Dictature et Kleptocratie Automobile

Le peuple révèle un modèle réduit de kleptocratie

Les amis de Ben Ali sont nombreux et haut-placés en France. Un carnet d’adresses bien rempli recouvrant l’ensemble des rouages et couleurs du pouvoir. Au gouvernement comme dans l’opposition, que des amis et, summum de la respectabilité, le parti de Ben Ali est membre de plein droit de l’internationale socialiste. Ami de la Sarkozie et élève exemplaire aux yeux sévères du FMI, c’est Ben Ali.

François, Lionel, Jacques, Nicolas et les sbires : Michèle de la guerre, Frédéric de la culture et Bertrand le maire et bien d’autres en coulisse; de 1989 à 2011 tous les grands noms de la « démocratie avancée » de Droite comme de Gauche ont mis un point d’honneur à souligner, s’il était nécessaire, l’exemplarité du Ben-Alisme pour l’économie et la démocratie (1).

Pour la haute et bonne société bien pensante des grandes démocraties et en particulier celle de la « démocratie avancée », Ben Ali assurait la lourde et difficile tache historique d’être un rempart contre l’islamisme.

Pour le « bas peuple » tunisien, pas forcément capable de comprendre les subtilités de la diplomatie occidentale ou de séparer les amis et les ennemis de la démocratie, Ben Ali était un dictateur sanguinaire, un tortionnaire et un kleptocrate.

Leur révolte à mis fin à un quart de siècle d’exemplarité démocratique et économique régulièrement unanimement vantée dans la capitale de la Patrie des Droits de l’Homme.

Le peuple tunisien a mis en fuite la famille Ben Ali, le libérant en quelque sorte de son rôle contraignant de rempart contre l’islamisme. A la suite de cet événement, la presse occidentale unanime a révélé dans le détail que l’homme tant vénéré en France était bien comme le vivaient au quotidien les tunisiens, un dictateur tortionnaire et kleptocrate.

La chose a été confirmée de manière officielle, les avoirs de la famille Ben Ali ont été « gelés ».

Pour l’amie Michèle, la ministresse française de la guerre, l’explication des mésaventures de la famille Ben Ali est claire. L’irréprochable ami proche de la « démocratie avancée » en poste en Tunisie n’a pas pu bénéficier du « savoir-faire de nos forces de sécurité ». Le dispositif d’intervention rapide pour « régler des situations de ce type » et sauver le rempart anti-islamiste était prêt. Mais la suite des événements a imposé d’écrire une autre histoire…

Le kleptocrate ancien rempart anti-islamiste, abandonné par la démocratie, a pris la fuite pour se réfugier chez un ami musulman en pays ami.

A combien s’élèvent les indemnités de licenciement ou de remerciement ou encore le parachute de fuite de l’ancien président ? Un banquier suisse pourrait nous donner le détail en euro et faire la conversion en lingots de métaux précieux. Disons, pour l’humble peuple éloigné des subtilités monétaires et financières en puissance de dix, disons « un gros, gros magot ».

Dictature automobile rempart de la démocratie.

Dans les deux premières décennies d’après guerre il y avait suffisamment de demeurés pour croire en l’utilité multiple, sociale, économique, politique et même démocratique du développement de l’industrie automobile. Probablement majoritaire, cette base de masse de demeurés permettait aux élus du peuple et au nom du peuple de soutenir cette industrie unanimement considérée à cette époque comme le fer de lance de l’emploi (salarié) et de la liberté (motorisée).

Dans les années 1970 le décor change, le désastre est plus qu’évident. Dégâts irréversibles aux écosystèmes, pollutions exponentielles chimiques et acoustiques de l’atmosphérique, catastrophe sanitaire…

Des observateurs impressionnés ont pu parler de « guerre » ou de « dictature automobile ». D’autres plus critiques ont pu décrypter le système de la pègre automobile.

Alfred Sauvy, dans les « Quatre Roues de la Fortune » (2) a très bien décrit l’invasion automobile de la ville et l’arbitraire technocratique ayant présidé au désastre. Il a aussi montré l’émergence brutale des nouvelles mortalités de la circulation automobile supplantant les maladies infectieuses et la tuberculose en particulier dans les premières places des statistiques officielles. Mort violente par milliers, cancers et maladies cardiovasculaires se partagent les victimes par dizaines et centaines de milliers.

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Ivan Illich plus subtil et subversif dans son opuscule « Énergie et Équité » (3) décrit les mécanismes redoutablement efficaces d’oppression et de spoliation et l’injustice intrinsèque de l’industrie automobile en monopole radical du transport.

Dans les années 1970 on était déjà en mesure de chiffrer le coût social de l’industrie automobile déjà perçue comme anachronique (4) par certains analystes experts officiels.

Mais le nombre des demeurés a continué à augmenter et la France a pu devenir une « démocratie avancée » avec l’industrie automobile, son fer de lance du « progrès social » pour « faire espérer Billancourt »…

L’ère ouverte des kleptocrates

Dans la première décennie du 21e siècle on entre de plein pied dans l’ère ouverte des kleptocrates automobiles. Le « peak oil » est derrière nous et le « peak car » l’a suivi de près en 2007 (5). Grâce à la Chine la chute mondiale des ventes de voitures a été presque en totalité amortie. Mais dans les « Grandes Démocraties » occidentales, c’est grâce à la pègre des kleptocrates qu’ont été soutenues les ventes par des millions de subventions.

Alors que « Billancourt désespère » devant les licenciements et les délocalisations, sans honte l’État finance massivement en pure perte l’industrie automobile…

Une spoliation massive des deniers publics à laquelle il faut ajouter la spoliation du territoire par les transnationales et le « juteux business des sociétés d’autoroute » (6)

A combien s’élèvent les dernières bouffées de spoliation de la population organisée par la pègre des kleptocrates automobiles en France ? Des économistes pourraient nous dire un chiffre. Pour l’humble peuple éloigné des subtilités monétaires en puissance de dix, disons un « très, très gros magot ».

Dictature automobile, kleptocratie automobile, spoliation territoriale, morts violentes tous les ans par milliers et dilapidation des deniers publics, peut-on parler aujourd’hui de Ben Alisme automobile en France ?

En cas de réponse affirmative, une consigne de sécurité s’impose. Il est formellement déconseillé de s’immoler par le feu. Geste totalement inutile en France, car il peut être facilement psychiatrisé par une cellule de soutien psychologique et, dans tous les cas, la mère Michèle de la guerre nous a révélé que les « savoir-faire de nos forces de sécurité » sont capable de « régler des situations de ce type ». Par ses services de police, la démocratie est mieux armée contre « la rue » pour pérenniser la république des kleptocrates.

Donc, la réponse est négative, la « démocratie française», contrairement au Ben Alisme est capable de « psychiatriser » la révolte et l’indignation et par les « savoir-faire de ses services de sécurité » d’étouffer la vérité du peuple.

Tours le 4 février 2011
JMS

(1) Courrier International n° 1055 janvier 2011 « Petits compromis entre si bon amis ».
(2) Les Quatre Roues De La Fortune, Essai Sur L’automobile
(3) Energie et équité – 1973
(4) La ville et l’automobile dans les années 1970
(5) Courrier International n° 1051 du 22 décembre 2010. « Dernier sursaut avant la panne »
(6) Le juteux business des sociétés d’autoroute