Surprise du Tramway, Désastre sur le domaine cyclable

Troisième partie de « L’Anachronisme aggravé du tramway tourangeau »

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Le Paris-Tours c’est fini ! Personnellement je m’en fous ! Mais si cette course cycliste ne peut plus arriver à Tours c’est qu’il s’est passé quelque chose de grave sur le domaine cyclable. Le projet du tramway n’a pas que prévu de détruire des allées arborées patrimoniales, domaine réservé des marcheurs, il a aussi la volonté de frapper puis de monopoliser une vaste part du domaine cyclable.

La Tranchée, un long plan incliné

Située sur le versant nord de la Loire, cette large avenue part du pont Wilson et monte perpendiculaire au « grand fleuve sauvage » jusqu’en haut de son coteau.

Lorsque l’on monte la Tranchée à vélo c’est une épreuve d’effort de presque un quart d’heure. Arrivé au sommet du coteau, sans avoir mis pied à terre, c’est la satisfaction de la fin de l’effort et de la reprise progressive de vitesse. Il arrive parfois, aux heures de pointe, que l’on double à vélo dans la monté les automobiles immobilisées en bouchon.

Mais le vrai plaisir intense a lieu à la descente. Aux heures de pointe se rajoute à la vitesse une petite note perverse, lorsque les automobiles se neutralisent mutuellement et atteignent l’immobilité parfaite. Alors en roue libre et sans effort, en se laissant aller à grande vitesse, on se donne en spectacle sur la large bande des bus devant un parterre d’automobilistes atterrés regardant impuissants fuser un échappé d’une grande course cycliste.

Si le feu est vert au bas de la Tranchée on continue à grande vitesse sur le pont Wilson et l’on arrive de l’autre coté de la Loire sur la Place Anatole France. Un spectacle gratuit de légèreté et de liberté est offert à des automobilistes immobilisés sur plus d’un kilomètre de bouchon. Puis l’on traverse toute la ville en ligne droite pour rejoindre au sud l’autre coteau, de ce qu’on appelle encore le « dernier grand fleuve sauvage d’Europe ».

A grande vitesse sur ces larges bandes réservées aux bus on est bien, cycliste anonyme, comme à l’arrivée du « Paris Tours ».

Ce plaisir simple par cette vitesse exceptionnelle et spécifique à cet axe rectiligne, c’est fini pour tous les cyclistes tourangeaux. Le tramway va monopoliser la place sur les larges voies de passage des bus et comble d’’inconséquence logique et sécuritaire le pont Wilson va être « interdit aux vélos ». « Quoi ! »

Le pont Wilson « interdit au vélo ! »

L’invraisemblable est arrivé à Tours avec le tracé du tramway. Le Pont Wilson dans l’axe central de la ville « interdit aux cyclistes ! » Qui peut croire une chose pareille ? C’est pourtant l’une des inconséquences les plus criantes d’un projet technocratique de tramway totalement pensé « hors sol » et « hors usage » sans évaluation de ses nuisances.

« Interdire le pont Wilson aux vélos, c’est impossible ! » les cyclistes qui apprennent la nouvelle n’en croient pas leurs oreilles.

En face de cette inconséquence manifeste sur la voie de son train électrique de ville, l’état major municipal a dû reculer pour sauver son choix autoritaire. Le « politiquement correct » s’est mis au service de l’arbitraire municipal en comprenant qu’il était « interdit d’interdire » aux vélos de passer le pont.

Devenu dangereux pour les cyclistes par l’arrivée du tramway, sur ce pont il sera simplement « déconseillé aux cyclistes de passer ».

En s’interdisant d’interdire, les autorités municipales suppriment seulement le risque de verbalisation policière, mais en laissant passer les cyclistes à leurs risques et périls, les autorités persistent et signent dans les inconséquences d’un projet précipité et « mal pensé » ou, au contraire, « très bien pensé » s’il s’agissait effectivement de dévaster le domaine cyclable de la ville.

« Bien pensé », dans une réelle politique d’alternative à l’emprise automobile sur la ville, l’arrivée du tramway sur le pont Wilson aurait pu prendre la place des voitures et les dévier vers les deux autres ponts sur la Loire… Interdire le pont Wilson aux voitures aurait été un « signe fort » allant dans la bonne direction, un choix d’autant plus facile à prendre qu’il ne comportait aucun risque politique. Les bruyants automobilistes ne constituent qu’une majorité silencieuse servile et « vache à lait » vitale de l’État Français…

La conséquence pratique pour les cyclistes de cette inconséquence technocratique est dramatiquement simple. Désormais, sur ce pont arbitrairement réservé aux transports motorisés et « déconseillé aux cyclistes », pour le traverser en sécurité il faudra mettre pied à terre et rejoindre sur l’étroit trottoir le flux en file indienne des piétons.

