Les climato-cyniques

Les médias donnent largement la parole à quelques incompétents notoires en climatologie, parmi lesquels en France l’ex-présentateur météo Laurent Cabrol et l’ex-ministre de l’éducation nationale Claude Allègre, pour répandre un « climato-scepticisme » de bon aloi sur le thème du complot mondial des scientifiques pour culpabiliser l’automobiliste occidental moyen. Mais de quoi parle-t-on exactement?

Cette poignée d’incompétents climatiques, composée également de gens comme Alain Madelin (ex-fondateur du mouvement d’extrême-droite Occident) ou Christian Gérondeau (ex-président de la Fédération française des automobiles clubs et des usagers de la route) exprime l’idée que le réchauffement climatique est une arnaque planétaire mise en place par un groupe mondial de scientifiques en mal de financements qui cherchent à culpabiliser l’occidental moyen.

Au-delà de l’éternelle théorie du complot, le point commun des « climato-sceptiques » est assez facile à trouver: ce sont tous des has been, des ex-quelque chose (ex-ministre, etc.), des personnes qui ont connu leur petite heure de gloire à un moment donné et qui sont tombés dans l’oubli ou pire, qui pointent désormais à quelque activité pas très glorieuse.

Il faut quand même étudier la psychologie d’un Laurent Cabrol par exemple, qui a présenté à une certaine époque des émissions en prime time sur TF1 et qui aujourd’hui présente une émission de téléachat à l’aube…

Autre exemple: qui sait ce qu’est devenu Alain Madelin? Rappelez-vous, Alain Madelin était quand même ministre de l’industrie lors de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986. D’ailleurs, il affirmait à l’époque : « Personne ne peut dire qu’à un moment donné la sécurité des Français a été menacée » (Interview d’Alain Madelin au 20H le 13/05/1986)

Ce sont sans doute les connaissances en climatologie d’Alain Madelin qui lui ont soufflé que le nuage de Tchernobyl allait s’arrêter aux frontières de la France…

Et Claude Allègre l’ancien ministre de l’éducation nationale? Plus personne ne sait ce qu’il fait désormais depuis que Nicolas Sarkozy a renoncé à lui offrir un poste « d’ouverture » devant la bronca d’une grande partie de la famille écologiste française.

Bien sûr, on trouve de tout chez les « climato-cyniques », depuis les simples révisionnistes qui minimisent l’ampleur du phénomène jusqu’aux véritables négationnistes qui nient purement et simplement l’existence d’un réchauffement climatique.

Ainsi, Laurent Cabrol fait sans aucun doute partie des véritables négationnistes. Pour lui, il n’y a pas réchauffement du climat car « entre l’an 900 et 1300, la France suffoquait déjà, on a cueilli les fraises en janvier 1290« . Cette brillante analyse issue de son ouvrage « Climat: et si la Terre s’en sortait toute seule? » montre que Laurent Cabrol se situe clairement dans la « négation » d’un phénomène pourtant reconnu par plusieurs milliers de scientifiques dont plusieurs centaines de climatologues au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Et sa « passion » pour l’aviation (il est pilote à l’Aéroclub de Castres-Mazamet) n’a sans doute aucun rapport avec ses prises de position concernant le réchauffement climatique.

On pourrait également classer l’ex-président de la Fédération française des automobiles clubs et des usagers de la route Christian Gérondeau parmi la catégorie des négationnistes climatiques: pour lui, le CO2 est « un mythe planétaire » (CO2: un mythe planétaire, Les éditions du Toucan, Paris, 2009) et le réchauffement « s’est arrêté en 1998« … Là encore, probablement aucun rapport entre la Fédération française des automobiles clubs et des usagers de la route et la négation du réchauffement climatique…

Lire aussi :  L'industrie automobile parmi les responsables de la crise de l’environnement

Le plus gros mensonge commis par le GIEC selon Christian Gérondeau? « Le fait d’affirmer que l’augmentation des émissions de CO2 dans l’atmosphère, qui est très régulière, est à l’origine d’un quelconque changement du climat: c’est faux! ». Il faut dire que selon Christian Gérondeau, les écologistes sont des « bolcheviques repeints en vert » (Source: Nouvel Obs du 08/11/2007) dont le but réel est de « s’attaquer à notre société », sous-entendu à notre mode de vie qui n’est pas négociable… Ça vous rappelle quelqu’un?

