Rocard, la taxe carbone et la décroissance

Michel Rocard, pigiste de Sarkozy pour égayer ses vieux jours, était ce matin sur France Inter, essentiellement pour parler de la “taxe carbone” dont il présentera les détails à son patron ce vendredi. La première partie de l’émission, consacrée à la “taxe carbone”, a été calamiteuse. Débit lent, silences qui en disent long, explications vaseuses : ce n’est pas avec une telle prestation que cette taxe carbone va devenir populaire ! D’ailleurs ce n’est pas sa vocation, d’être populaire. Mais l’explication concernant les “compensations de pouvoir d’achat”, confuse et embrouillée, ne rassure pas sur la viabilité du projet…

Rappel des faits :

– la “taxe carbone”, destinée à décourager les pratiques émettrices de CO2, se présentera essentiellement sous la forme d’une augmentation du prix des carburants (8 centimes sur le litre de gasoil par exemple), du fioul, du gaz ou du charbon. Pas vraiment un scoop ! Mais attention, hein : l’électricité ne sera pas concernée, puisque le nucléaire, selon les critères sarkozystes, est une énergie durable qui respecte l’environnement !

– On ne connaît pas encore les modalités du calcul, mais selon des indiscrétions, la tonne de CO2 serait “facturée” 32 euros, ce qui rapporterait environ 8.5 milliards d’euros, dont 3.5 seraient payés par les particuliers, et 5 par les entreprises (à l’exception des plus gros pollueurs, qui sont soumis aux “quotas”, qui ne leur coûtent d’ailleurs pas grand chose)

– Seulement voilà, le gouvernement, conscient de l’impopularité de la chose et de son effet dévastateur sur le “pouvoir d’achat” des plus pauvres (un ménage devra sortir 300 euros par an tout de même, et cette somme est destinée à augmenter),  va compenser cette taxe dans certains cas : éloignement des villes, chauffage au gaz… La logique m’échappe. A Rocard aussi, qui s’embrouille. On veut décourager sans décourager mais tout en décourageant quand même…

– Sarkozy souhaite par ailleurs que cette mesure se mette en place à “prélèvements constants” : il va donc utiliser la “taxe carbone” (payée pour près de la moitié par les particuliers) pour financer la suppression de la taxe professionnelle (payée complètement par les entreprises) : un grand classique, mais toujours aussi scandaleux !

La taxe carbone pourrait être une bonne chose, si elle était contrebalancée par des mesures de justice sociale comme le salaire maximum (sans parler de la suppression du bouclier fiscal qui va de soi) : mais sans ce préalable, ce n’est qu’un impôt de plus qui frappera les pauvres. C’est bien beau de faire payer plus cher son mazout au pauvre et de redistribuer le produit de la taxe aux entreprises du CAC40 (qui sont les plus gros contributeurs de la taxe professionnelle), mais qu’est-ce que le pauvre peut bien faire pour “modifier son comportement” ? On ferait mieux d’utiliser cet argent pour changer sa chaudière, isoler son logement, ou faire passer plus de transports en commun devant chez lui ! Mais apparemment, il n’en est pas question.

D’autant que cette taxe frappe de la même manière l’usage (le chauffage d’un appartement de 60 m2 à 19 degrés) et le mésusage (le chauffage d’un appartement de 300 m2 à 25 degrés), en complète contradiction avec les principes de base d’un tel système…

J’ai tout de même un peu de mal à croire que Sarkozy va essayer de faire passer ça, je pense qu’il n’a pas très envie de s’étendre sur la question du “pouvoir d’achat”…

Autre effet plus local, la hausse de 8 centimes du gasoil français entraînerait le grand retour des escapades pétrolières au Luxembourg. La différence de prix avec la France s’était un peu amenuisée avec le temps, elle est actuellement d’environ 12 centimes. Sur un plein de 50 litres, ça ne fait plus que 6 euros. De Metz, l’aller-retour fait au minimum 100km, soit 7 litres, soit… 7 euros. Pas rentable. D’autant que la différence de prix sur les clopes et l’alcool a aussi diminué. Seuls les tout proches de la frontière, ou les travailleurs frontaliers, jouaient encore à ce jeu. Je sens que certains messins vont de nouveau prendre la route de Luxembourg, y faire le plein, et revenir le coffre chargé de Marlboro et de Pastaga pour toute la famille. Totalement contreproductif pour le CO2, et pas sûr que les finances françaises s’y retrouvent !

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Mais revenons-en à Rocard.


France Inter – Michel Rocard par franceinter

Oh, bien sûr, avoir accepté de travailler avec le Nain est une erreur majeure. Mais il n’assume pas, et balaie d’un revers méprisant les propos des vilains pas beaux qui osent insinuer qu’il est une “prise” de Sarkozy : avec l’âge, on perd beaucoup de lucidité !

