La nouvelle frontière du capitalisme

Vous en avez peut-être entendu parler : la Terre se réchauffe. (Rire.)  A l’écran, gravures d’apocalypse : diables, monstres marins.

On nous prédit rien de moins que la fin du monde : la mer montera, les fleuves sortiront de leur lit, l’Europe ne sera plus qu’un désert … Ce que je vais vous dire ce soir va à rebours de ce catastrophisme convenu : le réchauffement climatique n’est pas une malédiction, c’est une chance. Ceux qui l’auront compris seront aux commandes du monde de demain.

(Image suivante : carte marine.)

L’élévation de la température fait fondre l’Arctique ; cet été, la superficie de la banquise n’était plus que de 4,3 millions de kilomètres carrés, son plus bas niveau jamais observé. Dans les années 1960, les glaces couvraient le double de cette surface. L’ours blanc n’a plus que quelques années à vivre, et c’est triste. Mais cette débâcle ouvre également les mers polaires au trafic maritime : cargos et tankers pourront bientôt relier la côte est des États-Unis à la Chine en empruntant le passage du Nord-Ouest, gagnant près de 7 500 kilomètres sur l’itinéraire actuel.

(Image suivante : projection polaire recouverte de figure géométrique. Chaque forme correspondant à une ressource.)

Le pôle Nord est encore plus riche que l’Arabie Saoudite : il regorge de gaz, de pétrole, de diamants et de minerais divers. La banquise empêchait jusqu’ici tout accès à ces richesses. Une fois la glace disparue, plus rien ne s’opposera à l’exploration du sous-sol et des hauts-fonds polaires.

(Image suivante : iceberg en coupe, masses diversement bleutées.)

Enfin, les glaces marines recèlent également de gigantesques réservoirs d’eau douces gelés : le réchauffement va les rendre accessibles, et ce au moment où l’élévation généralisé de la température aura fait de l’eau une denrée rare.

(Pause. Elle fait quelques pas pour installer une tension dramatique, puis se retourne vers l’écran, désormais occupé par des lettres géantes formant le mot ICECAP.)

Nous ne sommes pas à la veille d’une apocalypse, mais plutôt d’une ère héroïque comme l’a été, en son temps, la conquête de l’Ouest américain ou celle de l’Afrique équatoriale. Le capitalisme est grippé et a besoin de terres nouvelles : les régions boréales sont cet eldorado.

( Nous avions longuement répété ce passage pour éviter le ridicule : Elle s’en est tiré avec brio.)

Lire aussi :  Bercy, ses bobards, ses bobos et ses bisounours

Ce que je suis venue vous proposer ce soir, c’est d’être aux premières loges de cette révolution. Mon fond, ICECAP, a été créé pour investir dans les sociétés qui bénéficieront de la fonte de l’Arctique. Le ticket d’entrée est de 500 000 dollars. J’ai prévu de lever 500 millions et, une fois cette somme réunis, je fermerai le fond pendant cinq ans. (…)

(…) – Quel type de retour offrez-vous ?

– ICECAP est un placement spéculatif : les dividendes peuvent être très élevés, mais ne sont pas garantis. La seule chose que je peux vous assurer, c’est que d’ici 5 ans le réchauffement sera devenue irréversible et que toute la communauté financière, faisant le raisonnement que j’ai développé devant vous ce soir, voudra investir au pôle Nord. Mais il sera trop tard : ICECAP aura déjà saisi les meilleurs opportunités.

– Ne risquez-vous pas d’être assimilée – et vos investisseurs avec – à une opportuniste cherchant à profiter d’un désastre écologique ?

– C’est effectivement une possibilité, tout du moins au début, et, pour protéger ceux qui contribueront à mon fonds, je leurs garantis un anonymat total : ICECAP est enregistré dans une juridiction offshore. »

Ces quelques lignes sont extraites d’un petit bijou sorti hier en librairie, « Journal intime d’une prédatrice » du toujours très bon Philippe Vasset.

Rédacteur en chef de la lettre d’information Intelligence online, il poursuit avec ce bouquin la description des nouvelles facettes du capitalisme mondial qu’il avait déjà traité dans Journal intime d’un marchand de canon, mais aussi du passionnant Exemplaires de démonstration, dont je vous avez déjà parlé .

Son dernier opus sur la spéculation liée au réchauffement est à la hauteur de ses précédents ouvrages, c’est-à-dire jubilatoire d’intelligence et de justesse. Certains y verront une fable très bien documentée, moi j’y ai lu une très juste analyse de notre présent et notamment le fonctionnement des fonds spéculatifs et leurs manœuvres vers les régions arctiques.

