Fantasmes politiques et tristes réalités à propos de la bagnole électrique

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Dans mon dernier billet je vous racontais la prévisible collision entre le souhait des scientifiques en termes de réduction drastique des émissions de CO2, les rodomontades des politiciens, et les pressions économiques (qui gagnent toujours à la fin).

Pour ne prendre qu’un seul exemple, Sarkozy s’érige côté pile en Grand Protecteur Mondial de l’Humanité, en Promoteur Français du Grenelle de L’Environnement, mais côté face, sous prétexte de relance et d’aménagement du territoire, continue à construire des autoroutes et perpétue le modèle du tout-routier…

Le résultat probable est que non seulement nous n’aurons pas 4 fois moins de CO2 en 2050, mais qu’au contraire nous en aurons 2 fois plus.

Notre Grand Visionnaire a décidé une fois pour toutes que le 21e siècle serait automobile ou ne serait pas. Entièrement dévoué à la mafia du nucléaire (ceux qui ont vu le reportage mardi soir sur Arte conviendront avec moi que c’est le terme le plus adapté), il veut promouvoir la voiture électrique, bien aidé en cela par les médias aux ordres qui en font des tonnes avec un manque de sens critique qui force le respect.

Il faut dire que le secteur automobile est probablement le premier pourvoyeur de pub, et que dans notre système décadent, c’est la pub qui fait vivre les journaux.

Il faut persuader le bon peuple qu’il n’y aura aucun problème, soyez rassurés chers électeurs automobilistes, votre omniprésident s’occupe de tout. Vous avez aujourd’hui une belle voiture à mazout, bon d’accord elle fume un peu noir du pot, mais demain vous aurez la même, version électrique. Pas de pot, pas de fumée. Sinon celle des centrales nucléaires, qui est de la vapeur d’eau. De gros pollueurs, vous deviendrez des bienfaiteurs de l’humanité.

Quand ? Oh bah, dès 2011-2012, un peu de patience, quoi !

Les délais annoncés ne seront évidemment pas tenus. En février dernier, Peugeot parlait de 2010 pour sa “308 hybride”. C’est désormais 2011… On dirait le gag de la voiture à air comprimé, qui n’a d’ailleurs même plus de date de commercialisation annoncée…

Dans un autre billet, je rapportais une étude qui disait que pour diverses raisons, et notamment le goulot d’étranglement de la production de lithium, moins de 1% des voitures fabriquées dans le monde d’ici à 2020 seraient électriques !

Une nouvelle étude enfonce le clou, avec une masse de 10 kg : en 2025, les voitures électriques représenteront environ 3.2% du marché. C’est-à-dire que sur 100 voitures vendues dans le monde en 2025, il n’y en aura que 3 d’électriques. Autant dire peau de zobi !

Bon, bien sûr j’en connais qui vont hurler, dire que la science va arranger tous les problèmes d’ici là, mais à y regarder de plus près, les arguments avancés sont tout à fait pertinents, et je pense sincèrement que c’est exactement ce qui va se passer.

Car le premier problème, c’est bien le marketing. Qui ira volontairement acheter une voiture plus chère, moins rapide, avec une autonomie ridicule, et qui entraîne des problèmes pratiques considérables par rapport aux voitures actuelles ?

Corollaire : pourquoi les constructeurs iraient-ils gaspiller des montagnes d’argent (alors qu’ils sont censés être en grande difficulté financière et sous perfusion étatique) pour industrialiser des bagnoles qui ne se vendront pas ? Et que la hausse inéluctable du prix du pétrole va les prendre en tenaille ?

Bien sûr, Sarkozy a l’intention d’augmenter le débit de la perfusion. On parle de 5000 euros par bagnole ! C’est hallucinant !

Il devra aussi dépenser des fortunes pour les infrastructures. C’est bien beau une voiture électrique, mais où la recharger ? Et comment faire payer ceux qui rechargent hors de chez eux ?

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L’argument “oui, la plupart des gens ne font que quelques km par jour” ne tient pas la route. Si c’était le cas, il n’y aurait que des Smart sur les routes ! Or j’ai beau scruter, je vois surtout des monospaces à mazout !