Certains, comme Alain Madelin, doutent de la cause humaine du réchauffement climatique: « Est-ce qu’il y a réchauffement climatique sur le siècle ? Sans doute. Est-il imputable à l’homme ? Vraisemblablement, bien que… il y ait aussi réchauffement sur Mars, sur Saturne et Pluton et on voit mal l’influence de nos 4×4 sur ces planètes. » (Source: LCI le 22-11-2009). Le Madelinisme est une pensée cosmique ! On appréciera à sa juste valeur l’expression « nos 4×4 », car il est bien entendu que « nous » roulons tous en 4×4, en tout cas probablement Alain Madelin…

Claude Allègre exprime quant à lui une position un peu plus alambiquée. Sur la même ligne qu’Alain Madelin quant à l’origine humaine du réchauffement climatique, il tend en outre à minimiser l’ampleur et la portée du phénomène en lui-même: « au sein des changements climatiques, la hausse globale des températures n’est pas le phénomène essentiel, en comparaison avec les impacts plus graves liés à l’augmentation de la fréquence des phénomènes extrêmes« . (Source: L’Express du 5 octobre 2006)

Concernant Allègre, on ne tirera pas sur l’ambulance, son compte ayant déjà été définitivement réglé dans un brillant ouvrage dénonçant point par point l’ensemble des incohérences et des manipulations du climato-cynique en chef: « L’imposteur, c’est lui« , par Sylvestre Huet, éditions Stock.

Bref, ces diverses prises de position médiatiques relèvent essentiellement d’une certaine forme de cynisme. Elles ont pour but de capter une parcelle de lumière médiatique afin de sortir de l’ombre des personnalités qui n’intéressent plus grand monde.

Face au consensus scientifique concernant le réchauffement climatique, il devient médiatiquement payant de porter un discours à contre-courant, d’autant plus s’il est nimbé de polémique et qu’il flatte en outre une opinion publique qui ne souhaite pas changer son mode de vie.

Les climato-cyniques défendent avant tout leur petite personne, parfois une clientèle particulière comme les automobilistes dans le cas de Christian Gérondeau, mais surtout pas une vision sérieuse des enjeux climatiques.

Comme le dit Etienne Journet du Laboratoire des Interactions Plantes Micro-organismes (LIPM), UMR CNRS-INRA, « il faut être bien conscient que ces personnages, cultivant leur notoriété médiatique tout en colportant des idées approximatives, ne font que conforter la léthargie actuelle de notre société (gouvernants et consommateurs) à regarder l’avenir en face et à réagir concrètement« .

10 commentaires sur “Les climato-cyniques

  1. joshuadu34

    Claude Allègre, c’est pas le ministre de l’environnement qui, en 1996, affirmait que l’amiante n’était pas cancérigène et que la cabale menée l’était pour instaurer une psychose contre un « risque mineur » ? Les morts suite aux cancers de l’amiante, dont les 28 recencés à Jussieu où le sieur Allègre portait de tels propos, doivent apprécier le sérieux du type !

    Il faut dire que, même dans son domaine de prédilection scientifique, la géologie, quand Claude l’ouvre, il soulève un véritable tonnère de rires (lors de la scéance du Comité Français d’Histoire de la Géologie du 26 novembre 1986, la sortie d’un livre de Claude sur l’histoire de la géologie fût salué de qualificatifs sympathiques : « Le respect dû au lecteur exige que toute référence aux réalités passées ait été vérifiée (sauf dans ce genre parfaitement respectable en soi qu’est le Roman historique) » et « on peut raisonnablement se demander si l’auteur n’a pas fait preuve, au minimum, de quelque légèreté dans son évocation à couleur historique »)

    Mais qu’importe ! Claude est, pour les médias, un « bon client », de ceux qui, par leur grande gueule, font de l’audimat sans trop faire réfléchir, de ceux à qui la politique a laissé suffisament de souvenir pour pouvoir, par la langue de bois, porter une pseudo réflexion basée uniquement sur la réaction épidermique et offrir du temps de cerveau disponible ! Au lieu de soulever de vraies questions, et dans son propre intérêt (et celui de ses amis…), Claude Allègre déclare qu’il a truqué les chiffres présentés…

    « Toutes les courbes y sont redessinées (dans son livre NDLA). Il y a donc des inexactitudes ou même des exagérations par rapport aux originaux. C’est un choix éditorial. L’ouvrage est, avant tout, politique ! « (Claude Allègre himself dans Libération)

    C’est sans doute pourquoi les scientifiques cités par le sieur Allègre, à la sortie de son livre, ont organisés une levée de bouclier pour dénoncer le détournement manifeste de leurs propos…

    Bien entendu, et pour que le message passe, il n’est pas question de convoquer sur les plateaux télé des contradicteurs capables de remettre le sieur Allègre à sa place (derrière le rideau de son théatre de Guignol)…

    Encore une fois, qu’une contestation existe, soit ! On pourrait le comprendre… Mais quand cette contestation n’est portée que par des guignols tels ceux que tu cite dans cet article, alors que la catastrophe écologique est non seulement évidente, mais qu’elle est soutenue par la quasi totalité des VRAIS scientifiques (et pas des arguMenteurs d’opérette), on ne peut que se demander comment il se fait qu’elle trouve tant d’écho parmis la population ?

