Arcadia ou la parodie de ruralité

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L’exposition « Arcadia redesigned 2004-2005 » de Herman van den Boom est à voir au musée de la Photographie de Charleroi (Belgique) jusqu’au 16 janvier 2011.

L’art interroge notre société. Les photographies d’Herman van den Boom actuellement présentées au musée de la photo à Charleroi en attestent clairement. Elles s’intéressent à une facette particulière mais hautement significative de l’éparpillement de l’habitat : les jardins de maisons « 4 façades ». Produits d’une véritable industrie du lotissement, ces maisons sont devenues bien banales dans nos campagnes. Mais peut-on encore vraiment parler de campagne ?

C’est là un des paradoxes de ce que donne concrètement l’éparpillement de l’habitat. Les gens, fantasmant une idée de campagne, abandonnent la ville, ses magasins, son animation, son patrimoine, ses parcs, pour s’installer dans un environnement qui n’est, somme toute, que grotesquement rural.

Si parfois des champs résistent à l’urbanisation, à l’intérieur d’un lotissement, la campagne est parodiée quand elle n’est pas simplement anéantie. Une campagne lotie n’est qu’une parodie de ruralité. Le sol est asphalté, des clôtures sinon des mûrs sont dressés, et ce qui demeure de végétal est artificialisé à l’extrême.

C’est précisément ce que mettent en avant les photographies d’Herman van den Boom. Dans ces jardins de maisons « 4 façades », l’intervention humaine est omniprésente. S’en dégage une grande froideur, une austérité quasi-minérale. La nature et la vie y sont aussi présentes que sur un parking ou une autoroute.

Ces réalisations individuelles incongrues, mises bout à bout, se muent en un paysage surréaliste. Victime de ce processus, ce qui reste dans nos campagnes d’espaces naturels et ruraux tend à disparaître. Chaque photographie exposée est un véritable choc, choc est d’autant plus fort que c’est sur l’ensemble du territoire que ces clichés auraient pu être pris.

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Ces paysages reflètent un imaginaire stérile inconscient des beautés naturelles, montrant comment des propriétaires transforment leur environnement naturel. « En regardant ces façades de maisons et ces jardins, il m’est apparu que ce que je photographiais pouvait être ressenti et vécu comme une moderne Arcadia (région de la Grèce Antique célèbre dans la mythologie pour sa vie harmonieuse, symbole d’un âge d’or idyllique…)« .

Le paysage contemporain est ainsi non seulement profondément et gravement transformé par l’industrialisation et la mondialisation mais aussi, à une autre échelle, de façon significative, au quotidien et dans notre environnement familier par les jardins d’agrément qui créent leur propre fiction d’Arcadie.

Ainsi, des espaces aménagés et propres qui aspirent à la sécurité et au confort, produisent le sentiment opposé, celui d’une agression violente envers la nature.

Voir quelques photos de Herman van den Boom sur le site www.museephoto.be

Source: http://www.iewonline.be/

6 commentaires sur “Arcadia ou la parodie de ruralité

  1. CarFree

    Ce travail photographique est l’exacte illustration des propos de James Howard Kunstler:  » Les lotissements sont toujours nommés d’après ce qu’ils détruisent. Si cela s’appelle « Clairière des écureuils », cela veut dire que tous les écureuils ont été exterminés. Si c’est « La chênée », il n’y a plus de chênes. Même les gens qui y vivent trouvent cela assez facile de les ridiculiser. Cela vous dit quelque chose sur la réelle conscience profonde de base de son échec. Cela n’a pas offert ce que ça avait promis, ce n’est vraiment pas de la vraie vie à la campagne. C’est une sorte de moquerie de l’idée de vivre à la campagne. »
    http://carfree.fr/index.php/2008/03/07/les-lotissements-periurbains-seront-les-bidonvilles-du-futur/

  2. colombo_35

    En parfaite adéquation avec la conférence à laquelle j’ai assistée hier soir sur l’écologie des paysages.

    Difficile d’en faire un résumé, mais les deux idées clés étaient :
    – un boulverssement depuis 1900 avec une baisse de l’agriculture vivrière au détriment de l’agriculture industrielle et de l’urbanisation avec une agravation du phénomène depuis 1960 dans les surfaces.

    – une corrléation entre la mauvaise gestion « industro-productiviste » du paysage et les baisses de biodiverstités faune, flore en variétés et nombres d’individus

    La bonne nouvelle, c’est qu’il y a des solutions pour réparer les erreurs du passé avec des plans aux différents échelons région/pays/continent.

  3. paladur

    C’est pour cela qu’on a inventé le concept de rurbain… Ni à la ville, ni à la campagne donc nulle part, une sorte d’utopie dévitalisé et certains courent encore aprés.

  4. Tassin

    Vu qu’on est pile poil dans le sujet de cette génération de « rurbains » rêvant de leur petit nid de parpaing avec 750m² de gazon passés à l’anti mousse qu’ils rejoindront tous les soirs en voiture : je me permet de faire un peu de pub pour le dernier livre de Seb Musset « Les Endettés », qui est vraiment bon et décrit avec talent les déconvenues de tous cette classe moyenne en train justement d’être déclassée, révant de consommer comme leurs parents mais ne pouvant le faire qu’à crédit.

    Bonne lecture!

  5. colombo_35

    Seb Musset, c’est du bon, même si des fois je trouve qu’il critique sans faire de contre proposition.

    Maintenant, il n’y a plus les interventions de Grand François, je le regrette 🙁

  6. gabeu

    Ces maisons des 4 murs, ces jardins insectisés sont aussi à l’image de ce que les communes, les « villes fleuries » créent comme paysage banalisé. C’est aussi la minimalisation de la palette végétale et donc de la biodiversité que l’on ressent dans ces « parcs » introvertis… La perte d’énergie fossile pour les engins d’entretien, ou l’émission carbone des maisons en tout béton est aussi à dénoncer. Vivre à la campagne est bien devenu un principe d’urbains….

    guérilleusement,
    http://www.guerilla-gardening-france.fr/index.html

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