Tramway contre Tram Train, Épilogue politique

Tramway contre Tram Train, Épilogue politique

Première partie. L’élimination de la trame verte arborée, souhaitée et confiée au tramway par la municipalité de Tours, a été validée par la commission d’enquête publique avec son « avis favorable sans restriction » et déclarée « d’utilité publique » par le préfet.

C’est le résultat administratif de l’affrontement entre deux projets de transport pour l’agglomération tourangelle. Le tramway municipal triomphe administrativement avec la totalité de son contingent macabre. « Avis favorable sans restriction » et « utilité publique » du saccage des allées arborées de la ville. Le projet alternatif de tram train avancé par le front de convergence a été totalement ignoré.

Pour l’analyse politique et pour la compréhension de la notion de monopole radical développée par Ivan Illich (1), la prise en compte de ce qui est détruit a plus d’importance que ce que l’on construit.

Pourquoi cette destruction de la trame verte arborée a été unanimement validée par la technocratie ? Une mise en perspective historique des acteurs du drame peut être utile pour expliciter ce qui apparaît en première analyse au niveau local comme une simple confrontation technique entre machines.

La mondialisation et sa palette de péplums d’opérettes.

« Le cas Germain. »

Si avec son tramway, l’autocrate local peut se permettre la destruction du patrimoine arboré de la ville ce n’est pas seulement parce qu’il est le chef local de « La Gauche Plurielle » avec en poche des « Verts » disciplinés et une presse de désinformation à sa botte.

Son statut d’élu du « Peuple de Gauche » lui donne certes une large « base de masse » pour agir à sa guise. Mais tout ceci reste du folklore politicien traditionnel pour journalistes ou politologues patentés.

La presse nationale avance pour sa part une hypothèse plus obscure. Non officielle, elle est le secret de Polichinelle du maire : son réseau de relations occultes dans les coulisses des sociétés secrètes. Avec son cercle d’amitiés et de complicités politiques sectaires transcendant les partis son pouvoir serait tentaculaire. Nous ne somme pas sensés le savoir ; comme tout secret de Polichinelle, l’homme prend soin de bien le garder. L’autocrate local par ses relations secrètes serait le maillon central d’un nœud maçonnique complexe que L’Express appelle le « Système Germain » (2).

Cependant dans le monde réel directement sur l’avant-scène politique concrète, il existe une explication simple et plus prosaïque.
En devanture, le rôle de l’omni-président de tout à Tours est avant tout celui d’un histrion. Dans ses fonctions politiques, médiatiques et économiques il est somme toute relativement simple : amuser la galerie. Sa tâche comique est de générer des théories sociales pour valider mille et une bonnes raisons de libérer la « dette publique ». Il doit s’employer à donner un sens social avec une esthétique traditionnelle compréhensible ou autres fioritures folkloriques pour justifier la dilapidation des deniers publics.

Dans le nouvel espace politique du capitalisme mondialisé largement dominé par les transnationales, toutes les villes sont à vendre par concession d’exploitation des espaces techniques d’enfermements économiques à partager entre investisseurs. Dans ce « new deal », en définitive la fonction première d’autocrate local est d’être un sympathique camelot.

Le véritable pouvoir matériel est en fait ailleurs. Fondamentalement il se situe dans la puissance de feu des engins de chantier détenue et monopolisée par les transnationales du BTP. C’est ce pouvoir réel qui explique l’efficacité politique des mimiques et pantomimes politiques du grotesque autocrate local, ici à Tours comme partout dans le monde des républiques ou dictatures bananières.

De la même façon que Lula au Brésil est la figure folklorique de Monsanto, Germain est celle à Tours du BTP et d’Ikea et de l’ensemble de la Grande Distribution… Il est un masque de personnage politique traditionnel derrière lequel se cache la puissance de frappe des transnationales. Cette réalité n’est pas spécifiquement tourangelle, avec leurs engins de chantier constamment en action ou encore avec l’extension permanente de leurs « grandes surfaces », ces grandes entreprises étendent leur emprise économique et contrôlent matériellement la ville.

Dans son rôle d’interface politique il est exactement comme une étiquette d’esthétique traditionnelle de camembert pour un fromage 100% industriel.

D’une manière encore plus générale, dans leur constante propagande publicitaire pour perpétuer leur image de marque, les transnationales s’affichent toujours avec de beaux visages innocents et impeccablement souriants. Dans le monde médiatique des spots publicitaires elles emploient des potiches des deux sexes et dans le monde réel pour l’espace urbain ce rôle de potiche est assuré par les divers modèles d’autocrates locaux et les « hommes de gauche » sont en bonne place. Ces figures folkloriques et paternalistes recrutées dans la caste politicienne traditionnelle restent encore indispensables aux transnationales.

