Prendre BP à la gorge (et serrer)

Baptiste est un adepte du boycott. Un adepte très convaincant, un adepte si convaincant qu’il m’a convaincu que cette forme d’action peut être une arme fatale, à condition de bien s’en servir. Mais qui veut s’en servir ? Je suis stupéfait, et le mot est encore faible, par notre total(e) inertie. BP, la transnationale BP a créé un site internet pour parler de la merde qu’elle a répandue sur le monde. Allez-y voir, il y a des pages en français (ici). Foutage de gueule garanti par le bénéfice net du second semestre 2009 de BP, soit 4,39 milliards de dollars. Dernier message, daté d’hier seulement : « Comment signaler un littoral pollué ? Veuillez contacter le numéro vert suivant (866) 448-5816 ».

Vous avez par ailleurs entendu parler du discours d’Obama à la nation américaine, prononcé depuis le bureau ovale de la Maison Blanche. Je n’insiste pas, cela tournerait à l’insulte contre un chef d’État. Après avoir parlé il y a un couple de jours de « 11 septembre écologique », le président a résumé avec force et détermination sa complète impuissance. Blablabli, blablablo. 17 000 gardes nationaux – avec des pelles et des râteaux dans les bayous ? -, BP paiera, il faut des énergies propres. Pauvre grand garçon perdu dans l’immensité.

Évidemment, il y a autre chose à faire. Et c’est même très simple. Il faut organiser un boycott mondial et définitif contre tous les produits liés à BP. De la sorte, et à supposer que cela marche, cette entreprise criminelle – on sait qu’elle n’a tenu aucun compte des avertissements annonçant la catastrophe – serait cassée en deux. Comme ces tankers échoués sur les plages d’ici et d’ailleurs. Cassée en deux, comme le Torrey Canyon, l’Amoco Cadiz, l’Exxon Valdez. Cassée, c’est-à-dire détruite à la racine, dispersée aux quatre vents mauvais qu’elle n’a cessé de faire souffler sur ses propres braises.

Cassée. Ce n’est pas que BP serait pire que Total ou Shell. Elles sont toutes identiques. Elles se valent, de la Birmanie aux truandages irakiens du programme « pétrole contre nourriture », en passant par la tragédie biblique du delta du Niger. Bien entendu, ces salauds sont des salauds ontologiques. Et c’est bien pourquoi il faut, il faudrait briser en deux BP. Ainsi, ainsi seulement les autres comprendraient ce qu’il y a à comprendre. Que nous ne voulons plus. Que nous préférons de très loin leur mort à celle d’un oiseau. Alors peut-être commenceraient-ils à faire attention. À ne plus affréter sous pavillon dissimulé des pétroliers en bout de course. À ne plus ruiner des peuples. À ne plus dévaster des espaces. À ne plus corrompre les satrapes, sans lesquels leur commerce mortuaire s’arrêterait dans les sables.

Lire aussi :  Le gros méchant pollueur, c’est vous !

Mais j’écris cela sans y croire une seconde. Car ma vérité est bien plus directe. Il faut les détruire tous, sans transiger jamais. D’autant qu’à mesure que le pétrole deviendra plus rare, leur compétition deviendra plus folle. Leurs moyens de gangsters se changeront en méthodes d’assassins, et nous auront fatalement d’autres explosions de plate-formes, d’autres marées noires géantes, d’autres pollutions sans rivage. Non, la seule manière d’en sortir, c’est de les abattre. Et de proclamer un service universel de l’énergie, capable de réguler l’offre équitablement, en fonction de l’évolution de la crise écologique.

Ces beaux esprits qui écrivent tant de tribunes creuses dans les gazettes, les mêmes qu’on entend à la radio, les mêmes qu’on voit à la télévision, n’ont plus que le mot – atroce – de « gouvernance » au bout de la plume. Ils y ajoutent désormais l’adjectif « mondiale », comme pour montrer à quel point ils réfléchissent. « Gouvernance mondiale » toi-même ! Passons aux actes, et laissons de côté les mots dérisoires des bateleurs. Bâtissons une autorité supérieure se substituant à ces compagnies pétrolières qui préparent déjà leur reconversion dans ces « énergies propres » chères au cœur d’Obama. Utopique, impossible, délirant ? Bien moins que les misérables croyances des puissants du jour. Ces derniers ne pensent-ils pas que leur monde malade, perpétuellement au bord de l’explosion finale, épuisé comme le serait un roquentin de 120 ans, a encore tout l’avenir devant lui ?

Ce n’est pas parce que le rêve semble hors de portée qu’il faut lui préférer la réalité. C’est parce que la réalité est impossible qu’il faut la changer. Je résume. Je me résume. Et j’ajoute pour faire le compte cette question très embêtante : pourquoi ne se passe-t-il rien ? Pourquoi les Hulot et Arthus-Bertrand ne disent-ils pas un mot ? Pourquoi des structures mondiales comme le WWF ou Greenpeace n’ont-elles pas encore lancé le mot d’ordre de boycott de BP ? Pourquoi Yves Cochet, ancien ministre et analyste de la crise du pétrole, est-il aux abonnés absents ? Pourquoi sommes-nous, collectivement, si lâches et timorés, si soumis, si prévisibles ? Pourquoi cette perpétuelle et cumulative soumission à l’autorité des médias et des responsables de tout niveau ?