  2. Nicolas

    La fréquentation des écolos a fait de moi l’un des leurs. Parmi eux, j’ai croisé des non-violents dont les préceptes devraient, à mon goût, influencer un peu plus notre système éducatif et notre capacité à construire un « vivre ensemble ».
    M. Robert, je partage votre indignation et votre colère. J’aimerais simplement moins d’agressivité dans le propos. Ma propre agressivité m’a longtemps desservi. L’impact était heureusement limité, n’ayant pas votre auditoire. Mais c’est simplement parce que je crois à l’importance des enjeux évoqués dans ce blog que je me permets ce commentaire.

  3. LécoLomobiLe

    Je comprends un peu Nicolas pour le côté « mettre au pilori » ou désigner à la vindicte populaire des personnalités comme Laurent Cabrol qui a le don de m’agacer. Moi-même je l’ai qualifié de « rigolo » dans ces colonnes.

    Je comprends que ça puisse heurter la mentalité française où on s’abstient de porter des jugements puisque c’est le monopole de la justice de le faire.

    Je n’étais pas d’accord avec Carfree pour accabler N Hulot ou Yan Arthus Bertrand: d’accord pour dénoncer les climato-sceptiques mais pas d’accord pour accabler les personnalités qui donnent une audience médiatique au RC.

    Je n’ai pas lu le précédent billet sur les climato-sceptiques.

  4. LécoLomobiLe

    C’est le problème des controverses scientifiques.

    Hier, sur France-Inter, entre 9h et 10h, le scientifique Axel Khan a très bien parlé du récent sabotage des cultures de vignes OGM:

    http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/ete/ete-pente-douce/index.php?id=94336

    Ce qui est drôle c’est qu’il a parlé des anti-voitures et des pro-vélos comme exemple en disant en substance: « il existe des gens contre la voiture et pour le vélo: leur conviction ne les autorise pas à aller saboter les usines Renault ». Il faudrait retranscrire exactement ses paroles: on dispose d’une semaine pour ce faire. 😎

  5. Nicolas

    Ce que je mets en cause dans mon premier commentaire, c’est la façon de s’en prendre à la personne plutôt qu’à l’idée qu’elle défend.
    En ce qui concerne les fauchages ou sabotages divers, une partie du débat s’articule – à mon avis – autour de la légitime défense d’un intérêt jusque là bafoué : à partir de quand est-il légitime de s’en prendre au bien d’autrui afin de préserver l’intérêt du groupe ignoré ?
    Certains OGM, via le verrouillage de la reproduction des semences posent le problème de l’indépendance économique de groupes de populations. Ceux-ci ont un intérêt vital à défendre.
    Le cas des pollutions automobile semble aussi poser des problèmes vitaux dans les régions touchées par les phénomènes climatiques violents.
    Enfin, pour finir, Axel Kahn est, et c’est à son honneur, soucieux de la continuité démocratique des états. Cependant, on sait que la démocratie, ainsi que la tyrannie, sont le fait de minorités qui s’engagent, honorablement ou à leur profit. La majeure partie de la population est passive, suiviste, y compris en matière d’écologie – désolé d’avoir une vision aussi peu glorieuse des citoyens – et quelques-un agissent, excessivement selon le regard d’autres ! La démocratie est donc le résultat d’un fragile équilibre issu d’institutions organisées de manière suffisamment subtiles pour contenir les forces violentes ou destructrices qui voudraient s’exprimer. C’est un peu comme une machine qui ouvrirait de temps en temps une soupape pour ne pas exploser, condition de sa survie, en laissant une idée forte du moment passer devant les autres. A l’inverse, une démocratie sans mouvement, sans militants, serait une machine qui ne tournerait pas.
    Pour finir une seconde fois, je ne suis pas sûr de ce que je dis, mais ça me plait bien ! Je suis preneur de références sur le sujet.

  6. LécoLomobiLe

    « Ce que je mets en cause dans mon premier commentaire, c’est la façon de s’en prendre à la personne plutôt qu’à l’idée qu’elle défend. » tout-à-fait d’accord Nicolas.

    Pour le volet « démocratie » de ton commentaire, j’ai, personnellement, une vision plus sociologique où la société est comme un agrégat de groupes d’intérêt. Dans ta vision plutôt pessimiste de la démocratie, je distingue 2 éléments qui me donnent de l’optimisme:

    1) la science: la communauté scientifique et l’idéologie qu’elle sécrète,

    2) la puissance des symboles qui fait toute la force des combats activistes comme celui mené par carfree.