Tant qu’il y a du pétrole pour les maintenir en ordre de bataille, les machines expriment un grand besoin d’autocrates grotesques pour servir d’interface à visage humain à leur action de conquête et de privatisation de l’espace public.

Retour à la Grande Histoire, La métaphore de la locomotive…

En matière de figure politique grotesque, instrumentalisée par les forces réelles et occultes de l’histoire, Léon Tolstoï s’est attaqué à un « gros poisson » : Napoléon Bonaparte en personne. Autre chose donc que notre personnage d’opéra bouffe provincial dans la ville de Tours…

Dans « La Guerre et la Paix », sa réflexion philosophique sur l’histoire, l’illustre écrivain russe s’est bien aperçu que tous les qualités attribuées au  « grand  chef militaire », « incomparable stratège » et empereur des français : « c’est du bidon !» Pour expliquer les mouvements de la Grande Armée et la vaste boucherie européenne qu’ont été les Guerres Napoléoniennes, « le petit homme obèse aux mains potelées » n’est pas suffisant. Dans l’épilogue à son Roman, avant d’approfondir sa réflexion sur la Guerre, Léon Tolstoï enfonce le clou. Pour bien se faire comprendre, ne laisser aucune ambiguïté sur sa pensée, il parle au sujet de l’empereur des français, « d’instrument le plus insignifiant de l’histoire ».

A l’époque où il écrit son roman Léon Tolstoï ne peut pas être en mesure de donner une réponse claire au problème de la Guerre et la Paix dans l’Histoire. Mais il avance très loin dans l’analyse. Par la série des métaphores, il tente de faire comprendre que « l’homme gras aux mains potelées » n’est pas suffisant et même pas plus important qu’un des soldats anonymes de sa « Grande Armée », pour expliquer le mouvement criminel d’ensemble imposé aux peuples européens.

Au début du 19e siècle les grandes boucheries guerrières se présentent comme de vastes « bals costumés » mettant en scène dans un grand feu d’artifice et de fumigènes des hommes et des chevaux. La classe dominante de cette époque est celle capable de costumer les hommes, de les faire marcher au pas avec un fusil dans les bras. C’est la guerre dans sa forme folklorique traditionnelle.

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Pour annihiler le rôle exceptionnel attribué au grand empereur dans le « mouvement des peuples », Léon Tolstoï recourt à la métaphore de la locomotive. Ce ne sont pas les compétences professionnelles du machiniste, aussi grandes soient elles qui font avancer la locomotive. Il faut chercher pour l’histoire des « forces » plus profondes, plus puissantes et réellement matérielles ; surtout ne pas se satisfaire des compétences claironnées des chefs ou stratèges militaires.

Aujourd’hui la réponse au problème qui préoccupait Léon Tolstoï est claire : c’est l’énergie. Depuis le charbon et surtout avec l’avènement du pétrole comme énergie pilote de toutes choses dans le monde, l’énergie et la guerre sont les deux faces d’une même histoire. Pour cette « divinité maléfique » recherchée pour l’histoire par Léon Tolstoï, la guerre devient rationnelle et scientifique, elle s’organise aujourd’hui dans le civil pour être durablement une guerre aux chaumières, aux peuples indigènes et aux écosystèmes. Les « forces occultes » recherchées pour expliquer les paroxysmes de l’Histoire, se sont clarifiées et unifiées avec l’avènement du pétrole : l’Énergie (3).

Aujourd’hui cette entité totalement individualisée validant économiquement toutes les guerres, est monopolisée ; elle appartient aux transnationales. Le mot Énergie n’a émergé que très tardivement dans le langage économique et les discours politiques. Pour la France par exemple, dans la première moitié du 20e siècle on parlait encore de service ou d’ingénieurs des mines, de secrétaire d’État aux combustibles liquides, de directeur des carburants ; l’énergie centrale dans l’histoire n’était considérée que comme une quelconque matière première… De la même façon, au 19e siècle on parlait de « vapeur ».

L’énergie n’était pas encore tout à fait émancipée de ses manifestations concrètes.

Les figures grotesques de la divinité énergie.

