Michael Moore: Mon plan pour General Motors

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Documentariste, Michael Moore a notamment reçu la Palme d’or à Cannes en 2004 pour son pamphlet anti-Bush : Fahrenheit 9/11. L’un de ses premiers films, Roger & moi (1989), montrait les dégâts causés par la suppression de 30.000 emplois par General Motors (GM) dans sa ville natale. Aujourd’hui, il publie une lettre ouverte au président Obama pour défendre l’idée d’une reconversion de General Motors.

J’écris ces lignes depuis Flint (Michigan), le berceau de General Motors, entouré d’amis et de membres de ma famille inquiets pour leur avenir et celui de leur ville. Quarante pour cent des logements et des entreprises de Flint sont à l’abandon. Quel serait votre état d’esprit si vous viviez dans une ville où près d’une maison sur deux est vide ?

Nous voici aujourd’hui au chevet de General Motors. Le cadavre de l’entreprise n’est pas encore froid et je suis rempli de joie. Il ne s’agit pas d’une joie revancharde vis-à-vis d’une entreprise qui a ruiné ma ville natale et apporté misère, divorce, alcoolisme, détresse physique et mentale aux personnes avec lesquelles j’ai grandi.

Je n’éprouve évidemment aucune joie non plus à l’idée que 21 000 salariés supplémentaires de GM vont se voir notifier la perte de leur emploi. Mais vous et moi et le reste de l’Amérique sommes maintenant propriétaires d’un constructeur automobile ! Qui diable peut donc vouloir gérer une entreprise automobile, de nos jours ? Lequel d’entre nous aimerait voir 50 milliards de nos impôts déversés dans le gouffre sans fond de GM pour tenter encore de le sauver?

Soyons clair : le seul moyen de sauver GM est de tuer GM. Mais préserver nos précieuses infrastructures industrielles doit être la priorité absolue. Si nous permettons que nos sites de production automobile soient fermés ou rasés, nous le regretterons amèrement quand nous nous apercevrons que ces usines auraient pu fabriquer les systèmes exploitant les énergies alternatives dont nous avons désespérément besoin.

Et quand nous nous rendrons compte que les meilleurs moyens de transport sont le tramway, les trains à grande vitesse et les autobus propres, comment les fabriquerons-nous si nous laissons disparaître nos outils industriels et notre main-d’œuvre qualifiée ?

Alors que le gouvernement fédéral et les tribunaux s’apprêtent à “réorganiser” GM, voici le plan que je demande au président Obama de mettre en œuvre pour le bien des salariés, des villes où l’entreprise est implantée et du pays tout entier.

A l’image de ce qu’a fait le président Roosevelt après l’attaque de Pearl Harbor, le président Obama doit dire à la nation que nous sommes en guerre et qu’il nous faut :

Lire aussi :  Pistes cyclables sur autoroutes

1. Convertir immédiatement nos usines automobiles à la production de transports en commun et à l’exploitation d’énergies alternatives.

2. Ne pas mettre 30 milliards de dollars supplémentaires dans les coffres de GM pour lui permettre de fabriquer des voitures. Il vaut mieux utiliser ces fonds pour maintenir les effectifs actuels – et réembaucher la plupart des salariés précédemment licenciés – de manière qu’ils se consacrent à la production des nouveaux modes de transport du XXIe siècle.

3. Annoncer que des trains à grande vitesse sillonneront le pays de part en part d’ici cinq ans. Confier partout la construction des nouvelles lignes de chemin de fer aux travailleurs en quête d’emploi.

4. Lancer un programme visant à doter toutes les villes, grandes et moyennes, de tramways et faire construire les rames dans les usines GM. Procéder systématiquement à l’embauche de main-d’œuvre locale pour l’installation et la gestion de ces transports.

5. Pour les zones rurales non desservies par les voies ferrées, faire produire par les usi­nes GM des autobus économes en carburant et non polluants.

6. Dans l’immédiat, faire fabriquer des véhicules hybrides ou tout électriques dans certaines usines. Il faudra quelques années pour que nous nous habituions aux transports en commun. Quitte à avoir des automobiles, autant qu’elles soient plus respectueuses de l’environnement.

7. Reconvertir certains sites GM désaffectés en unités de production d’éoliennes, de panneaux solaires et autres systèmes exploitant les énergies renouvelables.

8. Accorder des avantages fiscaux aux personnes qui se déplacent en véhicule hybride, en bus ou en train.

9. Créer une taxe de 2 dollars sur chaque gallon (3,79 litres) d’essence pour financer ces programmes. Elle poussera les automobilistes à se tourner vers des voitures moins gourmandes ou à utiliser les nouveaux transports que les anciens ouvriers de l’automobile auront construits pour eux.

