Efforts de Chercheurs

Une fois n’est pas coutume, les scientifiques s’occupent de santé publique et d’environnement dans un sens peu conforme à la « croissance économique »… Ils se sont intéressés au vélo en ville et à l’espérance de vie. Bien sûr ils ne sont pas allés jusqu’à faire un grand effort intellectuel. Bien campés dans leur routine technique, ils se sont contentés de soumettre la question à leur puissante et complexe machinerie statistique.

D’habitude dans la littérature médicale, les études scientifiques sont largement financées par les laboratoires pharmaceutiques et en conséquence de quoi les résultats publiés sont stéréotypés : « pour sauver des vies ou accroître l’espérance de vie il faut prescrire le médicament ». Si par contre les résultats ne sont pas en faveur du médicament, l’étude n’est pas publiée, c’est logique sur le plan commercial…

Ici la chose étudiée n’est pas à proprement parler un médicament, c’est le vélo, un moyen de déplacement parmi d’autres pour les auteurs de cette étude. En réalité il s’agit d’un « mode de vie » et aussi d’un choix de société, mais à ce stade de réflexion on sort du cadre étroit et des sentiers balisés de « La Science ».

Ce que dit l’étude tout le monde le sait déjà, intuitivement. Mais puisque les scientifiques avec leur machine statistique se sont penchés sur le sujet voici ci-dessous le résultat brut de leur activité de « Chercheurs ».

JMS

Mise en ligne par le JIM (Journal d’Information Médicale) le 10/08/2010
Le vélo en ville plus bénéfique et moins dangereux que l’auto ?

L’incitation à remplacer, pour les trajets urbains courts, l’utilisation de la voiture personnelle par celle de la bicyclette va croissant en Europe, où plusieurs capitales ont mis en place des systèmes permettant l’accès, à faible coût, au vélo. Si passer de l’auto au vélo pourrait avoir des effets bénéfiques sociétaux, dont une diminution des émissions de polluants de l’air, une réduction des émissions de gaz à effet de serre, et une augmentation de l’activité physique, il pourrait en être autrement à l’échelle individuelle, où l’accroissement de l’exposition à la pollution atmosphérique et du risque d’accident de la circulation pourraient prévaloir.

Des auteurs de l’université d’Utrecht et de la Netherlands Environmental Assessment Agency ont donc évalué les risques et les bénéfices sanitaires de ce changement de mode de transport, pour l’individu et pour la société.

Ils ont passé en revue la littérature et évalué, en supposant que 500.000 sujets changent leurs habitudes, l’impact sur la mortalité toutes causes en années de vie gagnées ou perdues, du passage de l’auto au vélo pour de courts trajets quotidiens, notamment de 7,5 km et 15 km, aux Pays-Bas. Différentes études ont montré que la voiture était utilisée dans ce pays, pour 20% et 30% des trajets, respectivement pour faire les courses et se rendre au travail ; près de 50% de ces trajets auto étant inférieurs à 7,5 km.

Lire aussi :  Poisson d'avril cycliste aux automobilistes lyonnais

À l’échelle individuelle, cette étude estime les effets bénéfiques de l’accroissement de l’activité physique de 3 à 14 mois de vie gagnés. Ce gain l’emporte sur l’effet potentiel sur la mortalité de l’augmentation de l’exposition aux polluants de l’air inhalés, estimé à 0,8 à 40 jours de vie perdus, et sur l’impact de l’augmentation des accidents de la circulation, estimé à 5 à 9 jours de vie perdus.

Pour la société entière, les bénéfices pourraient l’emporter plus fortement encore sur les risques, par réduction de la mortalité liée aux expositions au long cours à la pollution de l’air, et, peut-être, à long terme, par diminution des accidents de la circulation. La présence d’un plus grand contingent de cyclistes en circulation serait susceptible d’améliorer leur prise en compte par les automobilistes. Plaident dans ce sens les taux de mortalité et de blessures par accidents de la circulation relativement plus faibles observés aux Pays-Bas et en Allemagne, pays à relativement haut niveau de vélo et de marche, en comparaison des Etats-Unis. Cet effet possible du nombre de cyclistes sur la sécurité reste cependant difficile à distinguer de celui de l’aménagement de plus de pistes cyclables.