Les cyclistes téméraires voulant traverser à vélo ce pont dangereux, et ceux peu courageux refusant de faire un long détour de « quelques kilomètres », risquent en cas d’accident de se retrouver confrontés à la science complexe des assurances. « Pont déconseillé aux vélos » « comportement à risque », « prise de risque inconsidérée »… Les engins motorisés sur leurs voies réservées seront eux dans leurs « bons droits »…

« Vingt Ans de galère Vingt Ans d’arbitraire ! »

Sur la ville de Tours depuis bientôt deux décennies deux revendications étaient portées par le collectif Vélorution et l’association Moucifon de la commune de Fondette : rendre accessible aux vélos la passerelle Fournier passant sur les lignes de chemin de fer arrivant en gare en centre ville de Tours et rendre accessible aux vélos et aux piétons le pont Saint Cosme sur la Loire situé à l’ouest de Tours.

Le samedi 4 décembre 2010, il y avait la énième manifestation sur le pont Saint Cosme pour le rendre accessible aux vélos et aux marcheurs. Sur une des banderoles était écrit très modestement « 1990 – 2010 : Vingt Ans d’Inaction ! ». Mais plus politiquement on pourrait dire « vingt ans de « développement durable » avec renforcement de l’arbitraire, « Vingt ans de mépris politique » affiché par l’oligarchie locale envers les habitants de l’agglomération.

Avec l’arrivée du tramway il faudra encore rajouter une troisième revendication : rendre accessible au vélo le pont Wilson.

Que nous réservera, comme surprise, la deuxième ligne de tramway ?

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Domaine cyclable et pistes cyclables

Il ne faut pas confondre les deux choses. Le domaine cyclable est non formalisé, connu des cyclistes, il est nettement plus vaste que celui répertorié des pistes cyclables marquées par des pictogrammes.

Le domaine cyclable s’étend à tous les lieux ou voies inaccessibles ou interdits aux voitures mais facilement utilisables par les cyclistes.

Cet espace prend aujourd’hui son importance et se révèle au moment de sa dévastation par les nouvelles politiques urbanistiques.

Une partie de ce vaste domaine informel, rues piétonnes et ruelles, passages étroits ou porches d’immeuble, jardins et places publiques, gare, chemins de terre, est insidieusement menacé.

Dans toutes les villes où les autorités administratives sont obsédées par la notoriété ou la visibilité internationale de leur ville cet espace se dégrade en faisant indirectement l’objet des politiques urbanistiques intégrant la grande science policière de la « prévention situationnelle ».

A Tours la grande surprise est venue du tramway.

Alors que se multiplient partout dans la ville en « greenwashing » les pictogrammes de pistes cyclables le domaine cyclable lui subit une de ses plus brutales dévastations avec l’arrivée du tramway. Sur une grande partie de l’axe nord sud les larges couloirs réservés aux bus et facilement accessibles aux vélos vont être monopolisés par le tramway.

L’interdiction du pont Wilson aux vélos n’est que la plus criante des inconséquences technocratiques. Toute la chaussée de la rue Nationale et bien d’autres vont aussi être monopolisées par les transports motorisés.

Le Tram ferme la voie au Vélo !

Dans le « 20 pages de propagande » de La Nouvelle République la désinformation est totale. Le texte est rédigé comme un contrat d’assurance. En premier et en gros la « désinformation» plein pot, en petit et en fin de texte la réalité désastreuse du « deal ».

Début du texte triomphal. « Le tram ouvre la voie au vélo » : « Sur tout l’itinéraire, tram et deux roues feront la route ensemble. Plus de 11 km d’aménagements cyclables seront réalisés le long de la première ligne de tramway. Dont 7 km de pistes. » de quoi satisfaire plus d’un cycliste ou « écologiste benêt » (1).

En fin de texte, on est quand même un peu obligé d’annoncer la couleur. Tout ne sera pas rose en effet et l’on tente de faire avaler les couleuvres. « À l’issue des travaux, tout n’ira cependant pas pour le mieux dans le meilleur des mondes cyclistes. Aucune piste ou bande cyclable n’est notamment prévue sur le pont Wilson, en raison de sa faible largeur (2). »

Grandes envolées lyriques de « greenwashing » sur le papier pour le tramway… Mais qu’en pensent au juste les gens qui ont fait l’effort de regarder de près les pistes cyclables proposées ?

Échantillon de piste cyclable analysé à la loupe

Les riverains de l’avenue Maginot frappée par l’arrivée du tramway se sont justement intéressés à la portion de piste cyclable dont parle l’organe de propagande en disant « tram et deux roues feront la route ensemble. »

La dangerosité des voies cyclables prévues leur a sauté aux yeux : même pas la largeur d’un « vélo taxi » et en plus prévu en « site sale » et « non protégé » avec une promiscuité inadmissible avec le tramway et les voitures.

