Freinage forcé: Sans voitures à Montréal

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Des rues sans voitures ? Une idée inconcevable dans bien des grandes villes. C’est pourtant ce qui s’est produit pendant une semaine à Montréal en septembre dernier. Dans la ville de Montréal, de nombreuses rues du centre-ville ont été fermées à la circulation automobile. Et de l’avis des organisateurs, ce n’était qu’un début.

Charles, un homme d’allure sportive portant un t-shirt rouge, distribue des feuillets et rayonne de bonheur : « L’air est déjà beaucoup mieux et il n’y a plus de bruit ! » À deux pas de lui, son groupe de tai-chi exécutent des mouvements lents au milieu de la rue commerciale la plus achalandée de Montréal, la rue Ste-Catherine. Des bandes de gazon ont été étendues sur la chaussée, seul le gazouillis des oiseaux sortant des haut-parleurs fait trop de bruit. « Si les villes étaient toujours ainsi, ce serait reposant », déclare Malwina, employée d’une organisation pour la protection des animaux, assise au soleil, en plein milieu de la rue. « Les gens mangent même dehors aujourd’hui. Normalement, ils s’entassent tous au McDonald’s. » C’est la journée « En ville sans ma voiture » à Montréal. Au centre-ville, des rues ont été fermées à la circulation jusqu’au début de l’après-midi ; c’est un peu comme durant les vacances. Que pense-t-il de l’idée de faire de certains secteurs de la ville des quartiers sans voitures ? « C’est encore trop tôt », répond Charles d’un ton hésitant, « les gens à Montréal ne sont pas encore prêts ». « Le centre-ville est trop achalandé, fermez-le aux voitures si vous le pouvez », dit Malwina.

À proximité du secteur sans voitures, dans le centre commercial Complexe Desjardins, et à l’Université McGill, en soirée, des experts d’Allemagne et de Norvège expliquent comment il est possible de vivre sans voitures en Europe et pourquoi même des conditions climatiques nordiques ne peuvent être un argument contraignant pour l’utilisation de la voiture. Ulrike Reutter, planificatrice en aménagement du territoire (Dortmund), Markus Heller, architecte (Berlin) et Ing-Cristine Ericson, urbaniste (Oslo) ont répondu à l’invitation du Goethe-Institut Montréal, qui a fait connaître dans cette ville le concept de quartiers sans voitures et qui organise une série de rencontres à ce sujet avec le Centre d’écologie urbaine de Montréal, une des plus importantes organisations environnementales au Canada, et l’Université McGill. Pendant toute une semaine, ces experts d’Allemagne et de Norvège présentent des concepts européens et discutent de la possibilité de les transposer à Montréal. « L’urbanisme vert est un champ d’activité prioritaire de l’institut depuis plusieurs années, mais les quartiers sans voitures constituent le thème le plus radical abordé jusqu’à maintenant », déclare Mechtild Manus, directrice du Goethe-Institut Montréal. Montréal est une île sur le fleuve St-Laurent. Le matin, des colonnes de voitures traversent les seize ponts reliant la ville à la banlieue. Le soir, c’est l’inverse, un va et vient continuel qui s’accroît d’année en année. Le réseau routier est né dans les années 1950 et aujourd’hui il ne suffit plus à la demande. Les résidents des maisons de briques rénovées à grands frais aux abords du pont Jacques-Cartier ont une vue saisissante le soir, en faisant des grillades sur la terrasse de leur toit : un pont qu’empruntent pas moins de 35 millions de voitures par année pour traverser le fleuve St-Laurent.

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« Aujourd’hui encore en Amérique du Nord, l’urbanisme signifie séparer spatialement le lieu de travail du lieu de résidence et implanter de nouvelles banlieues dans le paysage », affirme Nik Luka, professeur d’architecture et d’urbanisme à l’Université McGill. « Les gens viennent travailler en ville, mais ils vivent en périphérie. C’est pourquoi on trouve à peine de grands appartements pouvant accommoder des familles. Il y a une plus grande mixité à ce niveau dans les villes européennes. » Les superbes lofts aménagés actuellement dans d’anciennes usines le long du port de Montréal peuvent être attrayants pour un couple gagnant bien sa vie, mais ils ne le sont pas pour les familles.

Pourtant, le nombre de propriétaires de voiture est pratiquement le même à Berlin et à Montréal, et dans des quartiers comme le Plateau-Mont-Royal et Mile-End, on voit plus de vélos que de voitures devant les maisons. Nous ne sommes plus très loin du concept des quartiers sans voitures comme à Cologne, Amsterdam et Edinbourg, selon Nik Luka. L’intérêt pour de nouveaux concepts de circulation est là. Les architectes et urbanistes devraient réagir à ce mouvement qui vient de la base et proposer de nouvelles formes d’habitat. Les Montréalais sont ouverts à la nouveauté et cela se voit aux Bixi, les vélos en libre-service. Depuis l’année dernière, on les retrouve dans de nombreuses stations un peu partout dans la ville. Ils jouissent d’un immense succès, même auprès d’hommes en costume-cravate, qui les utilisent pour se rendre au travail, avec porte-documents et parapluie attachés dans le petit porte-bagages devant le guidon.

