Une catastrophe parmi tant d’autres catastrophes

Crânes de bison en attente d‘être transformé en engrais (vers 1870)

La glorieuse histoire des États-Unis, vue sous l’angle de l’écologie avec pour fil conducteur l’énergie … (6e partie)

Bilan et perspectives, problématique historico-écologique

250 000 Indiens survivants dispersés et redistribués de manière autoritaire dans des réserves sur l’immense territoire conquis et devenu celui des États-Unis d’Amérique, c’est l’effectif restant à la fin de la Guerre des Indiens. « Pas grand-chose ! », donc, mais pas totalement anéantis…

Sur le plan de l’Histoire Naturelle dans ses aspects écologiques et zoologiques, on est devant un vaste territoire vidé de sa macrofaune « inutile » et « nuisible » au « développement économique ». Dans ce grand « nettoyage ethnique et génétique », on peut dire que les Indiens d’Amériques s’en tirent nettement mieux que les Bisons, dont l’immense troupeau de plusieurs dizaines de millions de têtes fut décimé en presque totalité dans la Conquête de l’Ouest. Mais avec 800 rescapés, à la fin du 19e siècle, le Bison d’Amérique s’en tire infiniment mieux que de nombreuses autres espèces animales à jamais disparues de cet immense continent. Une catastrophe écologique sans catastrophe technologique…

Pour cette région zoo-géographique dite du « Néartique », les espèces animales menées au bord de l’extinction ou définitivement disparues pendant cette très brève et fulgurante période de conquête, furent donc anormalement nombreuses. Parmi celles qui ont marqué les esprits au-delà des spécialistes en zoologie :

Le Pigeon migrateur, fréquentant le Golfe du Mexique en immenses bandes de millions d’individus les mois d’hiver, disparu à jamais…

La Perruche de Caroline, peuplant tout le sud-est en lisière du Golfe du Mexique disparue à jamais…

Le Pic à bec ivoire, mené au bord de l’extinction à la fin du 19e siècle par la destruction brutale de son habitat forestier et la marchandisation de son bois, est considéré comme disparu au 20e siècle. Cet oiseau considéré comme emblématique pour les États-Unis par les naturalistes vivait dans les forêts marécageuses de Floride et de Louisiane sur le pourtour du Golfe du Mexique. Sa disparition tragique et absurde est liée au nom de Singer, le célèbre et certainement multimilliardaire « monsieur machine à coudre ». Malgré l’alerte nationale lancée par les naturalistes pour sauver les derniers survivants de cette espèce, l’homme besogneux et près de ses sous lançait pour sa part en 1944 les forestiers sur sa propriété. Le Pic à bec ivoire sans être directement chassé, disparaissait avec son territoire.

Beaucoup de naturalistes encore aujourd’hui refusent de croire que cet oiseau a bel et bien disparu définitivement de la surface de la Terre…

Le Grand Pingouin « le géant de tous les Alcidés » (mais incapable de voler) disparu au 19e dans la conquête européenne des régions arctiques.

La Grue blanche d’Amérique, fréquentant aussi le Golfe du Mexique en villégiature hivernale, mené au bord de l’extinction et toujours considéré comme une espèce menacée.

Parmi les mammifères, à côté du Bison d’Amérique et en bonne place dans la macrofaune il faut au moins dire quelques mots sur le triste sort réservé à l’Ours brun, en raison de sa valeur symbolique dans l’histoire de « la protection des espèces animales ». La sous-espèce Ursus artos horribillis a été exterminée sur la presque totalité de son habitat représenté par plus des trois quart du territoire des États-Unis.

Il ne subsiste qu’en Alaska, au Canada, dans le Montana et le parc naturel de Yellowstone dans le nord du Wyoming. Récemment en 2007, dans le célébrissime « grand parc naturel », l’administration américaine a décidé de rendre « la peau de l’Ours » aux chasseurs en cessant de considérer cet animal comme une espèce menacée. Et cette fois-ci, ils peuvent en garantir la vente; car la puissance de feu disponible pour produire un cadavre du « féroce plantigrade » est devenue sans limite.

Pour rejoindre leur stand de « tir au gros » (gibier), les chasseurs ont à leur disposition: avions de lignes, automobiles et puissants 4×4. La puissance de feu de leurs armes à feu ne résume plus l’énergie totale mise en jeu pour la production d’un cadavre du redoutable plantigrade.