Durant tout le 20e siècle, le pétrole et grâce à lui encore aujourd’hui les transnationales ont peuplé la planète de grotesques personnages, brutaux ou détraqués mentaux aux couleurs locales très folkloriques : ardents théocrates, enflammés autocrates, monarques infantiles, tyrans sanguinaires, guides suprêmes, dictateurs militaires, despotes asiatiques, raïs fanatiques, émirs lubriques, Shahs délirants, cheiks pervers, tous mis en scène dans des décors débiles et kitch d’opérette d’un autre âge. Mais aussi tous unanimes dans leur fonction politique moderne, ils se sont illustrés dans des répressions meurtrières de peuples, ethnies ou populations locales. Tous infaillibles, téléguidés par la « main invisible » de la fée énergie, ils livrent encore aujourd’hui leur territoire aux transnationales. Tous consciencieusement campés dans leur décorum grotesque assument leur rôle économique local de bons et loyaux potentats du capital.

Un siècle durant, sous le parrainage « bien veillant » des États-Unis d’Amérique ces figures indéboulonnables et héréditaires ont régulièrement défrayé la chronique des crimes contre les peuples. Tous ou presque sont paisiblement morts ou sont assurés de mourir de leur belle mort.

Les transnationales aujourd’hui dominantes dans l’économie mondiale ont grandement bénéficié de la longue et dévastatrice « Pax Americana ». Elles sont désormais en mesure, sur une Terre aujourd’hui largement pacifiée d’élargir leur champ de recrutement. Pour l’Amérique Latine le camarade Luiz Inacio Lula da Silva est devenu l’homme de paille de « Monsanto » au Brésil. Mais pas seulement, il l’est aussi pour toutes les transnationales et en particulier pour celles de l’énergie. A ce titre il se retrouve être la nouvelle figure « démocratique » et « même » sympathique de la guerre aux écosystèmes et aux peuples indigènes : déforestation extensive pour son industrie « agricole » des biocarburants, prospection pétrolière non conventionnelle en eaux profondes avec Petrobras, nouveau très grand barrage de Belo Monte avec GDF Suez, dépossédant sur le rio Xingu les amérindiens de leurs territoires et achats démesurés d’armement nucléaire à la France…

Après ses bons et loyaux services comme potentat de l’énergie et du capital international l’homme prend sa retraite mais confirme avec sa protégée Dilma Rousseff la tendance nouvelle des transnationales à élargir leur champ de recrutement en personnel politique. Meilleurs serviteurs dans le civil de la « divinité Énergie », les anciens dangereux « guerrieros » « d’extrêmes gauches » triomphent sur les anciens dictateurs militaires, mais en devenant exactement comme eux les figures locales du véritable pouvoir des transnationales.

Par rapport aux performances internationales du camarade Lula du Parti des Travailleurs, on mesure, pour notre autocrate local tout le chemin restant encore à faire. Mais l’homme dans son décor d’opérette a de grandes ambitions et a récemment décidé de mettre les bouchées doubles. Avec son PADD (4), sa « Femme Loire », son projet de « Tram Miroir », « Navire Amiral » dans son « quatrième paysage », ses « mariages romantiques » pour couples chinois et son monstre débile place du grand marché, il vise lui aussi la notoriété internationale. Pour le moment il a déjà réussi à attirer l’attention de la « Cour des Comptes » (5) et du Canard Enchainé (6). Mais avec l’avènement réel de son Tram Miroir et l’érection de ses tours jumelles cinq étoiles rue Nationale, sans aucun doute il concurrencera au moins quelques autocrates « psychopathes » tous vaillants remparts du Maghreb « non islamique » des transnationales.

Dans ce décor général, notre autocrate local n’est donc qu’un histrion de la réelle puissance de feu des engins de chantiers monopolisée par les transnationales. Comme tous les autocrates locaux du monde dans leur pays ou ville d’opérette, il assume son rôle de « grand bâtisseur », avec son tramway, il livre la ville aux engins de chantier.

Fin de la première partie
Tours le 27 Janvier 2011
JMS

(1) Ivan Illich « Énergie et Équité » Seuil 1973
(2) Le système Germain. Francs-maçons: le poids des loges par Benjamin Peyrel, L’Express, publié le 14/09/2006 – mis à jour le 02/10/2006.
(3) http://carfree.fr/index.php/2011/01/08/la-course-aux-energies
(4) Penser Tours, Plan Local d’Urbanisme., PADD http://www.urbanisme.tours.fr/
(5) http://www.rue89.com/confidentiels/2011/01/22/emplois-presque-fictifs-pour-un-ex-ministre-ump-et-un-maire-ps-186611
(6) La Nouvelle République 30 09 2010
Nouvelle République : Les mariages chinois sont  » suspendus  »

Un commentaire sur “Tramway contre Tram Train, Épilogue politique

  1. blaise

    Oh faut pas cracher sur tout quand même! Il est très bien le monstre de la place du grand marché…

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