Évènements suspects au bois de Monjoyeux

monjoyeux

Décryptage d’un texte de « greenwashing » dans l’organe de propagande municipal de la ville de Tours. Dans la série « Urbanisme et Totalitarisme ». A propos du cas Tourangeaux…

Il a dû se passer quelque chose de significatif au bois de Monjoyeux…

Me dispensant de lire la presse locale, délibérément débile de la « Nouvelle République », je suis quand même informé des événements importants et des résistances à l’entreprise sécuritaire, survenant dans l’agglomération Tourangelle.

Comme tous les contribuables, je reçois « gratuitement » l’organe de propagande municipal. Il est distribué avec l’épaisse liasse de publicité des centaines de supermarchés qui peuplent maintenant ostensiblement l’agglomération Tourangelle. Le PPP (1) rénové commence avec la distribution de la propagande, puisque le journal municipal sert justement d’emballage de rangement pour l’ensemble des prospectus publicitaires…

Il a dû se passer quelque chose d’important dans le bois de Monjoyeux. On peut le deviner facilement d’après le long article qui lui est consacré dans le numéro de février. Sur une page entière le journaliste en charge de ce dossier « sécurisation des consciences», tente de rassurer la population des « bonnes intentions » écologiques de la municipalité.

Conformément à sa politique de privatisation de l’espace public, l’état major municipal a envoyé dans ce bois l’armada des engins de chantier. Une série d’abattages d’arbres a posé les jalons d’une future occupation « durable » de cet espace naturel, situé en plein centre de l’agglomération Tourangelle. La population non préalablement « sécurisée » n’a pas été en mesure de percevoir, dans ces grandes manœuvres motorisées, les « bonnes intentions » écologiques de l’état major municipal. Apparemment, des habitants se sont émus devant la chute d’arbres centenaires. Ils ont exprimé leur incompréhension et certains sont allés jusqu’à protester sur la place publique.

Ce qui, pour l’état major municipal, aurait dû être qu’une opération de routine de « nettoyage écologique » est devenu un évènement politique, obligeant l’intervention de l’organe de propagande municipal pour rétablir le calme dans la population… Deux ans plus tôt, il faut le rappeler, sans prévenir en juillet 2008, l’état major avait déjà envoyé dans ce bois les engins de chantier pour abattre des arbres sains dans la « fleur de l’âge » (2)

L’article comporte trois parties : rétablir l’ordre dans les consciences, expliquer les « bonnes intentions environnementales » de l’état major et réaffirmer en langage écologique la volonté inébranlable de privatisation sécuritaire de l’espace public.

Enfermement psychiatrique d’office pour la population

Pour rétablir l’ordre logique des choses, manifestement le journaliste a pris des risques calculés. Il a fait un effort intellectuel. Comment expliquer l’émotion, l’incompréhension et la protestation de certains éléments de la population ?

Un film à grand succès, âge mental 7-8 ans, a « tourné la tête » aux habitants : « Avatar ». C’est ainsi que le journaliste traite et enferme les habitants qui se sont manifestés. Voici ses propos : « Sans explication, assister à l’abattage d’un arbre centenaire est souvent source d’interrogation, voire de colère. Qui plus est, un promeneur sortant du gros succès cinématographique du moment, Avatar, pourrait imaginer qu’à Monjoyeux une planète verte est sur le point d’être détruite par de vilains humains… » (3) Avec ce commentaire, on est largement sorti des limites du « politiquement correct ». Mais comme c’est pour la bonne cause écologique réfléchie en bureau d’étude; le journaliste s’est offert le luxe d’étaler sa culture cinématographique et s’est permis d’enfermer dans l’ordre psychiatrique une protestation populaire contre un énième massacre à la tronçonneuse.

Après avoir balayé d’un revers de phrase et avoir enfermé les habitants dans l’immaturité intellectuelle, le journaliste donne la parole au service technique des arbres de la ville, et là le lyrisme dans la débilité atteint son paroxysme. On explique que le « poumon vert » de la ville a besoin, pour « respirer », des engins de chantier, ce « qui implique l’abattage d’arbres », « mais d’arbres morts » insiste la spécialiste… Lorsque l’on connaît justement l’importance de la préservation des vieux arbres et des arbres morts pour la biodiversité (4) ; on mesure le niveau d’incompétence ou de malhonnêteté intellectuelle des services en charge de « faire respirer le poumon vert de la ville » avec des engins de chantier

Lapsus révélateur ou Prévision de Nostradamus

Le titre de l’article comporte une information de durée hautement suspecte.

« Des travaux forestiers pour les 180 ans à venir ». Cela veut dire en bon français que pendant 180 ans il y aura des travaux forestiers dans ce bois. Y aurait-il à ce point autant d’arbres morts dans ce petit bois de 13 hectares pour imposer un chantier pendant 180 ans ?

Bien sûr, on peut faire l’effort de comprendre que le journaliste a voulu dire : « les travaux sont fait aujourd’hui pour assurer l’avenir de ce bois. Mais 180 ans comportent une trop grande précision, hautement suspecte en matière de « gestion forestière ».