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La Guerre des Indiens n’a donc été que l’aspect humain d’un évènement apocalyptique ayant bouleversé l’Histoire Naturelle de ce continent…

« Pas grand-chose donc ! » comme effectif numérique résiduel pour les Indiens… Mais dans cette étape massivement génocidaire pour de nombreuses espèces caractéristiques de l’expansion économique du capitalisme, on peut dire que les populations d’Indiens s’en tirent en définitive relativement « bien », puisqu’elles survivent encore dans une certaine diversité culturelle.

Sur le plan de l’Histoire Humaine, en ce territoire du « Nouveau Monde », s’est joué un drame entre « Nations européennes »; Angleterre, France, Hollande et Espagne, celles qui depuis plusieurs siècles s’entretuaient sur les mers du monde pour une suprématie maritime exclusive…

Sur cette terre s’est jouée le dernier acte d’une sorte de longue première guerre mondiale de fin des Temps Modernes et d’entrée dans l’Époque Contemporaine. Sur deux siècles et en plusieurs étapes, à cheval sur le 18e et 19e siècle, le capitalisme commercial et maritime gravitant autour de la vieille Europe cède la place à un nouveau capitalisme industriel recentré sur la terre du « Nouveau Monde ».

De cette guerre perpétuelle entre les puissances européennes qui s’affrontaient sur terre et en mer depuis plusieurs siècles pour asseoir leur suprématie maritime il en a résulté sur la terre ferme la nouvelle puissance montante du capitalisme, les États-Unis d’Amérique.

Monde et Homme nouveau dans le Nouveau Monde

A l’échelle humaine, des hommes en grand nombre, de toutes les couleurs et conditions sociales, blanc, noir, « rouge » et même jaune, autochtone ou venant de tous les horizons se sont retrouvés instrumentalisés dans la conquête d’un territoire et consommés massivement comme « chair à canon », massacrés et déportés comme « inutiles » ou « nuisibles »…

A l’échelle de la Grande Histoire Universelle ou dans les sphères officielles de la diversité et de la complexité des confits, il en a résulté une nouvelle « Nation ». Victorieuse par la technique sur un immense territoire « sauvage ». Son ascension reste encore aujourd’hui célébrée comme une « grande aventure humaine » associée à un « Progrès » et un « Développement » « sans précédent » de « l’Humanité ».

Par cette victoire incontestable sur les indiens, la « Civilisation Occidentale » est devenue matériellement et durablement « Universelle ».

Les exploits « civilisateurs » sur l’Amérique centrale et du Sud, de Francisco Pizarro et de Hernan Cortes sont éclipsés. Ils peuvent être refoulés dans l’horreur des temps anciens des guerres de conquête.

Avec l’émergence de la « Nation Américaine » « une des pages les plus noires de l’histoire contemporaine est écrite ».

A « l’hispanisation » archaïque de l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud se substitue « l’occidentalisation » future pour toute l’Amérique.

Avec la Guerre des Indiens, les formes militaires traditionnelles du colonialisme sont sublimées en une conquête par l’innovation industrielle. Le futur centre actif du capitalisme traverse l’Atlantique, c’est la création d’un Nouveau Monde, les États-Unis d’Amérique.

Indéniablement dans cette Guerre des Indiens séculaire et la Création des États-Unis d’Amérique dans « Le Nouveau Monde », une des particularités a été l’émergence d’un « homme nouveau » pour un « Monde Nouveau », dont la destinée pour les siècles suivants sera de redonner un nouveau souffle à la domination du Monde. En servant de nouveau modèle au Monde, ce sont les prémices de la marchandisation industrielle du monde. Une catastrophe écologique sans catastrophe technologique…

Tours, août septembre 2010.

JMS

(1) Les oiseaux disparus de J-J Audubon
(2) Grizzli – Wikipédia

Un commentaire sur “Une catastrophe parmi tant d’autres catastrophes

  1. Lomoberet

    Ils auraient eu des gros 4 x 4 bien lourds, les vaillants pionniers, ils auraient pu écraser les 250 000 indiens puants survivants (par paquets) plutôt que d’être obligé d’aller se faire chier à les flinguer un à un à la Winchester.
    Maintenant, c’est foutu, il n’y a plus que les cyclistes à écrabouiller (ben oui, les indiens ont des 4 x 4 maintenant) et encore, c’est moins rigolo que les indiens (il y a moins de plumes qui volent !)
    Vivement qu’on puisse aller sur Mars pour trouver un nouvel espace de liberté où tout dégueulasser en s’amusant !

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