Voilà pour commencer. Mais, s’il vous plaît, je vous en conjure, ne sauvez pas GM pour qu’une version réduite de la firme continue de fabriquer des Chevy ou des Cadillac. Ce n’est pas une solution viable à long terme.

Source: www.courrierinternational.com

10 commentaires sur “Michael Moore: Mon plan pour General Motors

  1. jms

    Images évoquées et commentaires à la lecture cet article

    « Une ville entière devenu friche industrielle »
    « Euthanasie ou soins palliatifs pour Général Motors et sa ville »
    « Le symbole du capitalisme se meurt mais, doit on sauvé le capitalisme lui-même »

    « La Méga-machine » malgré la crise veut devenir « Giga-machine »
    Attention, les transports en communs ne sont pas un but en soit. Il ne faut pas l’oublier ils appartiennent aux premiers symptômes de la ville concentrationnaire, une des premières réponses à la gestion de la massification industrielle des populations. S’ils ont, dans le développement récent du capitalisme étaient supplanté par l’automobile cela correspond à une militarisation de la population, le besoin intense de mobilité et un sous produit du travail industriel et de la dépossession des populations de leur espace de vie originel. Aux États-Unis 80% de la population vie sur moins de 2% du territoire. Le reste 98% est possédé en majorité par les compagnies minières ou pétrolières, le complexe agro-industriel et les spéculateurs…
    Attention il en est de même de la production d’énergie, il ne s’agit pas d’un but en soit. C’est l’industrie, le productivisme fanatique de capitalisme qui transforme le monde des hommes en société énergivore. L’essentiel de l’énergie produite et destiné à produire des voitures des produits chimiques des pesticides du militarisme de l’armement… L’énergie n’est pas seulement faite pour faire marcher des yaourtières ou de l’électroménager débile… La « crise énergétique » est surtout un signe de volonté de croissance du capitalisme; « la Méga-machine » malgré la crise veut devenir « Giga-machine »
    Ivan Illich la bien compris, « la course à l’énergie (même « renouvelable ») mène à l’holocauste ! « La Convivialité »
    Les gens simples ont avant tout besoin de nourriture saine, bien avant les Mégawatts et les « transports publics » qui se sont développés, justement pour les faires travailler chez Général Motors » et consort…

  2. Pimousse3000

    …d’autant plus qu’en Juin il semble que les ventes de voiture neuves ne se soient jamais aussi bien portées à en croire les journaux(meilleure vente pour Citroen depuis 1970!)
    (je finis la phrase de CARFREE qui m’a laissé des points de suspension, c’était trop tentant!)

  3. Philippe Schwoerer

    Bravo Michael Moore ! C’est effectivement cette direction qu’il faut prendre !

  4. Vincent

    Effectivement, il a tout compris. Hélas, un tel plan ne sera jamais appliqué pour la simple et bonne raison qu’il faudrait de l’audace de la part des politiques. Et ceux-ci continueront de stagner tant qu’il seront à la botte des puissants lobbys (automobile principalement).

  5. Yôm

    ouaip.
    Et pourquoi pas un mot sur les vélos?
    ça fait encore trop tapette aux USA?
    Trop ridicule de produire de si petits engins quand on peut faire des gros « trains à grande vitesse »?
    Garder les moyen de production, produire, produire, produire…
    Soit, mais ne serait-il pas intéressant de ralentir voir de s’arrêter et de réfléchir (notamment à l’occupation de l’espace, de l’utilisation des ressources naturelles agricoles et autres…) avant de se relancer dans la production en masse de n’importe quoi?
    Ni chez les ricains ni en France nous n’envisageons de cesser de produire.
    C’est une obsession. C’est l’une des caractéristiques du capitalisme:
    Produire toujours plus, propriété et accumulation plutôt qu’usage et réflexion.
    37 ans que l’on nous prédisait l' »An 01″…
    Alors bon, qu’un bon gros Michael nous sorte quelque chose de moins débile que ses congénères tout comme un Obama semble aussi moins néfaste que son prédécesseur ne me réjouira pas plus.
    « Soyons réalistes, faisons l’impossible », bordel!
    Que c’est mou et que cela manque d’imagination…
    Et dire qu’il a fallut des Timothy Leary et que ses disciples se gavent de LSD pour que l’on y songe un peu différemment.
    Peuples du monde entier, arrêtez vous de bosser ne serait-ce que quelques heures, éteignez à jamais vos téléviseurs. ça coute peu et rapporte bon.

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