Bidoche: L’industrie de la viande menace le monde

Journaliste à Paris, auteur d’une dizaine de livres, je publie le 30 septembre un nouveau bouquin appelé « Bidoche, » avec comme sous-titre : « L’industrie de la viande menace le monde ». Je crois bien qu’il s’agit d’une première en langue française. Voici l’introduction de mon livre, qui vous donnera une idée de son ton.

Pourquoi j’ai voulu ce livre

Je suis né pour ma part dans le sous-prolétariat urbain de la banlieue parisienne. Ce n’est pas un lieu rieur. Ce ne fut pas un temps calme. Il m’arriva plus d’une fois de rêver meilleur destin. Mais qui choisit ?

Il reste que, dans les meilleures années de cette époque engloutie à jamais, ma mère préparait le dimanche midi un roast-beef, un rosbif farci à l’ail qui déclenchait chez nous tous, les enfants de cette pauvre nichée, une émeute de papilles.

Un repas peut-il rendre heureux ? Oui. Un morceau de viande peut-il faire croire, le temps d’une tablée familiale, que tout va bien, que tout va mieux ? Oui. J’ai mangé beaucoup de viande. J’ai pris un grand plaisir à mastiquer, à partager avec les miens ce qui était davantage qu’un mets. Je suis mieux placé que d’autres pour comprendre que manger de la viande est un acte social majeur. Un comportement. Une manière de se situer par rapport au passé maudit de l’humanité, et de défier le sort promis par l’avenir.

Je crois savoir ce que manger veut dire. Mais je dois ajouter que, chemin faisant, j’ai changé d’avis et de goût. Modifier ses habitudes est l’une des vraies grandes libertés qui nous sont laissées. Je l’ai fait. Derrière la viande, peu à peu, les morceaux, hauts et bas, se sont reformés, comme dans les dessins animés de mon enfance, qui ignorent tout de la logique triviale de la vie ordinaire.

Derrière une côte de bœuf, j’ai fini par voir un bœuf. Derrière un gigot, un agneau. Derrière un jambon, un cochon. On peut parler d’un choc, immense et lent. L’histoire que je vais vous raconter n’est pas simple, et j’en suis le premier désolé. Elle peut d’autant plus paraître compliquée qu’elle l’est en réalité. Mais ce n’était pas une raison pour faire un livre pesant. Celui-ci ne devrait pas l’être. On y verra beaucoup d’hommes en action, prenant en notre nom des décisions plus ou moins réfléchies. Avec des conséquences majeures que la plupart ignorent.

Cela explique les tours, détours, ruses et contorsions d’une affaire profonde, qui nous concerne tous. Ce livre sur la viande commande du temps, et de la réflexion. Peut-être est-ce une mauvaise idée de le signaler d’entrée, à l’heure d’Internet et du zapping tous azimuts. Mais c’est ainsi. Au moins ne serez-vous pas trompé sur la marchandise. Il reste que cet ouvrage peut aussi se lire pour ce qu’il est : une formidable aventure aux conséquences inouïes. Où rien n’était inévitable. Où tout aurait dû être pesé. Ou tout aurait pu être contrebalancé. Une histoire pleine de bruit et de fureur, emplie jusqu’à déborder de qualités qui sont souvent de pénibles défauts.

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Laissez-vous porter par cette vague venue des temps les plus anciens, et posez-vous les bonnes questions, qui vous rendront fiers d’être des humains dignes du mot.

Comment des animaux aussi sacrés que le taureau Hap de la plus haute Antiquité sont-ils devenus des morceaux, des choses, des marchandises ?

Pourquoi des techniciens inventent-ils chaque jour, en notre nom, de nouvelles méthodes pour « fabriquer » de la « matière » à partir d’êtres vivants et sensibles ? Pourquoi leurs laboratoires sont-il aussi anonymes que secrets ? Pourquoi l’industrie de la bidoche est-elle dotée d’une puissance qui cloue le bec de ses rares critiques ? À la suite de quelle rupture mentale a-t-on accepté la barbarie de l’élevage industriel ? Pour quelle raison folle laisse-t-on la consommation effrénée de ce produit plein d’antibiotiques et d’hormones menacer la santé humaine, détruire les forêts tropicales, aggraver dans des proportions étonnantes la si grave crise climatique en cours ?

Qui est responsable ? Et y a-t-il des coupables ? La réponse n’a rien d’évident, mais elle existe, dans les deux cas. Ce livre vous convie à une plongée dont vous ne sortirez pas indemne. À la condition de le lire pour de vrai, vous ferez ensuite partie d’une tribu en expansion, mais qui demeure on ne peut plus minoritaire. La tribu de ceux qui savent. Et peut-être même rejoindrez-vous celle qui ne veut plus. A-t-on le droit de se révolter ? On en a en tout cas le devoir.