Voici sur ce sujet leur déposition résumée auprès du préfet:

« Les 2 voies cyclables prévues avenue MAGINOT pourraient être accolées, sur un seul côté de l’avenue, préférentiellement côté des N° pairs, offrant un espace de circulation élargi aux cyclistes, facilitant leur route et minorant considérablement le risque d’accidents.

La largeur retenue pour la voie cycliste sens Sud/Nord, semble-t-il de 0,80 cm, apparaît particulièrement étroite, inférieure à la norme habituellement retenue qui est de 1,50 mètre, largeur nécessaire pour protéger correctement des cyclistes circulant à proximité très rapprochée, en quasi-contact, des voitures et des tramways.

Il y a un très fort risque d’accidents corporels impliquant des cyclistes roulant sur une piste cyclable non protégée et insuffisamment large (0,80 m au maximum), directement accolée à la voie mixte [voitures+tramway] allant vers La Tranchée.

Le fait que les 2 voies cyclables ne soient ni séparées ni protégées des voies tramway sur cette section à super trafic apparaît être une aberration inacceptable !

Il est officiellement affirmé : « L’arrivée du tramway s’accompagnera d’un nouveau partage des espaces publics en faveur des piétons, des cyclistes et des transports collectifs. Les aménagements inciteront les automobilistes à modifier leur comportement et encourageront les modes doux de déplacement. Un traitement spécifique de la voirie et de ses abords permettra de sécuriser les modes doux dans la ville »

Nous ne voyons rien de tout cela avenue MAGINOT, bien au contraire !

Qui seront sacrifiés ? Les cyclistes ? Les riverains qui auront moins d’espace trottoir ? L’espace dédié à la végétation ? Veut-on des morts à hauteur de l’avenue MAGINOT ?

Les signataires souhaitent promouvoir une solution responsable non « accidentogène » ; l’idée d’une piste cyclable unique à doubles voies faisant couloir, promue par monsieur PETIT, mise en place dans de nombreuses agglomérations, nous semble réaliste. » (3)

L’angle de vue des riverains de cette importante artère encore pourvue de nombreux petits commerces de proximité dans le secteur Nord Est de la ville était celui d’honnêtes habitants souhaitant simplement améliorer leur cadre de vie et de travail avec l’arrivée du tramway.

Mais tel n’est pas le projet politique véhiculé par le tramway !

Tours le lundi 6 décembre 2010
jms

(1) En référence au titre du livre de Aurélien Bernier, Michel Marchand : « Ne soyons pas des écologistes benêts » Ed. Mille et une Nuits 2010.
(2) La NR Mercredi 15 septembre 2010 page 14. Nouvelle République : Tramway de Tours
(3) Tramway de Tours

5 commentaires sur “Surprise du Tramway, Désastre sur le domaine cyclable

  1. Raghnarok

    Une interdiction carrément? Même notre magnifique pont du Mont-Blanc n’est pas interdit au vélos (du moins il me semble pas, je demande confirmation…).
    Encore une énorme erreur anachronique, bravo.

  2. Guillaume F

    « La largeur retenue pour la voie cycliste sens Sud/Nord, semble-t-il de 0,80 cm, apparaît particulièrement étroite »
    C’est très faible en effet, mon guidon de VTT doit faire dans les 60 cm…
    Les tricycles couchés du marché ont une largeur hors tout comprise entre 70 et 85 cm…

  3. Legeographe

    Merci beaucoup, très bon article.

    Le nom de l’avenue Maginot est « très drôle » (désolé pour mon sens de l’humour) : un aménagement cher, bétonné, militaire, qui n’est d’aucune utilité quand l’adversaire (parallèle avec Allemagne) se contrefout de tout jusqu’à se permettre d’écraser les voisins neutres (parallèle avec la Belgique).

    À Clermont-Ferrand, on a le même problème : un viaduc qui a été coupé aux vélos, mais pas aux voitures… Quand ça ? Avec l’arrivée du tram !

    Rebelote à Tours. À Clermont-Ferrand, je pense qu’il faut faire des actions de traversée du pont à vitesse lente ; même principe pour Tours. Exemple pour Tours ? >> Tous ceux qui veulent militer se mettent d’accord sur un horaire où militer et traverser en peloton groupé le pont.

    La question des assurances est en effet intéressante à noter.

    Bonne lutte.

  4. jms

    La municipalité a encore reculé. De « l’interdition » technocratique du projet initial on était passé au plus « politiquement correct » « déconseillé aux cyclistes » de passer; on est arrivé aujourd’hui à un pont Wilson avec limitation de vitesse à 30 km/h avec autorisation de passer pour les vélos.
    Cependant le désastre global sur le domaine cyclable reste.

  5. elmer

    Le pont Wilson est dangereux pour les cyclistes, je fais un détour par le pont Napoléon qui a une vraie piste cyclable fermée. Des tours de pédale en plus, ce n’est point grave.
    Par contre, j’atteste que c’est vraiment la galère en ce moment avec les travaux pour le tram, les automobilistes sont vraiment enragés et vous rouleraient presque dessus.

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