Cette étude, conduite aux Pays-Bas, où 40,8% des plus de 18 ans possèdent à la fois une voiture et un vélo, et où le vélo est roi et les aménagements cyclables importants, suggère que les effets bénéfiques du passage de l’auto au vélo, sur la mortalité toutes causes, l’emportent en moyenne sur les risques. JJ de Hartog et coll. en appellent aux décideurs, en insistant sur la nécessité d’une réglementation de sécurité et de l’aménagement d’infrastructures.

Dr Claudine Goldgewicht, pour le JIM
Référence de l’article
de Hartog JJ et coll. : Do the health benefits of cycling outweigh the risks ? Environ Health Perspect 2010 ; 118 : 1109-16.

5 commentaires sur “Efforts de Chercheurs

  1. LEGEOGRAPHE

    Non, moi, je ne pense pas que ce soit intuitivement su de tous.
    Les gens ont peur des bagnoles et ils ont bien raison ! Là où ils sont bêtes, c’est qu’ils participent à cette danse macabre…

    Et puis, les chercheurs parlent de « changer les habitudes ». Si un citoyen change ses habitudes au point de ne plus sortir la bagnole du garage, alors c’est déjà énormément de gagné… Ne pas prendre la voiture pour aller au boulot à 10km, c’est déjà un MODE de vie (je considère).

    Faire les trajets touristiques et de vacances à vélo plutôt qu’en avion ou autoroutes, ça, c’est un CHOIX de vie et un engagement… Tellement plus beau encore, mais pas encore gagné en effet pour la totalité des gens.

  2. Yôm

    « en appellent aux décideurs, en insistant sur la nécessité d’une réglementation de sécurité et de l’aménagement d’infrastructures »
    Voilà résumée la politique de santé publique en France: du flan.
    -« décideurs »: qui? des députés, maires, aux « tronches de dispensés de sport » (selon la formule d’Akhenaton) au mieu, corrompus par JC Decaux (qu’est-ce sinon une telle « délégation de service public »?) ?
    -« réglementation de sécurité »: pour assoir encore plus profond la domination de la voiture sur l’espace public? (cf de récents post sur la sécurité routière et le code de la route)
    -« aménagement d’infrastructures »: bandes cyclables rejetant le cycliste sur des itinéraires 2 fois plus longs et le contraignant à céder le passage 10 fois plus souvent lorsqu’évoluant en parallèle de l’auto?

    A bien regarder, le travail des chercheurs ne necessite pas l’activation du cortex associatif, c’est une régurgitaion de stéréotypes que brasse leur cerveau de mammifères anciens.
    Ils n’envisagent même pas une atmosphère débarrassée de ses polluants à mesure que les usagers privilégient le vélo à l’instar de l’auto.
    Ne serait-ce alors pas un bénéfice exponentiel pour les cyclistes, bien au-delà des « 3 à 14 mois de vie gagnés »?
    Biais statistique.

    En termes de politique de santé tant de champs sont à explorer!
    On pourrait imaginer
    -rétribuer les bénéficiaires de la prime à la casse auto en bons d’achat-cycles; 5000 euros de vélos pour toute la famille;
    -accès gratuit aux réseaux TER, multiplication des gares, baisse des tarifs longue distance, accès permanent aux vélos;
    -modifier en profondeur la voirie: la voie la plus étroite serait en ville, réservée aux cyclistes pressés et le reste aux flâneurs non motorisés et inversement en inter-urbain (ou pas?), ne plus bitumer;
    -mettre à dispostion un bout de terrain cultivable (style jardin ouvrier) en guise de prime à la casse Télévision;
    -installer des bornes fontaine le long des piste cyclables, au moins tous les 10Km, y planter en bordure des arbres fruitiers au dessus de bancs comfortables et aménager de petites « aires de camping naturelles » à proximité; et pourquoi pas des vergers publics aussi en ville ou tous les gamins pourraient se régaler, de cerises en pommes, toute l’année?;

    Bref, quand sur Carfree les idées fusent et font leur chemin depuis des années, les chercheurs accouchent enfin d’une souris… grise.
    Merci Jean-Marc de nous le rappeler: un effort de chercheur est bien moins fertile qu’une bonne virée à bicyclette entre potes.

