Portrait d’un marchand de pollution

Portrait d'un marchand de pollution

Aujourd’hui, traduction d’un article du New York Times paru le mardi 31 mars. Il s’agit d’un portrait d’un vendeur de Hummers, qui va bientôt tomber en dépression. On en aurait presque la larme à l’œil. Âmes sensibles s’abstenir!

Lundi dernier, Chesterfiled. En 2005, Jim Lynch a fait un gros pari sur de gros véhicules…

Il était jusqu’alors un des meilleurs vendeurs de Hummers, et avait investi 7.5 millions de dollars dans un nouveau « show-room » de 24 hectares en bordure du lit majeur du Missouri, sur un terrain sauvage afin de faire des démonstrations et des essais à des gens parfois venus de très loin, pour acheter ce S.U.V. [1] musclé.

Il nous raconte que General Motors l’a encouragé en lui disant qu’il pourrait vendre jusqu’à 1300 Hummers par an (qui débutent à 30.000$ et peuvent coûter plus de 100.000$ sans compter les milliers de dollars supplémentaires que les gens dépensent en accessoires), ce qui lui suffit largement à payer son crédit de 60.000$ mensuels.

Il vendait 70 Hummers neufs par mois lorsqu’il a ouvert, mais maintenant, il compte ses clients sur les doigts d’une main. « Ça ne paie même plus les intérêts. Maintenant, je me réveille la nuit et me demande comment je vais reconvertir mon superbe magasin. »

Les ventes de Hummers ont tellement chuté (51% l’an passé, la plus grosse chute de l’industrie) que General Motors essaie de trouver un repreneur pour la marque. Sans cela, GM pourrait l’abandonner. Le sort de Hummer devrait être fixé mardi.

« C’est une marque qui représente ce que les gens veulent abandonner aujourd’hui », nous dit Mlle Rebecca Lindland, analyste financière à IHS Global. « Même si les prix des carburants sont un peu plus bas en ce moment, cela reste un symbole ostentatoire de surconsommation. Le Hummer a soudainement été perçu comme le symbole de la dépendance de l’Amérique au pétrole étranger. » […]

La mort du Hummer devrait être saluée par les défenseurs de l’environnement, qui ont sévèrement critiqué ce genre de modèles, qui n’engloutissent pas moins de 25L/100km en moyenne. Les autres marques comme Land Rover ont des modèles du même ordre de grandeur, mais Hummer est devenu la quintessence du « véhicule glouton ». Un site web qui demandait à ses visiteurs de poster des photos d’eux en train de faire un doigt d’honneur à un Hummer en a même récolté 5000!

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Pour Mr Lynch et les 379 autres vendeurs de Hummers dans le monde, ce serait une fin soudaine à une marque qui leur semblait avoir un avenir prometteur. […]

Maintenant, Hummer est le symbole d’un temps où les SUV étaient la règle sur les autoroutes américaines et où cela remplissait les caisses de GM et des autres. « Il y avait de bonnes raisons de croire en la marque, mais tout a changé très très vite », nous dit Mlle Lindland.

Le réveil a été dur pour Mr Lynch, 46 ans, qui a commencé à vendre des Hummers il y a 15 ans […]. Il avait acheté un de ces monstres de 3 tonnes en 1994, alors qu’il était vendeur chez Toyota, puis est devenu le seul vendeur de Hummer du Missouri.

« Je croyais être le seul assez fou pour vouloir une de ces grosses bêtes, mais j’ai réalisé que ce que l’on ressent avec ce véhicule est unique […] ». Mr Lynch a tout de suite adoré le Hummer et sa capacité à pouvoir conduire partout, et a découvert plus tard sa solidité à la suite de deux accidents. Les deux fois, le véhicule mis en cause restait certes entier, mais lui, avec son Hummer, il n’avait aucune trace d’accident.

Pendant sept années, Mr Lynch était le plus gros vendeur de Hummer, vendant souvent plus du double de Hummer que ses concurrents. […]

Aujourd’hui, il ne garde que 50 Hummers neufs en stock, alors qu’il y a 4 ans, il en avait environ 300, de quoi remplir le champ voisin.[…] Son magasin est à vendre, mais il espère se reconvertir en un revendeur de plus petite envergure et ne pas fermer boutique définitivement. Cela reviendrait à abandonner ses pistes de rallye sur lesquelles il a convaincu tant de clients! Il a déjà revendu son Bobcat (pelleteuse, NDLR) qui traçait les pistes.

G.M en a dit peu à propos du devenir de Hummer, mais Mr Lynch espère que les patrons sauveront la marque qui fut son gagne pain pendant 15 ans. […]

Traduction par pimousse3000 d’après The New York Times, « Hummer’s Decline Puts Dealers at Risk » par Nick BUNKLEY and Bill VLASIC, 31/03/2009.

[1] S.U.V. = Sport Utility Vehicule (4×4)

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