Le cœur du problème, c’est toujours la batterie (je cite les données de l’article “Dès demain, l’atomobile” de Jean-Luc Porquet dans le Canard Enchaîné de cette semaine). Hors de prix  (12000 euros, et même louée 100 euros par mois, c’est une fortune pour un “petit rouleur”), autonomie inférieure à 200 km (les chiffres fournis par les publicitaires sont fantaisistes, et sont à revoir à la baisse en conditions normales, comme par exemple l’hiver lorrain, quand le froid fera perdre la moitié de la capacité, et qu’il faudra en même temps chauffer l’habitacle…), temps de recharge inacceptable (plusieurs heures), durée de vie limitée (2 ans), risques d’explosion. A ce sujet, Bolloré, un connaisseur, déclare qu’une batterie sur 5000 prendra feu…

Bon, en même temps il n’est pas très objectif puisqu’il veut fourguer sa propre technologie de batterie sèche, qu’il va faire fabriquer en Bretagne (1000 contre 1 que dans 10 ans toutes les batteries seront fabriquées en Chine) et qui seraient disponibles dès 2010. Néanmoins, quand on voit le buzz que déclenche la surchauffe d’une batterie d’Iphone, on imagine fort bien la première explosion d’une voiture électrique…

Quand on sait qu’une partie des bagnoles servent à traverser la France pour les vacances ou les réunions familiales… Il n’y a qu’à regarder les millions de monospaces à mazout à la queue leu-leu pendant les week-ends estivaux pour comprendre le hiatus…

Certains sont pleins de bon sens, et disent qu’il n’y a pas besoin de recharger la batterie, il suffit de l’échanger dans une station-service… Hum… Sachant qu’il risque d’y avoir autant de types de batteries que de voitures, et que l’opération n’aura sans doute rien à voir avec le changement des piles d’une lampe de poche et nécessitera outillage et mécano, il y en a qui rêvent. D’autant qu’au vu du prix des batteries, je doute que l’on laisse les gens jouer avec comme ça…

On m’objectera que les batteries vont  faire des progrès… Oui, sans doute. Mais mon premier téléphone portable, il y a 10 ans, tenait 3 jours sans recharge. Celui d’aujourd’hui a du mal à tenir la journée… Et les voitures actuelles, quoi qu’en disent les publicitaires, ne consomment pas significativement moins que celles d’il y a 30 ans…

Je me souviens vaguement d’une pub des années 70, qui anticipait les formidables avancées technologiques de l’an 2000. Un type appuyait sur un bouton et se trouvait téléporté, je suppose jusqu’à son lieu de travail. Bon, en 1975 on n’imaginait sans doute pas les téléphones portables, internet et leur place dans notre vie, mais pour les déplacements, force est de constater que pas grand chose n’a changé. La téléportation se fait attendre…

Sarkozy et Lauvergeon voudraient ainsi imprimer dans nos cerveaux l’image d’un monde avec moins de CO2, des éoliennes et des voitures électriques. Ils ont tout faux : en 2025, il y aura, “croissance” oblige, beaucoup plus de CO2 dans l’atmosphère, le nucléaire continuera à produire la plus grande partie de l’électricité française, le charbon continuera à être la première source d’électricité dans le monde, et la bagnole restera ultramajoritairement à mazout (ou à biocarburant, ou à charbon liquéfié, deux catastrophes).

L’avenir s’annonce passionnant.

4 commentaires sur “Fantasmes politiques et tristes réalités à propos de la bagnole électrique

  1. john

    Pour ma part, la meilleure solution réside dans la voiture électrique avec appoint thermique pour augmenter l’autonomie des batteries.

    Il y a la Volt et l’Ampera…mais bon, quand on a vu la vie de l’EV1, qui a fini à la casse !!!

    Ce qu’il faudrait c’est un gouvernement mondial qui oblige chaque constructeur automobile à sortir un véhicule électrique ou hybrid ou alors d’obliger de sortir un véhicule qui émette moins de 40g de CO2.

  2. Jacques-

    « Dans ce billet, je rapportais une étude qui disait que pour diverses raisons, et notamment le goulot d’étranglement de la production de lithium, moins de 1% des voitures fabriquées dans le monde d’ici à 2020 seraient électriques !

    Une nouvelle étude enfonce le clou, avec une masse de 10 kg : en 2025, les voitures électriques représenteront environ 3.2% du marché. C’est-à-dire que sur 100 voitures vendues dans le monde en 2025, il n’y en aura que 3 d’électriques. Autant dire peau de zobi ! »

    Dans l’état actuel des choses c’est peut être vrai et alors il ne faut pas s’inquiéter du « lobby nucléaire ».

    Sauf qu’en 2025 ( et à mon avis bien avant) la tension sur le pétrole sera telle que l’état actuel des choses aura bien changé

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