Cancon, pas Cancun

Les cancan bobo sur Cancun ont tout du concon : « Il faut sauver le processus, les Etats doivent prendre des mesures, encore un an de perdu, que c’est grave, la planète, ouin ouin… ». Toujours en pleine forme, l’écologie bisounours enveloppe la conférence sur le climat d’un tissu gluant de mièvrerie.

La diplomatie n’est jamais autonome : elle forme l’écho des forces sous-jacentes qui meuvent l’histoire. Celles-ci franchissent parfois des points de rupture. Eclate alors en pleine lumière le nouvel ordonnancement des puissances. Les traités sont, parmi d’autres événements, ces jours de lumière.

Dans le cas du climat, le système de forces est double. D’une part, un jeu géostratégique classique de puissances – Chine, Etats-Unis, Europe, Russie, Inde, etc. – illustrant une tension nord-sud. D’autre part, du fait de l’originalité historique de la crise écologique, un jeu planétaire, se déclinant dans chaque société, d’opposition entre deux modes de développement économique et de répartition des richesses.

La négociation climatique est engluée dans la tension géostratégique du dipôle Etats-Unis et Chine, l’Europe ayant de facto abandonné son ambition en ne séparant pas son destin de celui des Etats-Unis. Il reste l’autre opposition, toujours tue par l’écologie bisounours : celle confrontant une croissance économique assise sur une profonde inégalité sociale, à une économie écologique dont la sobriété suppose la justice sociale. Ceci constitue l’autre blocage de la négociation : presque tous les Etats importants sont engagés dans un modèle de croissance matérielle – éventuellement rebaptisée « verte » – visant à conserver l’ordre social inégal. Et le développement écologique et juste est en fait défendu par ce qu’on appelle la « société civile ». Son expression est bornée par l’oligarchie et par les médias qu’elle contrôle. Mais c’est en fait de la force, de l’énergie, et de la capacité de persuasion de ces forces populaires que dépend l’évolution des choses.

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La conférence de Copenhague a été un tournant parce que pour la première fois dans l’arène du climat y a émergé la société civile, sous le slogan unificateur de « justice climatique ». Si un traité sur le climat est évidemment nécessaire, il ne pourra s’écrire que sous la pression populaire. C’est pourquoi, plutôt qu’à Cancun, où les diplomates ne feront que sauver les apparences, c’est dans les mouvements de protestation et de proposition qu’il faut chercher l’énergie de l’avenir. En France, c’est à Cancon (Lot-et-Garonne) qu’il faudra être, le 4 décembre. S’y feront entendre ceux qui veulent « changer le système, pas le climat ».