Lettre ouverte au Maire de Lyon

Gérard Collomb, maire de Lyon

Monsieur le Maire,

aujourd’hui j’ai été verbalisé. Oui oui, par la police. Oh non, je n’avais grillé aucun feu, grillé aucune priorité, menacé personne sinon visiblement l’ordre public. Non, en fait j’ai roulé sur la ligne de tramways. Ah oui, j’oubliais de vous dire, j’étais en vélo. 22 euros pour avoir circulé sur la ligne de trams. En ces temps de pollution atmosphérique persistante sur l’agglomération lyonnaise, il aurait sans doute mieux valu que je circule en voiture, là au moins j’aurais été certain de trouver des voies de circulation rien que pour mon moyen de déplacement. Que voulez-vous, vous avez fait le choix de ne rien faire contre cette pollution, sinon recommander aux personnes sensibles de s’abstenir de faire des efforts physiques, et ça passe par la verbalisation du cycliste de base.

Oh, je vois très bien ce que vous allez penser: encore un qui réclame qu’on lui fasse sauter un PV. Eh bien non. Je l’ai payé immédiatement, et envoyé à qui de droit. Non, vous demander cela, même si ce PV est injustifié, pour les raisons que je vais exposer ci-dessous, cela aurait signifié vous être redevable, tributaire. Or cela, je le refuse. Par contre, vous, en tant qu’élu du Peuple, vous êtes responsable devant les citoyens. En termes politiques. En termes de politiques de transports. En termes de politique de santé publique. Et j’ai bien l’intention de vous demander des comptes. Car votre politique de transports, concernant les modes de déplacement que le site de la ville nomme « doux », est mauvaise. Oui, mauvaise, tout simplement. En fait, elle est clairement le fait de personnes qui n’utilisent pas le vélo.

Mais laissez-moi vous montrer que votre politique est mauvaise à partir de l’exemple de ma verbalisation, avant de donner quelques autres exemples.

Vivant dans le centre de Lyon, je n’ai pas de voiture. Je ne me déplace qu’à pied, à vélo et parfois en métro. Cela implique quelques sacrifices, certes, mais qui valent la peine il me semble comme contribution à la vie en commun dans la ville. Au moins j’évite d’enfumer mes voisins. Je travaille près du métro Debourg, dans le 6e arrondissement. Parfois je prends les voies sur berges (en risquant ma vie à chaque traversée du Pont Morand), parfois je passe par la Rue Jean Jaurès, l’Avenue Berthelot et les rues de la Presqu’île. C’est par là que je passais ce soir, lorsque je me suis fait arrêter, sur la voie des tramways. Argument de la police: il existe des voies cyclables parallèles à la voie des trams.

Faisant remarquer alors que la police était peu présente lorsque des voitures sont stationnées sur les pistes cyclables, en particulier Cours Charlemagne, il m’a été répondu que seuls huit agents étaient affectés, pour toute l’agglomération, à la circulation cycliste. Fichtre, me suis-je dit, j’ai joué de malchance. Et puis je me suis tout de même fait la remarque que huit agents, c’était peu. Il me semble que ce chiffre donne en soi, dans une société si préoccupée par la « sécurité » toute la mesure de la politique cycliste de la ville de Lyon…

Mas passons. Outre le fait que dans de nombreuses villes les vélos empruntent ces voies (Strasbourg, Graz pour n’en citer que deux), outre le fait que visiblement les TCL sont fort préoccupées par cette circulation au point de recourir à la police, l’assertion de la police est fausse. Ces voies cyclistes n’en sont pas. Ce sont de simples lignes blanches dessinées sur le trottoir. Promenez-vous y, vous verrez. Le piéton, s’il veut suivre le « trottoir » (hors de « pistes cyclables ») est forcé d’utiliser régulièrement la route, à moins qu’il n’aime escalader les arbres. En fait, bien sûr, il marche sur les pistes cyclables. Ces pistes n’en sont donc pas, elles ne font que retirer aux piétons un espace que visiblement l’automobile, peu partageuse, ne veut céder. En outre, cette piste disparaît à un moment donné, et il faut, selon l’agent, soit descendre à pied soit prendre un détour. J’imagine la tête de l’automobiliste à qui on conseillerait de descendre de son véhicule pour marcher… Non, avouez que c’est idiot. Mais Lyon est assez spécialiste des pistes cyclables qui s’évanouissent, sans parler de celles dessinées à la va-vite sur un trottoir, s’effaçant lorsque, comme sur l’avenue Jean Jaurès, elles rencontrent un piler, une station de métro, des travaux, que sais-je encore…

Lire aussi :  Ces entreprises qui vont vous payer pour faire du vélo

Vous allez dire que je m’acharne sur cette partie de la ville. Certes. Mais rassurez-vous, j’en ai autant à l’adresse des autres arrondissements. Tenez, le 1er, puisque j’y vis. Cet été, le Grand Lyon (oui, ça n’est pas la Mairie, mais vous en êtes aussi Président, c’est très pratique, je peux donc vous en parler en même temps) a décidé de faire dessiner sur le sol des rues des Pentes des pistes cyclables afin que les vélos puissent circuler en sens inverse. C’est bien sûr une farce. Outre que les voitures, qui circulent souvent au-delà des 50 km/h réglementaires, ne les voient pas, ces marques, les rues mesurant à peine plus de 2m50 sont peu propices aux croisements bicyclette / automobile. Devinez qui se trouve régulièrement obligé de monter sur le trottoir? Non non, pas la voiture.

