Coups de canifs en vue dans les dessertes en TGV ; ou « pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer »

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Le journal Les Echos a annoncé hier l’intention qu’a la SNCF de tailler dans certaines lignes de TGV suite à une dégradation des résultats. Même si la SNCF a ensuite mollement démenti l’info, suivie en cela par le Secrétaire d’Etat aux Transports, il est clair qu’il y a de l’eau dans le gaz.

Les lignes visées par les ajustements seraient les TGV dits « intersecteurs », c’est-à-dire ceux qui n’ont pas Paris comme origine ou comme destination, en particulier ceux qui ont des villes comme Strasbourg ou Rouen comme origine ou destination. Serait également affectée la liaison Paris – Arras, qui est dans le collimateur depuis plusieurs années.

Alors, deux ou trois choses à ce sujet. La première est que malgré la critique que je peux faire contre le système TGV, je suis contre ces suppressions de dessertes : à partir du moment où l’argent public a financé au prix fort les lignes à grande vitesse, ne pas les exploiter jusqu’au bout de leurs possibilités est un non-sens économique et social.

D’ailleurs, je doute fortement que de telles suppressions arrangent les comptes de la SNCF. Le transport ferroviaire étant une activité à forts coûts fixes, supprimer les « branches mortes », ne résout en général pas le problème économique, comme on le voit dans le fret, où la perte d’un tiers du trafic en moins de dix ans n’a fait que multiplier le déficit.

Plus profondément, je crois que la SNCF est prise à son propre piège. Depuis trente ans, elle a tout fait pour assurer le succès du TGV, quitte à assécher le marché des trains Corail, et au fond, à organiser le déclin du réseau classique. Le tout sur fond de communication pas toujours dénuée d’arrogance, sur les succès de son merveilleux TGV. Mais aujourd’hui, même le fleuron national connaît des ratés : un jeu perdant – perdant ?

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Toutes les raisons qu’invoque la SNCF pour expliquer les déboires actuels du TGV étaient prévisibles depuis longtemps. Les péages à RFF augmentent ? Mais les stratèges maison pouvaient deviner qu’à défaut de prise en charge (hautement improbable) de la dette ferroviaire par l’Etat, celui-ci augmenterait les péages payés à RFF pour que celui-ci se finance. La crise économique ? La SNCF savait très bien que le TGV est un produit au marché étroit, sensible à la conjoncture économique, comme le transport aérien qu’il s’efforce de singer (cf à ce sujet la faillite de Japan Airlines). L’arrivée de la concurrence ? L’échéancier existe depuis une bonne dizaine d’années maintenant ; tout le monde savait que les concurrents viendraient un jour ou l’autre écrémer les lignes les plus rentables.

Entre-temps, il est impossible à la SNCF de se reporter sur des trains classiques moins prestigieux mais moins sensibles à la crise, puisqu’elle a tout fait pour abandonner progressivement le créneau des trains Corail par exemple. La SNCF va payer l’imbécillité de ses dirigeants, leur mépris pour les trains traditionnels. Autrement dit, il n’y a pas de plan B !

Il semblerait que le merveilleux TGV, censé avoir sauvé la SNCF, est aujourd’hui en train de la couler. Le sous-titre de mon livre est « Pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer ». Maintenant, tout le monde commence à le constater.

Vincent Doumayrou,
Auteur de La Fracture Ferroviaire,
Pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer,
Préface de Georges Ribeill.
Editions de l’Atelier, Paris.

2 commentaires sur “Coups de canifs en vue dans les dessertes en TGV ; ou « pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer »

  1. Lomoberet

    Voici bien longtemps que la SNCF a commencé son travail de sabordage du service public en détruisant les réseaux de desserte locale : voies fermées (pas rentables) ; gares détruites (trop vétustes) ; rails et traverses arrachées (inutiles) ; ballast enlevé (quel prétexte trouver ?) ; ouvrages d’art démolis (gênent le trafic des jolies voitures et des gentils camions).
    Les pécores se sont payé des 4 x 4, des camionnettes, les gamins s’empilent dans des bus qui vont tamponner les camions et les anciens font appel à la famille pour les déplacer en voiture. Le tour est joué !
    La SNCF réduit les trains grande ligne (au tarif trop peu élevé) pour drainer les « cochons de payant » sur les TGV avec passage à Paris (ça rallonge les trajets, mais ça permet de faire raquer un max aux malheureux qui croient qu’il n’y a pas d’alternative)
    Les Renseignements ignorent de manière récurrente les lignes régionales pour rabattre les voyageurs sur le réseau TGV et faire payer le tarif fort à tous les voyageurs naïfs !
    Résultat : la voiture est plus économique que le train et la SNCF s’est auto sabordée tout en hypothéquant les possibilités de déplacement du futur sans automobile.

    Comment se renseigner sur les déplacement en train et en France : le site de la Deutsche Bahn en français :

    http://reiseauskunft.bahn.de/bin/query.exe/fn?ld=212.136&seqnr=2&ident=85.024767136.1250630372&rt=1&rememberSortType=minDeparture&REQ0HafasScrollDir=2

    trouve les correspondances et donne tous les renseignement utiles que la SNCF préfère vous cacher !

  2. Alain

    J’utilise le train tous les jours (TER): nombreux retards de plus en plus récurrents même si ça peut encore aller mais la tendance est là.
    La SNCF veut supprimer des corail (pas rentables), des TER (pas rentables), des TGV (pas rentables). Bientôt, à force de suppression, il n’y aura plus rien. Et ça finira par:
    « Merde, on ne gagne pas d’argent. Ah oui, c’est vrai!! Notre métier, c’était de faire rouler des trains mais y’en a plus un sur les rails… »

    L’année dernière, j’ai essayé de préparer un voyage en vélo jusqu’au bord de mer en Bretagne en prenant le train. Une journée passée devant le clavier et l’écran et un résultat catastrophe. Un vrai parcours du combattant parce que cela traversait 3 régions, des tas d’horaires, des tas d’attente entre 2 trains, des tas d’aléas. J’ai abandonné. Je suis resté chez moi.

    La SNCF se coule elle-même. Gérée par des tocards qui ne pensent qu’au fric en se prenant pour des grands stratèges de l’industrie, finalement, la SNCF est comme le pays dans sa globalité: Ca s’enfonce…

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