Industrie automobile : quand la crise écologique débouche sur une crise sociale

assistanat202

Tour à tour, Peugeot le 11 février, puis Renault, le lendemain, ont annoncé des réductions massives d’effectifs salariés. Rejouant la comédie de Woody Allen « Prends l’oseille et tire-toi », les deux constructeurs n’auront même pas concédé au plan de relance de Nicolas Sarkozy l’illusion d’une efficacité politique pendant plus de 24 heures. Avec un cynisme extraordinaire, les dirigeants de Renault-Nissan et PSA ont accepté les cadeaux de l’Etat – prêt bonifié et investissements de recherche – contre une promesse vaguement formulée et … déjà trahie pour peu que l’on accepte d’appeler un chat un chat. N’en déplaise au ministre du Budget, Eric Woerth, qui évoque « une maladresse », l’absence de contraintes réelles et sérieuses imposées aux constructeurs se traduit par une prorogation d’une stratégie industrielle qui, pour s’être absoute des contraintes écologiques, débouche sur une crise économique et sociale.

En effet, la crise économique frappant ce secteur d’activités est le résultat d’une incapacité notoire de ses dirigeants à accepter et à anticiper les contraintes environnementales et climatiques. Dans ce domaine, la stratégie du secteur s’est longtemps limitée à instrumentaliser la nouvelle sensibilité environnementale au travers de publicités faussement écologiques vantant les mérites de véhicules toujours plus prédateurs de ressources. Sous la pression croissante des écologistes, les constructeurs ont peu à peu commercialisé quelques modèles plus économes, niches ou vitrines qui masquaient mal la déferlante de produits totalement inadaptés aux enjeux économiques et écologiques d’aujourd’hui. Par mimétisme industriel, chaque constructeur automobile s’est cru obliger de copier les dérives de ses concurrents. Les constructeurs français qui disposaient pourtant d’un positionnement commercial avantageux dans le domaine des véhicules légers, n’ont pas fait exception à la règle. Comment expliquer le lancement du Koleos, un 4×4 « made in Renault fabriqué en Corée… » en 2008, alors que les craquements sourds de la crise résonnaient déjà depuis plusieurs mois ?

Peu empressés d’appliquer au secteur des transports routiers une stratégie cohérente avec les objectifs communautaires de réduction des émissions de dioxyde de carbone, les politiques ont finalement tenté, en 2008, d’accoucher d’une réglementation ad hoc pour les véhicules particuliers, un outil nécessaire, mais insuffisant pour formater ce marché rétif à la sobriété énergétique. Sous présidence française, l’Europe a rapidement capitulé devant les exigences du lobby et torpillé un règlement refaçonné pour la survie des grosses berlines et des 4×4.

Lire aussi :  Gueule ouverte: l'automobile prédatrice

Sans vision globale et à long terme sur la mobilité du futur, l’Etat français ne parvient pas à dépasser l’horizon de la voiture particulière et continue de lui dérouler le tapis rouge des infrastructures routières, quand il ne ruine pas les efforts de collectivités plus avisées.

La crise du secteur automobile ne se résoudra pas en injectant de l’argent public sans édicter la moindre condition en matière climatique ou énergétique. La réponse n’est pas non plus uniquement technologique. Les filtres à particules, les agrocarburants ou le moteur électrique ne demeureront jamais que des instruments de transfert de pollution et de responsabilité et ne peuvent nous affranchir d’une réflexion plus large. Pour les constructeurs, le vrai défi serait de redéfinir complètement leur modèle commercial et culturel : à la vente de véhicules particuliers et privatifs, ils doivent substituer une offre de mobilité plus flexible, plus conviviale et bien plus sobre. Pour les politiques, la tâche est immense. Cette crise interroge profondément notre façon d’appréhender la mobilité, questionnant nos politiques de transports, d’infrastructures, d’urbanismes, de logement et d’aménagement du territoire.

Cette crise systémique peut être une chance si nous savons nous abstraire de la pensée unique productiviste. A contrario, l’incohérence de la stratégie écologique défendue par la France en matière de transport ne peut que proroger l’option prédatrice qui nous a conduits et nous conduira encore et toujours aux crises écologiques, économiques et sociales.

Source: www.agirpourlenvironnement.org