Je mange encore de la viande. De moins en moins, et désormais si peu que j’entrevois le moment où je cesserai peut-être de le faire. Je ne suis pas un exemple. Je suis exactement comme vous. J’espère en tout cas que nous nous ressemblons assez pour que le dialogue commence. Mais avant cela, il fallait vous faire découvrir le tumulte des relations que nous entretenons avec notre sainte bidoche. Si ce livre devait servir à quelque chose, il me plairait qu’il permette à ses lecteurs de se demander ce qu’ils mangent. Et pourquoi. Et comment.

bidoche

« Bidoche. L’industrie de la viande menace le monde ». Fabrice Nicolino, éditions Les Liens qui Libèrent (LLL). Parution le 30 septembre 2009.

15 commentaires sur “Bidoche: L’industrie de la viande menace le monde

  1. RANDOLET Michel

    Ce que j’espère,c’est de voir l’opinion publique française être moins servile devant des objets,des modes de « grande consommation »;mais avoir envie de bien manger,plutôt que vouloir simplement se remplir l’estomac et « ou blier »le but même de la nutrition:apporter à son corps,tout ce dont il a be soin,mais cela seulement,pour lui permettre de bien fonctionner et lutter contre les maladies sévissant par carence alimentaire.Voilà le but avoué de l’industrie agroalimentaire:remplir des estomacs facilement en faisant croire que l’essentiel est fait…Hélas,non seulement cette industrie ne pro duit que de la mauvaise qualité;mais,en plus,elle détruit la santé de ceux qui s’en satisfont par défaut…On a tellement bourré les crânes à dessein: les légumes,c’est pas bon!Alors,on mange de la conserve…

  2. RANDOLET Michel

    Adieu les vitamines et les minéraux, »lessivés » dans le conditionnement… Et puisqu’il faut produire pas cher et beaucoup,restons-en aux chaînes in dustrielles!Lorsque, un méchant virus ou une méchante bactérie sévit:aux grands maux les grands moyens!Jusqu’à il y a 20 ans,le Japon ne conso mmait quasiment pas de viande,hormis celle de poulet;et se « goinfrait » de poissons capturés dans les mers du monde entier,grâce à des techniques de pêche élaborées-qui ont participé à les vider de baleines,de thons et au tres crustacés-comme les radars,les lamparots(de nuit).Lorsqu’ils « décou vrirent,via la viande de boeuf argentine,américaine et même française, la « vache folle »après 15 ans de cette nouvelle mode alimentaire,ils sont reve nus à leurs bonnes vieilles coutumes alimentaires…!

  3. RANDOLET Michel

    Conclusion:pour éviter le « trafic » des productions agroalimentaires dans le Monde,appliquons un vieil adage:<>Et tous les paysans devraient bien vivre,comme aux temps anciens(en Chine par exemple);en pourvoyant les populations autochtones en qualité et en quantité:ça éviterait,au moins, la surproduction et l’écroûlement des prix de revient…Comme pour le lait en France et en Allemagne entre autres…

  4. Tommilidjeuns

    D’accord avec Nicolino.Sauf que je l’ai pas attendu pour me poser « les bonnes questions. »Il paraît que l’addiction à la viande (je connais plein de gens autour de moi qui ne sauraient s’en passer), libère des toxines qui favorisent l’agressivité; peut être que certains automobilistes feraient bien de devenir végétariens, on se sentirait plus en sécurité sur les routes.
    Moi perso, j’en mange pas plus d’une fois par semaine, et encore, si le poulet il est pas « bio » élévé en plein air j’en veux pas,je préfère me taper une bonne plâtrée de lentilles ou de haricots secs. Toute façons, le poisson il est blindé de mercure et les légumes et fruits du supermarché ils puent les pesticides, et le vrai bio çà n’existe pas sauf si tu fais pousser toi même…
    Après, on peut se demander où il veut en venir, Nicolino avec son article fort bien écrit au demeurant, mais ici c’est « carfree » et non pas « cowfree », mais si on cherche bien, des rapports il y en a.
    Mais c’est vrai qu’une bonne tranche de gigot de temps en temps…
    Bon ap’

  5. Lomoberet

    L’industrie de la viande menace les zanimaux !
    Les pôves bêêtes qui ne demandent qu’à recevoir de l’amour des gens qui les élèvent, sont massacrées, découpées, desossées, juste pour le plaisir gustatif de quelques (majoritaires) gugus qui n’ont encore rien compris !
    Et qui vous dit que les carottes ne souffrent pas quand on les arrache ?
    Ce soir au menu, sciure de bois et eau claire du robinet !