Source: http://fabrice-nicolino.com/

12 commentaires sur “Prendre BP à la gorge (et serrer)

  1. Minou

    […]Que nous préférons de très loin leur mort à celle d’un oiseau.[…]
    […]Il faut les détruire tous, sans transiger jamais.[…]

    Fabrice, je sens que tu vas t’attirer les foudres des relativistes, mais merci. Merci de l’avoir dit. Cela ne saurait plus tarder.

  2. joshuadu34

    Ces salopards ne vont pas devenir immondes, ils le sont déjà ! Comme tu le dis, de par l’exploitation des sols et des peuples vivant sur ces sols, de par leurs discours applaudissant le réchauffement climatique qui va leur « ouvrir la possibilité d’exploiter la mer de Bering », de par leurs paris boursiers speculant sur 5 fois plus de pétrole que ce qui est réellement produit, de par leur lobbying forcené, de par tout ce qu’ils font et ce qu’ils représentent !

    Comme tous les salopards qui font le monde actuel, ils ressemblent à ces enfants ayant découvert le pouvoir des allumettes et mettant le feu à tout ce qu’ils croisent, poudrière comprise… Même si nous savons tous que nous sommes tous dans cette poudrière sans possibilité d’en sortir !

    Piquons leur leurs boites d’allumettes et foutons, nous aussi, le feu, mais en choisissant nos cibles ! Et comme le disaient les bérus, VIVE LE FEU !

  3. Hervé Rolland

    Bien d’accord pour boycotter les produitds BP, mais quels sont-ils ? A ma connaissance il n’y a pas de stations BP en france, pas dans ma région toutefois.

    Merci.

  4. Christophe N

    Puisqu’un Shell ou Total ne vaut pas mieux qu’un BP, il faut les boycotter tous, donc boycotter les énergies fossiles, donc notre batiment, notre transport, notre pouvoir d’achat made in china, notre agriculture de masse mondialisée… bref, il faut décroitre.

    D’après mon bilan carbone (donc d’énergie made in BP et consorts) :
    1. Ne pas prendre l’avion
    2. Isoler sa maison
    3. Arrêter la voiture
    4. Manger peu de viande et que des produits locaux de saison

    Les gestes verts dont on nous parle à la TV, vous pouvez les faire pour rigoler mais pas pour la conscience.

  5. vesania

    « Un végétalien qui roule en 4×4 occasionne moins de dégâts à la planète qu’un mangeur de viande qui roule à vélo ! » À bons entendeurs… Ce n’est pas manger peu de viande qu’il faut, car ça n’a pas de sens, chacun considère que son steak quotidien, c’est peu de viande. Il faut cesser d’en manger, ou se repaître des cadavres laissés, nombreux, le long des routes par l’amie bagnole (la mie bagnole aussi). Itou pour les produits laitiers : à bannir ! Tous ces trucs sont mauvais pour la planète, pour les animaux (dont nous sommes), pour l’économie ! etc.

    Mais ce n’est pas ce que je voulais dire, j’ai digressé à cause du message de Christophe, désolée de m’être écartée du sujet.

    Je lis ce sondage à l’instant :

    « Etes vous préoccupé par la marée noire aux USA ?

    61 % Pas du tout

    20 % Un peu

    19 % Beaucoup »

    J’ai envie de lancer un autre sondage en conséquence :

    Êtes-vous préoccupé par les résultats du sondage précédent ?
    100 % Énormément !

    61 % s’en contrefoutent, eh oui, tant que sa petite bagnole particulière n’est pas égratignée, la vie est belle en France.

  6. Minou

    « 61 % s’en contrefoutent, eh oui, tant que sa petite bagnole particulière n’est pas égratignée, la vie est belle en France. »

    C’est la démocratie. Une masse de cons. Une élite de cons.
    C’est foutu maintenant. Plus de retour en arrière possible. Le capitalisme tirera jusqu’à la dernière goutte du sang et de l’âme du monde.
    La doctrine chrétienne a conquis le monde en faisant croire aux esclaves qu’ils seraient libres. Mensonge. Maudit monothéisme, maudit dieu prétentieux au point de se croire unique, et de vouloir qu’on ne croit qu’en lui seul ! Seul le monothéisme est capable d’une telle prétention. À quelle fin ?