Aucun scientifique ou écologue ne s’autoriserait une telle précision, trois chiffres significatifs (5) pour une « gestion forestière », c’est invraisemblable. En ordre de grandeur, 180 est environ égal à 200. Pour une gestion forestière, un chiffre significatif aurait largement suffi : Le titre aurait été plus juste ainsi « Des travaux forestiers aujourd’hui pour 2 siècles à venir »

Mais même avec cette correction par l’imprécision nécessaire une telle projection dans l’avenir reste encore totalement incompréhensible. Dans la conjoncture actuelle de crise de l’énergie ; y aura-t-il encore suffisamment de carburants, en l’an 2190, pour alimenter les engin de chantier et « faire respirer le poumon vert de la ville » comme veulent le faire comprendre les spécialistes des espaces verts de la ville? A l’échelle humaine, on se serait bien contenté d’une prévision jusqu’à la fin du siècle, en 2100, ce qui représente, quand même, plusieurs « générations futures »

D’où viennent donc ces 180 ans avec leur précision suspecte ?

Si Nostradamus n’est pas employé au service technique des arbres de la ville, ces 180 ans ne peuvent être que le résultat d’un calcul qui tombe juste. Par exemple une multiplication : neuf fois vingt égale cent quatre vingt, mais d’autres calculs, faisant intervenir plusieurs opérations élémentaires et tombant juste sur 180 sont possibles…

Le plan d’action, « Chantier. Interdit au Public »

Après son faux pas au bois Grandmont (6), où la population, les universitaires et les associations naturalistes se sont mobilisés pour arrêter à temps un massacre à la tronçonneuse dans ce bois classé ; l’état major municipal s’est donné les moyens d’un greenwashing soigné et systématique pour maquiller ses opérations de privatisation sécuritaire de l’espace public.

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Treize hectares de bois à conquérir, à «sécuriser » et à « embellir » en petites fournées « pour les promeneurs ». Un grand projet délicat en perspective, comment présenter ça sous un jour écologique ?

Rien n’indique dans cet article qu’un plan d’urbanisation a été arrêté pour ce bois. Même si cela est conforme au projet d’hyper-urbanisme de la ville, il est difficile d’en faire l’hypothèse tant le plan d’action est complexe.

Les négociations avec les associations « environnementalistes » ont dû être serrées.

La menace de « coupe à blanc » a été prononcée, la municipalité propriétaire du bois a d’emblée annoncé la couleur. Les associations environnementalistes consultées, devant l’ultimatum, pour sauver le bois, ont dû accepter sa destruction selon un échéancier « d’embellissement respiratoire» d’un hectare en moyenne tous les 20 ans. Comme le dit l’article « pour faire respirer le poumon vert », il faut « la création de puits de lumière », de clairières, de surfaces déboisées. Sur les 13 hectares de ce bois, 11 seront livrés aux manœuvres régulières des engins de chantier, pour 180 ans selon les calculs. « Sécurité », lutte contre la « dangerosité » intrinsèque des arbres et « esthétique respiratoire » sont les maîtres mots de l’article.

En échange, les associations obtiennent un lot de consolation de deux hectares. Le spécialiste des arbres parle à son sujet «d’un îlot de vieillissement pour la biodiversité ». « Deux hectares, clôturés et « interdits au public », totalement « sauvages », sur la partie faiblement pentue qui surplombe la route de Saint-Avertin » c’est-à-dire inutilisable pour une éventuelle utilisation urbanistique. On ne comprend pas pourquoi, ce raisonnement n’est pas valable pour une plus grande partie du bois. Seulement deux hectares pour la biodiversité, le reste pour les engins de chantier…

Ainsi, d’une manière ou d’une autre l’ensemble du bois est « bouclé ». Le piétinement des promeneurs est déclaré nuisible à la biodiversité, mais les allées et venues régulières des engins de chantiers pendant 180 ans, sont validées dans le cadre d’une « modernisation écologique » de ce bois.

« Chantier interdit au public ! » Les habitants du quartier dont certains s’étaient révoltés en 2008 contre l’abattage d’arbres sains, vont être progressivement accoutumés à voir évoluer régulièrement les engins de chantier dans ce bois. Et, comme le dit de manière délibérément débile la « Nouvelle République » (7) ils vont régulièrement entendre en provenance de ce bois « le chant des tronçonneuses ».

« Rien d’anormal donc ! », au lieu d’entendre le chant des merles, des mésanges des pics et des sittelles, en provenance de ce bois ce seront les 100 décibels des tronçonneuses qui régulièrement retentiront…

« Rien d’inquiétant donc ! » Ce sont les engins de chantier qui sont venus faire « respirer » et « embellir » le « poumon vert » de la ville.