  6. silvio

    Pour ceux qui veulent arrêter la viande je conseille la cuisine indienne végétarienne. OK ça demande un peu d’adaptation en cuisine au début. Mais c’est délicieux; ça vous fait saliver mieux qu’un rôti qui cuit à la broche. De quoi faire oublier complétement qu’on a été carnivore…

  7. LGV

    Pour poursuivre sur l’Inde, ce pays ne pourrai techniquement pas être carnivore ! Pas assez d’espace ni d’eau. 1kg de viande de vache=250kg de céréales, 1kg de viande a besoin de 500m² de prairie, sur la même surface on produit 50kg de riz…

  8. RANDOLET Michel

    Ce qui mène l’élevage à sa perte,c’est l’élevage intensif…Notamment dans des bâtiments fermés,grâce à des « aliments » conditionnés,afin de produire de la viande dans les meilleurs délais.Là où ça a vraiment dérapé,lors de la « crise » de la « vache folle »,c’est d’avoir « recyclé » des carcasses de bêtes en farines,mélangées à des granulés de productions végétales…On a scie mment « contrefait » la nature!Quand on nourrit des vaches laitières avec du maïs à profusion,on sait parfaitement qu’à 5 ou 6 ans,elles auront une cyr rhose et qu’à terme,elles en mourront…Ce qui serait vraiment naturel,c’est de laisser la nature faire:laisser les troupeaux en pâture,comme ces bêtes d’Ecosse,de Mongolie,d’Amérique,qui ne connaissent que la nature.Les ra ces laitières ne devant alors être que moutons et chèvres…

  9. RANDOLET Michel

    Ce qui est particulièrement stupide,aujourd’hui,dans les régions de produc tion de maïs,de betteraves,c’est de ne plus avoir assez de chasseurs pour chasser les sangliers!Parlez-en aux producteurs de chataignes:une bonne moitié de la production y passe!Pourtant,à mon avis,ça doit coûter cher en perte de revenus!Sans parler des dégâts « collatéraux » aux voitures…Qu’en pense donc les « éleveurs » de moutons,qui se plaignent tant du loup?Il suf firait,d’un côté comme de l’autre,de résoudre le problème en embauchant des gardes-chasses à l’ONF,et le tour serait joué!Mais puisque les fonctio nnaires sont trop nombreux(à ce qu’il paraît…),alors,n’en parlons plus…Et pourtant,les campagnes se vident…Il y a là matière à débat,dans un pays où la campagne représente tant de « biodiversités »(en période de crise)…

  10. RANDOLET Michel

    Pour décourager les filières de production intensives,n’ayant qu’un but-l’ex portation(entendez:la consommation hors de la région de production)-il fau drait en venir à légiférer sur l’auto-suffisance alimentaire:que chaque région subvienne,autant que possible,à ses besoins alimentaires.Ou encore:que chaque producteur écoule sa production dans un rayon de 200km au plus. Il faudrait aussi que chaque canton soit doté de moyens lui permettant d’é valuer les besoins de sa population au plus près de la réalité,au moins en ce qui concerne les besoins les plus courants,essentiels:pourquoi faire ve nir de la viande,du lait de 1000km ou de pays se trouvant au-delà?En fait, pour « casser » les flux de production à bas coûts en production de pays é mergents,il faut y élever les salaires…Logique,non?

  11. Sekinger

    Moi je dis bravo. D’abord ton article est bien écrit, il donne envie de courir acheter le bouquin. Ensuite la cause est juste et le ton sonne juste aussi. Dans notre société, je le vois bien autour de moi quand on évoque le sujet, les gens ne savent pas faire un menu sans viande… c’est pas faute de se dire que ce serait bien, qu’on a vraiment remarqué qu’on passait la nuit à se retourner dans son lit si on se tapait une grosse bavette le soir au restau, mais bon les légumes ont si mauvaise presse surtout auprès des gamins…
    En te lisant je suis frappée par le lien entre les dernières maladies de cette décennie (vache folle, fièvre afteuse, grippe aviaire, grippe porcine et j’en passe) et la folie de l’élevage industriel… il y a de quoi frissonner pour de vrai, tout ceci est pure folie.
    Je fais passer.

  12. lechatz

    La viande de qualité cela existe mais rarement dans les grandes surfaces et son prix,chez les bons bouchers peut facilement passer du simple au double,les bons légumes existent aussi.
    Pour faire de bons plats il faut les deux,consommer de la viande à chaque
    repas n’est pas une obligation.
    Personnellement je n’ai pas vocation à être végétarien,je continuerais à faire de nombreux kilomètres à la recherche de la qualité.

  13. cheveux

    Ce sera une bonne idée de rester en forme et en santé. Être végétarien garde toujours vous en forme.

  14. stoppeur

    Pour éviter la surconsommation de bidoche,entre autre,mais aussi de légu mes,de fruits produits à bas coût,par exemple,il faudrait se « contenter » de ne produire que ce qui serait nécessaire à la population de chaque ville,lo calité quelle qu’elle soit:les produits seraient frais et le consommateur sau rait qui les a produits,comment;le producteur n’aurait pas à les « traiter »,les « conditionner »…Plus de camions frigo à courir les autoroutes 7j/7,de pollu tion…Mais,pour ceux qui pensent que la production de la bidoche menace le monde,imaginez les Mongols vivant dans les steppes où il est impossi ble de cultiver quoi que ce soit,en hiver notamment:ils mangeraient quoi,si non de la bidoche,des produits laitiers…?

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