’exemple de la Logan de Renault : ces solutions techniques permettront peut-être à quelques-unes des firmes mondialisées de mieux réussir que d’autres. Ce ne seront que des replâtrages qui constitueront probablement de nouvelles opportunités pour les nouveaux acteurs capitalistes de la Chine ou de l’Inde.

Il y a un délai incompressible de quelques années entre la mise en œuvre de ces solutions éventuellement possibles et la crise d’aujourd’hui : c’est maintenant que se déroulent les fermetures d’usine et les suppressions d’emploi.

Jean-Claude Vessillier

Source: Automobile, la fin d’un cycle

2 commentaires sur “La fausse réponse écologique du véhicule électrique

  1. un cycliste

    le problème de la voiture, c’est pas le moteur, mais la voiture elle même…
    pour déplacer 70Kg, on en déplace 20 fois plus pour rien. alors que ce soit au pétrole, à l’électricité ou au pet de vache (méthane) ça ne change rien au gaspillage.
    ne parlons pas du gaspillage de place, lorsque par exemple dans beaucoup de rue, il y a la place pour 3 voitures de front, mais pas pour un vélo de plus… (sens unique avec 2 rangées de places de stationnement).
    ou alors, le problème c’est… le cerveaux des automobilistes… trop petit et bourré de pollution audiovisuelle (et de testostérone).

  2. Guillaume D

    Je suis d’accord sur le constat : manque d’investissement dans le passé, manque d’ambition du secteur en la matière, process industriels toujours plus lourds…

    Mais est ce une fatalité ? le plomb des batteries est recyclable, l’aluminium des chassis aussi, les moteurs brushless infatigables, la possibilité de s’approvisionner à l’énergie solaire, la possibilité de faire des véhicules ultralégers..
    De là à faire confiance aux grands noms de l’automobile pour trouver la solution, j’en doute…

    Biensur, cela necessite de produire et de transformer… mais en tant que cycliste, j’ai de plus en plus de mal à me dire que je fais des efforts et qu’en contrepartie, on m’envoie des gazs d’échappement dans le nez… J’espère de mon coté que le véhicule électrique va se développer, et j’y crois.

Les commentaires sont clos.