  3. Gari

    @Yôm : absolument pas d’accord avec la « prime à la casse auto » qui permet d’acheter des vélos et la « prime à la casse TV » qui permet d’avoir un jardin ouvrier : je ne vais quand même pas acheter une TV ou une voiture juste pour les mettre à la casse, pour avoir le droit à mon bon d’achat ou mon jardin ouvrier !
    La prime à la casse, c’est avant tout la prime à celui qui a consommé en premier lieu. Je ne dis pas que c’est forcément mal de consommer (ça dépend quoi…) mais il va falloir m’expliquer pourquoi on filerait du pognon à ceux qui consomment

  4. agora soulac

    Malgré les biais et les limites de cette « recherche », on voit tout de même que le résultat est nettement positif pour la santé individuelle, commune et collective ! De quoi amorcer un début de « culture vélo » comme aux Pays-Bas et en Allemagne, preuves qu’il ne s’agit pas d’utopie mais de bon sens…

  5. Yôm

    Il s’agissait avant tout de balancer quelques idées en quelques minutes histoire de démontrer le manque d’imagination des chercheurs, notamment du monde médical en matière de politique de santé publique.
    Mon point de vue est le suivant: le partage de l’espace est parfaitement injuste et je suis pour une répartition égalitaire.
    J’estime que chacun devrait avoir accès à un lopin de terre où y poser une maison en paille (par exemple) et où y faire pousser quelques légumes, le reste des terres étant allouer à tout citoyen voulant devenir paysan (et non seulement aux héritiers de propriétaires terriens comme actuellement).
    Considérant que tous le monde a une télé, il suffirait de s’en débarrasser (définitivement bien sûr) pour user d »un bout de terre.
    D’une pierre trois ou quatre coups: désabrutissement, réappropriation de son cerveau, de son sol, de son alimentation, on bouffe de bons produits, on se dépense en y allant à vélo, on créée des liens avec les voisins de jardin… que du bon!
    Et qui n’a pas de télé peut avoir son petit jardin pour 100 euros (ou 2 euros) ou gratuit s’il est sans revenu.
    Et la prime à la casse auto n’en bénéficieraient que ceux qui renoncent à jamais à l’auto.
    Ça n’a à l’inverse aujourd’hui pas de (noble) sens: jeter pour consommer et non pas jeter pour passer à autre chose (vélo, mono, patins, planche, chaussures, trottinette…)
    L’idée globale n’est pas de filer du pognon mais d’inciter à d’autres pratiques en contrepartie d’un renoncement à un mode de vie périmé et mortifère.
    Changer de vie, ça ne s’achète pas mais si quelqu’un mûrit et décide d’adopter un mode de vie reproductible à l’échelle de la planète qu’il tend à épargner, pourquoi la collectivité ne pourrait-elle pas le remercier?
    C’est une idée, peu élaborée, et aux modalités d’application discutables.
    Mais justement, vivement que nous discutions de ce type d’idées collectivement, en partant du principe que notre environnement a une valeur tout autre que marchande.
    A qui appartient la terre?
    Qui doit travailler toute sa vie pour obtenir le droit de vivre à un endroit et qui ne travaillera jamais parce que d’autres financent son « autorité naturelle » (de rentier)?
    Quelle est la valeur d’un litre de pétrole?
    1$, 50$? 1 hectare de labouré? 200g d’antalgiques? 10 trajets de moins de 2 Km en 4X4? 10secondes de vol en Airbus? 23 tonnes de matière organique décomposée? des milliers de mètres cubes d’un air irrespirable transformé durant 400 millions d’années?…

    Si les chercheurs peuvent apporter leur pierre au débat, c’est à la communauté, au monde entier de décider.

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