Pierre Weill voulait absolument le faire parler sur la guéguerre et les commérages au sein du P”S” : sans succès. Rocard n’a rien voulu dire d’intéressant sur ce sujet somme toute largement surfait, pesant longuement chaque mot, le sujet de l’intéresse pas, à moins qu’il ne souhaite éviter de prendre des coups… Tout juste a-t-il appelé de ses voeux un nouveau programme (comme tout le monde depuis une éternité) et souhaité qu’il soit incarné par son meilleur promoteur. Ca ne mange pas de pain.

Néanmoins, puisqu’il n’a désormais plus de pression électorale, Rocard ose quelques vérités que j’aimerais bien entendre chez d’autres, hélas trop occupés par leur compétition de nombril et le pignolage sur “la relance de la croissance”.  La deuxième partie de l’émission a été bien plus intéressante.

Il semble en effet avoir véritablement compris les effets pervers du CO2, et surtout les conséquences que cela aura sur l’économie et la vie en général. Bon, il ne dit pas “il faut la décroissance”, mais il l’a sur le bout de la langue, puisqu’il dit “il faut diminuer la croissance”, bel effort pour quelqu’un qui a passé sa vie à courir après… Rappelons tout de même que la quasi-totalité de ses collègues en est encore à l’idéologie du siècle dernier, pour laquelle la seule boussole est la croissance (et la redistribution de ses fruits à Goldman Sachs).

Enfin, il a annoncé au détour d’une phrase que la société devrait s’organiser pour générer moins de transports. Excellent ! A part Yves Cochet, je n’ai pas souvenir que d’autres politiciens furent aussi pertinents sur le sujet. Sujet qui par ailleurs suffirait à fournir une trame de programme à ceux qui manqueraient d’idées… Mettre en place cette organisation, reconvertir les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et du tourisme mondialisé de masse qui en seraient les victimes, voilà des défis plus intéressants que de savoir qui de Titine, Marie-Ségolène ou Valls aura l’honneur de se faire équarrir par Sarkozy en 2012 !

Et, même si ce n’est pas un exploit en soi, on peut lui faire crédit d’avoir énoncé en l’espace de quelques dizaines de minutes plus de trucs intéressants que n’importe quel autre dirigeant “socialiste” depuis 1983 !

8 commentaires sur “Rocard, la taxe carbone et la décroissance

  1. jean-paul Morais

    La taxe carbone dans son sens propre était une idée raisonnable. Mais voilà, la dérive arrive de plein fouée et les profiteurs de tout genre activent leurs bêtises. Ça part vraiment dans un but lucratif malheureusement et non par la case de la sincérité. On a vraiment l’impression de voir ce genre de propos  » super, c’est la loterie la taxe carbone !!! » aux yeux bien sùr du gouvernement, des grandes entreprises aux conflits d’intérêts… D’ailleurs, pour votre gouverne, des des chercheurs indépendants prouvent par des schémas d’algorithmes que le CO2 n’est pas le facteur principal et loin de là lorsqu’on parle de l’effet de sphère et la pollution en générale. Car, une étude explique très bien qu’avant l’année 60 de la pleine expansion industrielle (égale pollution), on constate que la pollution de CO2 est nettement plus élevée qu’après cette nouvelle ère industrielle. Donc, contradictoire de nos jours par leur théorie du réchauffement de notre planète…

  2. LécoLomobiLe

    Putain ! où s’arrêtera le génie politique de Nicolas Sarkozy?

    Comme le dit le titre de cet article, la taxe carbone est typiquement une mesure de décroissance. Dans le paysage politique actuel, qu’y a-t-il de plus à gauche que la décroissance ?

    Ben oui ! qui ici est assez naïf pour croire que l’écologie politique est en faveur des pauvres ? des classes défavorisées? La défense de l’environnement est contraire à la société de consommation, elle réduit le pouvoir d’achat des pauvres et N Sarkozy a nommé une grande personnalité de gauche pour assener ce principe de réalité !

    « Voulez-vous que nos arrières-petits enfants habitent une poële à frire? » Tels sont, en substance, les propos de M Rocard. La gauche n’est pas sortie de sa dépression idéologique 😎

    (on trouve facilement l’interview de Rocard sur daily motion)

  3. CarFree

    C’est bizarre, mais le lien ne fonctionne pas et dans les deux cas! De tout manière, on va publier l’article en question sur carfree…

  4. gilles

    Moi je le trouve plutôt bien Rocard, son faible débit contraste avec celui du petit nerveux.il nous rappelle que rien ne sert de courir, c’est déjà un gage d’économie .

    C’est un visionnaire qui marche sur des œufs,et des visionnaires nous n’en avons pas eu depuis longtemps,puisque ils ont envoyé les vieux trams a la casse avec les rails.

    la taxe Co2 sur le principe c’est pas mal et j’aimerai sur le même principe voir une taxe démantèlement des centrales nucléaires, sur ma facture EDF,ainsi qu’ une ligne provision pour stockage des déchets pendants 100 000 ans .je chauffe au bois…….alors .
    Cela existe sur la facture d’eau concernant le retraitement des eaux usées.

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