Jetez-vous sur ce livre, vous en sortirez enrichi !

Source: http://transit-city.blogspot.com/
Photo: WWF

5 commentaires sur “La nouvelle frontière du capitalisme

  1. joshuadu34

    Ah, quelle belle image, que ces nouveaux nababs, equimaux en fourrure d’ours blanc Dior, descendant au Nouveau Ritz, vu sur mer et la croisette, à Lyon, dans leur Rolls ralongée écolo (18 panneaux solaires pour faire fonctionner la batterie de portables Apple contenu dans cette merveille technologique qui ne consomme QUE 35 litres d’un pétrole bio)… Le monde est maintenant merveilleux ! Plus de terroristes ! Les pays qui les contenaient ayant été recouverts par 5 mètres d’eau ! Plus de misère non plus, 2 milliards de morts dans les catastrophes écologistes en ayant décimé une partie, l’autre partie, les autres 2 milliards, ayant été éradiqués lors de la mise en place des camps d’internements avec « chauffage central » instaurés lorsque l’immigration climatique avait pris tant d’ampleur qu’elle gênait le regard des riches occidentaux ! Ces priviliégiés, au moins, ont maintenant la conscience tranquile et peuvent, sans remords, sans penser aux gniackoués qui meurent de faim, dévorer leurs hamburgers bio génétiquement modifiés pour maintenir leur cholesterol à un taux acceptable (malgré les 5000 kcalories contenuent dans cet amas de graisse).

    Voilà un vrai progrès ! Et l’écologie vraie a enfin parlée ! Enfin l’humanité, la vraie, celle des riches, les autres ne formant qu’une plèbe inculte et décérébrée ayant enfin disparue, s’est appreçue de ce qu’était l’écologie et la croissance durable ! Et les mots d’ordre de cette nouvelle écologie (« pour consommer bio, massacrons les pauvres ! ») est parvenue à faire tomber un frein à la croissance !

    On pourra juste regretter les cyclones qui frappent nos terres, les maladies nouvelles (en fait, les anciennes qu’on avait oublié mais qui nous reviennent) qui déciment le peu d’humain qu’il reste…

    Mais, après tout, c’est un mal pour un bien !!! A chaque humain mort, n’est-ce pas un peu plus de possibilité de consommation qui s’offre aux autres ?

  2. Pim

    « Aujourd’hui j’ai découvert ce site : Greenunivers dont le slogan est le site de référence du Green Business, VDM »

  3. LécoLomobiLe

    L’image est excellente !

    Sans rapport avec cette discussion mais à propos de celle sur CohnBendit, j’ai enfin imprimé le message de Yom: le lirai à l’occasion.

  4. MOA

    « le ministère de l’Intérieur a donné un accord conditionnel au plan de la Shell Oil pour lancer, dès l’été prochain, le forage de quatre puits exploratoires dans les eaux de l’Arctique au large du versant nord de l’Alaska »
    Tiré de la tribune de Robert Redford

    Et puis à noter qu’Obama veut de la croissance à tout prix et peu importe la couleur : ie. on s’en tamponne du vert, vive le noir gluant !
    Ex. du changement de stratégie : Obama pose son derche sur une réglementation de l’EPA (Agence américaine de protection de l’environnement) concernant la qualité de l’air.

    Vive le noir gluant donc !

    – forages dans le golfe du Mexique. BP vient d’annoncer une nouvelle découverte de pétrole (env. le milliard de barils). BP, golfe du mexique, forage… ça me rappelle vaguement quelquechose… mais je ne sais plus quoi… bouuuhh je perds la mémoire. C’est le surmenage… vivement la fin de la semaine que je me repose un peu en me vidant le cerveau en partant en week end.
    En tout cas, les annonces de découvertes dans les journaux ricains semblent se succéder (ExxonMobil, Chevron).

    – la maison blanche vient de donner son accord pour la construction du pipeline Keystone qui doit relier le Canada aux raffineries de Houston. Le but importer massivement du brut issu des sables bitumineux. La promesse ? création de 120 000 emplois. Ne nous posons pas plus de questions que ça sur le travail (=emploi en terme PIBistique)

    – et enfin pour reboucler avec l’article : l’Alaska et les autorisations de forages d’exploration ! BB va avoir du boulot pour nettoyer les phoques englués.

    Ca s’affole un peu on dirait chez les pitres qui nous gouverne, non?…

    Bref, allez, encore un petit effort et on va pouvoir relancer la machine…. direction droit dans le mur !

Les commentaires sont clos.