Une hypothèse à étudier: laisser couler l’industrie automobile

Etre responsable, c’est caqueter à l’unisson du poulailler

L’industrie automobile américaine, japonaise et européenne connaît la plus grande crise de son siècle d’histoire. Dans l’atmosphère de désarroi actuel, médias, industriels et gouvernement nous appellent à l’union sacrée ; les syndicats mélangent défense des salariés et défense de leur outil de travail car ils se disent que les lignes de production attireront plus la considération que les hommes qui les font tourner. Quelques faits sans jugement de valeur pour alimenter le débat.

Le syndrome japonais

Certains experts économiques imaginent une évolution de la crise mondiale non sur le modèle de celle de 1929, mais à l’exemple de ce que vit le Japon depuis 1990 : pas la fin du monde , mais une croissance chancelante portée à bout de bras par l’Etat , au prix d’ un endettement pharaonique et d’impôts en hausse. Cela expliquerait la modestie du plan français: on garde des cartouches pour la suite. Modestie surtout apparente, car on n’y compte pas les investissements des entreprises publiques (EDF et ses nouvelles centrales, dont la démolition et le traitement des déchets est laissée en dette aux générations futures).

Un aspect de ce syndrome japonais devrait faire réfléchir : depuis 1990, le marché automobile nippon, malgré des plans de relance massifs, est en décroissance régulière. La population vieillissante voit dans le tout-automobile une immobilité forcée ; les actifs urbains font leur compte et préfèrent prendre les transports en commun que dépenser plusieurs milliers d’euros pas an dans un véhicule individuel.

Il n’est pas impossible que l’Europe se trouve dans la même situation dans la décennie à venir.

Délocalisation et gain de productivité sont des tendances de fond

PSA et Renault diminuent leurs effectifs depuis des années et produisent depuis deux ans la majorité de leur production dans des pays à la main d’œuvre moins chère. L’automobile de gamme courante n’est plus une activité de grande valeur ajoutée. Le couteau de la crise sous la gorge, les patrons des deux groupes ont accepté (difficilement) de revoir cette politique pour les 5 ans à venir ; le couteau de la concurrence les obligera peut-être à rerevoir leur stratégie.

La concurrence des transports publics dans les grandes villes

L’essor du marché automobile s’est accompagné dans de nombreuses villes de la diminution de l’offre de transports en commun. Depuis une trentaine d’années, l’évolution est inverse. Nantes a remis en service un tramway en 1985. Depuis une vingtaine de villes ont suivi ; une dizaine de villes de plus rejoindront ce groupe au début de la prochaine décennie. La part de marché des automobiles est donc en danger malgré les efforts de gouvernements vigilants (Raffarin avait supprimé les aides Jospin au tram, pour relancer la construction d’autoroutes). Ce mouvement semble inéluctable, étant donné l’avantage compétitif pour une ville que représente cette forme de transport.

Lire aussi :  La ville et l'automobile dans les années 70

Il y aura une concurrence pour l’espace urbain (la voiture diminue la rentabilité des bus en les ralentissant) mais aussi pour les financements : avec les 6 milliards d’euros prêtés à PSA et Renault, on peut construire une vingtaine de lignes de tramways transportant chacun plusieurs dizaines de milliers de personnes par jour (tramways vraiment fabriqués dans des usines françaises; emplois de chauffeurs physiquement non-délocalisables).

Il est vrai que les firmes de tramways ne sont pas en crise : peut-être parce qu’elles ont un avenir.

Une épée de Damoclès : le pic du pétrole

Ignorée par les grands médias, l’hypothèse d’un pic du pétrole dans la prochaine décennie est soutenue par plusieurs experts. Le pétrole deviendrait cher ; même rouler avec les petites diésels françaises fabriquées en Slovénie deviendraient cher; quant aux hybrides essence et diesel, leur prix sera élevé pour une diminution de consommation relativement marginale (si vous consommez deux fois moins un pétrole trois plus cher, vous perdez au change).

D’autre part il est possible que le gouvernement à l’avenir prenne au sérieux l’objectif de réduction des gaz à effet de serre : il faudra décourager l’utilisation des autos produites à l’aide de ce même gouvernement.

La voiture électrique et la voiture à hydrogène : des marchés de niche

Certains experts estiment que pour des raisons techniques, ce type de voitures aura une diffusion minoritaire, au moins jusqu’en 2020.

De plus, en ce qui concerne les électriques, leur autonomie limitée les réservera aux petits pays denses (Israël ou Danemark); ou aux espaces urbains (là où vous trouverez des transports en commun modernes).

Un cas d’école : la sidérurgie

A partir de la fin des années 70, la sidérurgie française s’est trouvée dans la même situation d’incertitudes : mondialisation, marchés changeants, sureffectifs en raison des gains de productivité, profits en baisse. Les syndicats se sont accrochés à l’outil de travail. L’Etat a nationalisé, recapitalisé, payé les préretraites, reprivatisé. Au final, l’Etat s’est endetté, les effectifs ont fondu, le travail s’est précarisé et les entreprises restent menacées. Par contre les actionnaires des années 70 ont gardé leur mise (voir Seillière); les actionnaires d’aujourd’hui continuent d’encaisser d’énormes dividendes.

Non, être responsable, ce n’est pas caqueter à l’unisson du poulailler.

Source: Europe Écologie

Un commentaire sur “Une hypothèse à étudier: laisser couler l’industrie automobile

  1. O'toh

    La sidérurgie française maintenant s’appelle Mittal et les chômeurs français, grâce à leurs maigres indemnités, pourront bientôt s’acheter des Nano à 4000 balles, ouaiiiis…
    Merci Tonton Mittal et Tata Nano…
    On pourra continuer a rouler comme avant alors ?
    On va investir dans des usines de masques à gaz ?
    Alors c’est pas pour tout de suite la fin du monde ?

    Non sérieusement, l’expérience çà sert à quoi ? Tout le monde peut faire des conneries, l’homme est loin d’être parfait, mais après on se calme, on essaie d’entrevoir d’autres solutions, d’autres perspectives de « développement », durable si possible…

    Mais non, là on persiste dans l’absurdité la plus totale.
    La preuve, il y a déjà belle lurette que la France ne produit plus d’uranium, se fournit à l’étranger et même dans des pays peu fiables au niveau stabilité et ON nous parle d’indépendance énergétique, de nouveaux réacteurs plus mieux plus performants ?

    C’est fatigant à la fin d’etre pris pour des billes à longueur de temps, vous trouvez pas ?
    Allez, je sais pas si c’est bien ou pas bien, ma carte d’électeur je vais me faire une salade avec…

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