« La question n’est de savoir : Est-ce que nous voulons des quartiers sans voitures, mais plutôt, comment pouvons-nous les implanter », dit Luc Rabouin, directeur du Centre d’écologie urbaine de Montréal, à la fin d’un colloque d’une journée pour des urbanistes de cette ville et d’autres villes de la région. L’Allemande Ulrike Reutter, planificatrice en aménagement du territoire, ajoute : « Le bon moment pour implanter des quartiers sans voitures à Montréal est justement maintenant. Ne ratez pas cette occasion. » Demain, les deux experts allemands assisteront à un atelier d’un groupe de citoyens et les conseilleront sur les différentes façons d’aménager des quartiers sans voitures à Montréal. Et cela pourrait arriver plus vite que Charles ne le pense.

Katrin Bathow
http://www.goethe.de/ins/ca/mon/fr6557488.htm
(Photo: Bettina Hoffmann)

3 commentaires sur “Freinage forcé: Sans voitures à Montréal

  1. Raghnarok

    Ça se démocratise, on en voit de plus en plus, quel bonheur. Et si on commençait enfin à entrer au 21ème siècle?

  2. cycliste alcoolique

    Heuh—je vis a Montreal. La semaine sans voiture est une farce.
    Un tout petit quartier (2-3 rues), ferme une journee seulement, entre 9:30 et 15H30 pour ne pas emmerder les honnetes travailleurs avec nos utopies.
    Et encore – les remarques fusaient au travail – on ose toucher a notre char. Et comment va faire la mamie pour se deplacer, comment les magasins vont se faire livrer, les ambulances, les pompiers, les papas qui doivent deposer les enfants a la creche hahhahaha. Mias comment on va faiiiiiire! Le metro en plus ca put! On est serre! Y’a des etrangers, des Francais qui parlent forts, y’a rien a y faire ouiiiin.
    Puis ca me prend 45 minutes au lieu de 30 minutes en voiture **
    Ouiiinnn!!! Fallait voir chialer cette horde d’handicapes sauvages qui allait jusqu’a utiliser l’argument de la taille de notre pays pour justifier l’utilisation quotidienne du gros 4×4 pour se rendre au travail.
    C’est juste une petite fete tres facile a ranger dans le rayon folklore, comme un bon defiles Irlandais, pour que le passant, l’automobiliste ne
    remette surtout pas en question son mode de vie, et pour pas qu’ils fassent egalement le lien entre cette fete et les cyclistes/pietons de tout les jours.
    Seul les convaincus etait de la fete, les autres pouvaient passer leur journee normalement.
    Ces actions discreditent notre cause plus qu’autre chose.
    Et puis – Montreal c’est une ville (presque) sans rue pietonne,
    Lorsqu’une rue est fermee, a l’occasion par exemple de ce genre d’evenements, la rue devient un immense centre commercial, les terrasses sont agrandies, y’a des vendeurs de partout, bouffe, fringue etc etc etc.. des micros, des sonos, des enceintes, de la musique, des promos…..tout ce qu’on ne veut pas.
    Enfin le reste du temps, c’est une ville de voiture, de char. Il faut feuilleter le journal de Montreal pour voir que, meme en le payant, on se retrouve avec un sac a pub (au moins 40% de l’espace) dont les 2/3 sont reserves aux grosses promotions pour les gros chars.

    Ou je rejoins l’article c’est que effectivement sur le « plateau » on y trouve une autre sensibilite. Effectivment plus de velos accroches aux portails que de voitures. Je suis surpris que l’article ne mentionne pas l’administration nouvellement elue de cet arrondissement qui oeuvre vraiment pour diminuer la place de la voiture dans notre vie. Il faut voir comment cette administration se fait traiter en dehors… Des ayatolah qui veulent le retour au Moyen age. etc etc etc…
    Encore plus qu’en France ici le char 4×4, pickup, SUV c’est pour le male couillu, l’homme viril qui doit transporter sa caisse de biere et son pack de lait, la sportive c’est pour la femme dynamique performante, qui se rend au gym, le velo c’est pour le prolo qui n’a pas les moyens de s’acheter une auto.

    ** Quand tout va bien, temps passe a la pompe, a chercher une place non inclu,

  3. Septentrional

    Bien dit Cycliste Alcoolique, et les simples initiatives de nouvel urbanisme sans voiture font la une, crise nationale. On présente de la vision politique telle que celle du Plateau présentement comme une attaque envers les bons droits du citoyen automobiliste, le seul individu réussi. Et chaque matin le bon sens consensuel s’étouffe en appuyant sur la pédale.

    Mesures esthétiques pour n’aérer que la conscience.

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