    Grâce au podCast de France-inter du lien URL ci-dessus, j’ai bien ré-écouté le scientifique Axel Khan:

    « Il y a des gens qui sont pour le vélo et contre l’automobile… alors, ces gens qui vont aller poser une bombe ou, plus simplement, saboter une usine Renault ou Citroën,… il n’y a rien à dire parce qu’il ont le droit d’exprimer leur opinion? »

    Avant de parler, curieusement des antivoitures, il a parlé des recherches sur le SIDA.

    Le choix de la métaphore anti-voiture dans la bouche d’Axel Khan est tout à l’honneur de notre cause: J’extrapole sa pensée: « ..les antivoitures pourraient aller poser une bombe ou saboter, mais eux, il sont raisonnables et préfèrent l’activisme idéologique aux voies de fait… »

    (1) je sais, je fais de l’interprétation de pensée, (2) j’interprète tout au travers du prisme de la « scientificité », c »est pourquoi j’accorde tant d’intérêt à la parole d’un scientifique, quel que soit son niveau hiérarchique.

    C’est le critère de la « scientificité » quel que soit le statut de l’agent scientifique (technicien, médecin, infirmier, directeur de recherche…).

  7. joshuadu34

    agressif… par des propos ??? alors, comment qualifier les actes de ceux que nos suscités défendent et représentent, quand ils polluent, en sachant pertinement que leur pollution contribue à des morts, en choisissant d’envoyer loin, chez les pauvres, leurs dêchets pour que ça ne se voit pas ? comment qualifier l’attitude des pollueurs que sont les entreprises française pétrolières où atomiques quand elles soutiennent directement des dictatures, voir qu’elles les mettent en place ? comment qualifier ces mêmes entreprises, pour lesquelles ces serviteurs ont, d’ailleurs, travaillé, voir travaillent toujours, quand elles expulsent des populations déjà miséreuses pour piller les sols ? Pas de violence, là, pas d’agression !

    Faudra un jour qu’on m’explique comment on peut être agressif, où violent, en disant d’un salop que c’en est un alors que le dit salop, qui a les mains pleines de sang, est considéré comme un saint… je comprend pas, là ! J’ai beau savoir que la sémantique est un art politique, il y a quand même des limites à la réflexion qui m’échappent…

  8. Nicolas

    Joshua : « comment qualifier ces mêmes entreprises, pour lesquelles ces serviteurs ont, d’ailleurs, travaillé, voir travaillent toujours, quand elles expulsent des populations déjà miséreuses pour piller les sols ? Pas de violence, là, pas d’agression !  »
    Bien sûr, ces entreprises agressent. Je n’ai jamais dit le contraire.
    Joshua : « Faudra un jour qu’on m’explique comment on peut être agressif, où violent, en disant d’un salop que c’en est un  »
    Je préfère dire l’individu a fait des saloperies plutôt que de le traiter directement de salaud.
    Joshua : « J’ai beau savoir que la sémantique est un art politique »
    non, ce n’est pas un art. La sémantique est seulement le sens des mots.
    Qualifier l’acte plutôt que la personne laisse une chance au dialogue, permet de s’en tenir au factuel et sera toujours plus efficace, même si le résultat n’est pas garanti. Et, devançant votre réponse, ce n’est pas parce que cette posture ne garanti pas un résultat que la posture inverse le garantira plus !

  9. joshuadu34

    Encore faut-il qu’il puisse y avoir un débat… Dans le cas d’Allègre, un débat était prévu entre sieur Allègre et Denis Delbecq sur France2, débat annulé, à la demande d’Allègre qui put passer seul, pour avancer ses théories fumeuses sans contradiction… Ce n’est malheureusement pas le seul à pratiquer ça… La télé est encore le moyen le plus éfficace de faire passer des idées, mais cette télé, appartenant directement, où indirectement par sa dépendance aux pub, au consummérisme, n’invite que ceux qui vont dans le sens de ce qu’elle veut propager (on appelle ça de la propagande…)

    Voilà la réalité du débat avec ces gens, bons clients de nos tv ! Et quand bien même on recherche le débat, comme j’ai moi même tenté de le faire sur un site généraliste sur lequel un de ces individu était « invité » à repondre au débat, après trois contradictions de ma part, et malgré le fait que je n’ai jamais été insultant, mes interventions ont été censurées… Voilà le débat !

    Pour ce qui est de la sémantique, je ne parle pas du terme lui même, mais de ce qui en est fait, à coups de « Grenelles », à coups de « modernisations » diverses et à coups de « violence » n’apportant, dans une démarche terroriste (voir le réel sens de ce terme), que la peur nécessaire à l’instauration d’une frénésie sécuritaire et un reppli individualiste aveuglant. Ce n’est pas pour toi que je dis ça, mais par rapport à la récupération sémantique faite par les politiques.

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