Paris, l’Arabie Saoudite et le frère de Patrick Balkany

Faut suivre, parce que ça va très vite. Le Bassin Parisien, c’est l’Arabie Saoudite. Sérieux. Citons pour une fois Le Figaro (le 17/12/10) : « 60 à 100 milliards de barils de pétrole dorment sous le Bassin parisien. Soit l’équivalent de 70 à 120 années de production du Koweït ! Cette estimation réalisée par l’Institut français des pétroles (IFP) suscite la convoitise ». Un homme admirable est déjà sur le coup, auquel Charlie veut rendre hommage avant tout le monde. Dans la famille Balkany, pour une fois, on ne demandera pas le maire de Levallois, Patrick, le héros moral que Sarkozy entraîne dans ses déplacements africains. Mais le frère, le jeune demi-frère de 30 ans à peine, Julien. Ce champion des fonds spéculatifs est installé aux Etats-Unis, où il fait des merveilles. Où il dit qu’il fait des merveilles.

Ce qui est à peu près sûr, c’est qu’il a créé en janvier 2008 avec un monsieur Daryl Nanes une structure à faire pâlir d’envie le Fonds Madoff : Nanes Balkany Partners. Depuis sa création il y a bientôt trois ans, cette belle société affiche en effet « un rendement composé annualisé supérieur à 33 pour cent (1) ». C’est un peu bête de s’arrêter en si bon chemin, mais Julien a décidé de se retirer de l’affaire il y a seulement quelques jours. Probablement a-t-il de bonnes raisons. Ce n’est pas la première fois, malgré son tout jeune âge, que Nanes Balkany Partners fait parler d’elle dans les journaux.

Greg Barr, du Houston Business Journal (26 mai 2008) rapporte une plainte déposée devant une cour fédérale américaine par le patron d’une société pétrolière appelée Vaalco. Robert Gerry, le boss, a réussi quelques coups fumants au Gabon et en Angola, et il a le sentiment pénible qu’un coup fourré a été monté pour s’emparer de sa boîte, et de ses puits florissants. En deux mots, Balkany frère aurait monté une opération boursière en compagnie de la société suisse Pilatus Energy, dont le propriétaire est un émir du Golfe. Mais dans laquelle Loïk Le Floch-Prigent, le nôtre, celui d’Elf Aquitaine, jouerait un rôle caché. Tous ceux mis en cause nient en bloc, à commencer par Le Floch, qui a magnifiquement déclaré : « Une seule chose est vraie, je suis un ami du propriétaire de Pilatus, un riche Émirien. Mais il n’est pas interdit de parler à un ami ».

Ne nous perdons pas en route. Julien a depuis poursuivi sa route éclairée aux torchères, et il est maintenant vice chairman d’une société de Dallas (Texas), Toreador Resources, qui vient de rapatrier dare-dare son siège à Paris. On comprend pourquoi, avec ces milliards de barils qui dorment sous la Tour Eiffel. Attention, il ne s’agit pas du pétrole habituel, mais d’un pétrole piégé dans des schistes, à 2500 mètres de profondeur. Pour arriver à produire, il faut beaucoup de relations politiques, car la technique repose sur la fracturation hydraulique – une eau à très, très forte pression – et des centaines de produits chimiques qui se retrouveront dans les nappes phréatiques.

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Mais Julien s’en fout, un peu comme s’il avait déjà des relations politiques, ce qui paraît hautement improbable. Le fait est qu’il parle avec une certaine assurance, comme a pu le constater le 30 avril 2010 le journaliste de Challenges Pierre-Henri de Menthon : « Rencontre, dans les jardins du Bristol, avec Julien Balkany (…) Le demi-frère de Patrick Balkany (…) s’apprête à annoncer un investissement de plusieurs centaines de millions de dollars avec une grande compagnie pétrolière pour une campagne de forage visant, dans la meilleure des hypothèses, à extraire de 100 000 à 150 000 barils par jour en Brie et en Beauce, soit la moitié de ce que produisent des pays comme le Congo ou le Gabon ».

C’est donc tout ce qu’il y a de sérieux. La loi française de 2005 oblige à diviser par quatre nos émissions de gaz à effet serre, mais le petit Julien s’apprête à les faire exploser. Toreador vient d’entrer à la Bourse de Paris – compartiment professionnel – et signé un accord avec le groupe américain Hess qui investira 200 millions d’euros, en espérant se rembourser sur les recettes pétrolières. Les camarades de jeu prétendent que le bassin parisien pourrait produire d’ici cinq ans environ 5 % de la consommation annuelle de pétrole en France, soit plus de 4 millions de tonnes. Un pactole.Julien, qui a, en plus du reste, un humour dévastateur, a même lâché : « On n’a pas seulement des idées en France. On a aussi du pétrole ! ». Tout lien évoqué entre Julien, son frère et l’ami de son frère qu’est marié à la chanteuse serait une belle saloperie.

Source: http://fabrice-nicolino.com/

(1) LCI

(2) Challenges