    Premiers signes flagrants de l’horreur capitaliste ? Le massacre des civilisations amérindiennes dès le XVe siècle. Sous prétexte de conversion à la « vraie foi » ? Mensonge ! Pour des putains d’épices ! Pour de l’or ! Vulgaire ! Rien de culturel. Terre à terre. Vulgaire ! Puant

    Et même si c’était vrai, quelle religion est assez prétentieuse pour exiger que le monde entier croie en son dieu ? Le christianisme et autres religions monothéistes, bien sûr ! Jamais les Grecs ni les Romains, ni leurs dieux, n’ont été aussi tarés, aussi prétentieux ! Le monothéisme est une malédiction.

    Merci gentils chrétiens qui voulez le royaume de dieu sur Terre. Il est beau le royaume de Dieu. C’est l’enfer que vous nous donnez. Vous n’avez pas supprimé l’esclavage, ni la pauvreté, rien. Chrétiens, musulmans, machins, vos religions monothéistes sont une malédiction. Continuez donc d’aller à la messe en voiture. Et n’oubliez pas de vous garer le plus près possible des plus belles cathédrales, pour vous épargner la peine de faire fonctionner les jambes que votre dieu vous a données ! Ah, mais j’oubliais, vous n’êtes qu’une âme. Christianisme = mépris du corps = hypertrophie de l’esprit = hommes-voitures. Quelle belle religion ! Amour, amour, amour, partage, amour du prochain, etc… Putain d’arnaque oui !

  7. Minou

    Je réponds par avance à ceux qui s’insurgeront contre mon aversion du christianisme comme religion séductrice : peut-être devriez-vous commencer à réfléchir à la généalogie du capitalisme. Remonter à la source. Là est la malédiction, l’atrocité. Max Weber a vu, si j’ai bien compris, l’ « origine » du capitalisme dans le catholicisme protestant, au XVIe siècle donc, avec Luther, puis Descartes & co… Il me semble qu’elle est bien plutôt dans le christianisme le plus jeune, le plus originel, parce qu’avec de tels préceptes (existence = péché = travail de la terre comme punition = dominer la terre, la terre comme ennemie, comme mauvaise, se rendre maître et possesseur de la nature…) il ne pouvait mener que là où nous sommes… Moi je dis ça, je ne connais pas Weber. En tout cas c’en est fini du christianisme ; il contenait en lui même sa propre négation, sa propre fin, et voilà le beau bébé qu’il nous laisse.

  8. xtoflyon5

    @Vesania : « Un végétalien qui roule en 4×4 occasionne moins de dégâts à la planète qu’un mangeur de viande qui roule à vélo ! »

    Une source documentée ? D’après les miennes, c’est totalement faux. Bien qu’on puisse discuter sur le nombre de km du 4×4 et le nb de kg de barbaque enfilé.

    Facile à tester ici : http://www.bilancarbonepersonnel.org/
    Je sais, c’est des ingénieurs pas assez décroissants qui ont fabriqué le modèle, mais leur démarche est décrite et raisonnable.

  9. vesania

    Cette phrase bien connue est du capitaine Watson, désolée, j’ai oublié de le noter. Mais on n’a pas besoin d’une source très approfondie pour s’assurer de sa validité, car l’alimentation est la première cause d’émissions de CO2, et on sait qu’une alimentation carnée (et lactée) constitue un abîme environnemental, donc oui, dans l’absolu, il vaut mieux être végé en 4×4 que viandard à vélo !
    Mais un végétalien en 4×4 je n’en ai jamais crisé non plus…

    Ton test n’est pas mal, mais il existe nombre de ces tests, et ils prennent différemment en compte le facteur alimentation, celui-là le minore probablement.

    S’il faut « documenter » l’affirmation de Watson, ça revient à retracer toute la chaîne de la barbaque, je veux bien schématiser brièvement…

    D’abord un animal est élevé avec des kg de céréales, légumineuses (qui nécessitent des quantités extravagantes d’intrants, d’engrais, de CO2), des litres d’eau, qu’il ingurgite chaque jour, cela pendant des mois ou des années selon l’animal.
    l est transporté par camion (ou par bateau sur des milliers de km) à l’abattoir.
    À l’abattoir il faut encore dépenser énormément d’énergie — pour l’assommer (quand il l’est), l’élever dans les airs, le transporter sur la chaîne, le découper, etc. —, énormément d’eau (y a du sang partout) ; la carcasse est stockée là des jours ou des semaines (les bœufs par ex.) en chambre froide (gouffre énergétique).
    De l’abattoir il part chez un grossiste par camion, puis de grossiste en grossiste en détaillants, il ne faut jamais rompre la « chaîne du froid » (ou plutôt la chaîne de la mort…).
    Le consommateur trimballe son bout de barbaque de son Caddie à la caisse, puis à sa caisse (car celui qui mange de la barbaque est quasi toujours en caisse !), puis la barbaque débarque à la baraque, dans le réfrigérateur, elle va bientôt finir sur le gril, nouvelles dépenses d’énergie.
    La suite, chacun la connaît, le consommateur est malade il prend sa bagnole pour aller chez le toubib, puis à l’hôpital, etc. Les médocs polluent énormément !
    C’est à peu près le même scénario pour les produits laitiers.

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