Progressivement, avec ces manœuvres « respiratoires » itératives, par abattage des « vieux » (8) arbres, un nouveau paysage va apparaître en lieu et place de ce Bois de Monjoyeux. Une population d’arbres « jeunes » et de jeunes pousses va se substituer aux sujets « âgés » ou dans la « fleur de l’âge ». Associés aux « puits de lumière » « respiratoire et esthétique », le bois va perdre sa continuité et se retrouver progressivement fragmenté en damier.

Rien n’indique dans cet article qu’un plan d’urbanisation n’a été arrêté dans ce bois et il est difficile aussi d’en faire l’hypothèse tant le plan d’action est complexe…

Simplement, une accoutumance progressive aux engins de chantier et au « chant des tronçonneuses » est, dans un premier temps, programmée, pour « sécuriser » la population alentours. « Biodiversité, interdit au public ! » « Chantier interdit au public ! », le bois est bouclé…

L’article ne précise pas, non plus, si dans ce bois, comme dans d’autres secteurs boisés de la ville, l’abattage des arbres est fait aussi en vue de l’installation de caméras de vidéosurveillance; pour sécuriser la biodiversité, bien sûr…

Après vérification sur place, on peut comprendre les craintes exprimées par les habitants du Quartier de Monjoyeux. Elles ne relèvent pas de la psychiatrie…

Le contraste entre la zone du bois livrée aux engins de chantier et « l’ilot de vieillissement pour la biodiversité » est saisissant, dans la perspective d’un projet immobilier. Les deux hectares de « l’ilot pour la biodiversité » sont manifestement inutilisables pour la construction. Les onze autres hectares, confiés aux « soins » des engins de déboisement, constituent un vaste plateau, un terrain tout à fait « favorable » à de « bonnes » et « fructueuses » opérations de spéculations immobilières sur le coteau sud de la Loire. Des dizaines d’arbres, jeunes et parfaitement sains, ont déjà été abattus, indéniablement, en toute objectivité, des travaux de déboisement ont bien commencé…

Tours Mars 2010
JMS

(1) Partenariat Public Privé
(2) http://pressibus.free.fr/blogcvl/arbres.html#Montjoyeux « Mobilisation des habitants de Monjoyeux
(3) Tours info février 2010 n° 116 Page 12 « développement durable »
http://www.tours.fr/UserFiles/File/Telechargement/BMI_116_WEB.pdf
(4) Le lecteur qui veut se faire une opinion personnelle sur ce sujet, peut entreprendre une recherche sur internet à partir des mots clés « Conservation des vieux arbres et bois morts ». Ci après deux références sur le sujet
Conservation des bois morts et des vieux arbres
Bois mort – Wikipédia
(5) Chiffre significatif – Wikipédia
(6) Bois de Grandmont, abattage d’arbres – Blog CVL Tours Est 17/6/2009
(7) La Nouvelle République le 21 janvier 2010 voir l’article dans
http://pressibus.free.fr/blogcvl/arbres.html#Regen « Régénération au bois de Grandmont »
(8) La notion de « vieux arbre » est toute relative, un siècle pour un chêne s’est encore la « fleur de l’âge », mais en matière de gestion forestière actuelle c’est déjà un âge dépassé pour la « récolte ».

3 commentaires sur “Évènements suspects au bois de Monjoyeux

  1. Legeographe

    Rien à redire à cet article, ce n’est qu’un symptôme de la grande maladie de notre système. Symptôme que l’on est habitué à voir et entendre (telle une toux rauque) de plus en plus.

  2. Brin

    je m’interroge encore une fois sur la régénération des bois qui juxte celui de Monjoyeux c’est celui de Grandmont. Il se décide d’éclaircir pour régénérer le bois. Je veux bien sur quelques endroits peu piétinés, mais là, nous allons entendre les tronçonneuses si ça se fait ! Pour régénérer il faut quelques éclaircies, mais côtés fréquentés (université et logements universitaires), je ne comprends pas pourquoi il y en a autant de martelé(arbres dangereux, malades…ok pour la sécurité) pas pour la régénération car c’est piétinée ! donc pas de repoussent de semis. D’autre part, ils vont encore accentuer l’effet du ruissellement de l’eau de pluie d’où l’appauvrissement des sols et donc la mort de la faune et de la flore!
    Aussi c’est un bois classé, et des espèces animales et végétales sont protégées au niveau III. Que faire ? C’est pour cela que je me tourne vers vous pour éclaircir le sujet.
    Merci de me répondre rappidement. A Bientôt.

  3. jms

    Le bois est classé, mais la municipalité peut le déclasser.
    L’année precedente, en toute illégalité la municipalité a tenté de percer un large tranché dans ce bois pour la future 2e ligne de tramway.
    Les universitaires se sont mobilisés pour arrêter le massacre.
    Je sais que le laboratoire de physiologie végétale faculté de Tours a fait un
    inventaire des espèces (flore et faune) de la forêt de Grammont.
    Si vous êtes du quartier pour pouvez vous renseigner au près d’eux, il doivent suivre les choses de près depuis le mois de juin 2009.

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