Bref, cette farce n’aurait de sens que si elle était un prélude à une interdiction de la circulation automobile sur les Pentes, puis sur la Presqu’île et graduellement dans la plupart des zones densément habitées. Ou alors la communication de la ville sur les « modes de transport doux » n’est elle aussi qu’une farce, un leurre. Et je pourrais multiplier les exemples.

J’espère avoir démontré par ces quelques exemples que votre politique en matière de « transport doux » n’en est pas une. Elle est une juxtaposition de mesurettes, parfois plus nocives qu’efficaces, pour donner une coloration verte à la politique de la ville. Lyon reste une ville faite presque exclusivement pour les voitures.

Je sollicite donc un rendez-vous avec vous pour connaître vos intentions politiques sur le futur de votre politique cycliste, en compagnie bien sûr des responsables des associations de cyclistes de la ville de Lyon.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes salutations distinguées,

James Costa

14 commentaires sur “Lettre ouverte au Maire de Lyon

  1. JiBOM

    Le plus triste est que ce texte – à quelques détails près, le fond étant là – est transposable à beaucoup de villes, même moyennes.

    J’ai vécu les 20 premières années de ma vie à Châtellerault (Vienne), 35000 habitants. J’y ai beaucoup circulé à vélo. Ce n’est, certes, globalement pas très compliqué mais des difficultés persistent à certains carrefours, y compris en centre-ville où se faire petit est une très mauvaise idée !
    On y retrouve les mêmes pistes ou voies cyclables s’arrêtant inopinément (je suis de mauvaise foi, y a des panneaux qui préviennent ; voyez comme c’est sympa !) et qui ne servent qu’à comptabiliser le kilométrage de bonne conscience politique et pérenniser le phagocytage automobile de lieux pas encore trop étouffants.

    En élargissant un peu la discussion, je lisais, il y a quelques mois, que les transports en commun (bus) de cette ville ne pouvaient pas s’inscrire dans un enjeu de transfert modal et de diminution sensible de la pollution au regard du relatif faible encombrement des rues et des contraintes par conséquent limitées de l’utilisation de la voiture. A cela, il faut y ajouter :
    – la politique commerciale et industrielle (création et agrandissement des zones périphériques) ;
    – l’absence de volonté franche de ne limiter la circulation automobile qu’à certains axes (faut pas froisser les totomobilistes ni les commerçants du centre) ;
    – l’étalement urbain (conséquence de la mobilité accrue, puis cause de l’accroissement encore plus important de cette mobilité), qui, quoi qu’on en dise, est toujours en vogue là où les conséquences du bagnolisme sont « peu visibles ».

    Châtellerault se vante d’être une ville à la campagne (et c’est vrai) et à taille humaine (c’est vrai aussi : 4 km est-ouest et 6 km nord-sud). Mais alors pourquoi tant de gens n’envisagent-ils le déplacement de base qu’avec une voiture ? Ils ne sont pourtant pas tous handicapés ! Le très large boulevard Blossac avec sa promenade centrale n’est en fait qu’un vulgaire parking de surface où même les zones ridiculement petites réservées aux piétons sont régulièrement squattées par ces monstres à 4 roues. Aucun être humain normalement constitué ne peut s’y prélasser. De même, circuler à vélo n’est un plaisir que dans quelques endroits isolés (ou le dimanche !).

    Ce n’est qu’un témoignage qui ne changera rien à l’affaire, mais il a le mérite de montrer que les problèmes existent partout et que l’habitude rend les gens aveugles et sourds à leurs propres excès.

  2. Gari

    Rien à ajouter sur le fond de la lettre ouverte, que je trouve tout à fait pertinente en ce qui concerne les aménagements cyclables qui n’en sont pas, dans la plupart des villes (je ne parle pas de Lyon, que je ne connais pas).

    Par contre, petite réaction sur une phrase en particulier :

    « Cela [ne pas avoir de voiture] implique quelques sacrifices, certes, mais qui valent la peine il me semble comme contribution à la vie en commun dans la ville. »

    Hum ah bon ? Ne pas avoir de voiture quand on habite en centre-ville implique des sacrifices ? J’aurais plutôt utilisé le mot « choix ». On fait des choix. Ce ne sont des sacrifices que si on le veut bien… Si même les cyclistes anti-poiture se mettent à dire que ne pas avoir de voiture implique de faire des sacrifices…

  3. baillecyclist

    « Ce ne sont des sacrifices que si on le veut bien »
    Si je voulais une voiture, je devrais faire des sacrifices!

  4. Minou

    Je suis absolument d’accord avec Gari. Comme vous, James Costa, je vis en plein centre, dans le 1er arrondissement. En quoi est-ce un sacrifice de ne pas avoir de bagnole ?
    Il n’y a pas à écrire à ce connard de Collomb. Il faut le dégager.
    Ce n’est pas en étant gentillet que les choses vont changer. Il faut un rapport de force.

    COLLOMB, DÉGAGE !

  5. Le cycliste intraitable

    Ne pas avoir de voiture n’est pas un sacrifice. Ne plus en avoir est plus délicat, car quand on a une voiture on a une fâcheuse tendance à en dépendre pour sa vie quotidienne et ses relations sociales. C’est d’ailleurs la même chose à vélo, mais la dépendance au vélo est moins nocive que la dépendance à la bagnole…

  6. Cyclo randonneur

    Oui! j’approuve totalement les propos de l’auteur de cette lettre ouverte au maire de Lyon. Aprés avoir milité pour le strict respect du code de la route et de la règlementation je me suis désespéré de ne pas voir grandir la place du vélo dans la ville de Lyon. Je suis devenu plus libertaire.
    Par contre on peut posséder une auto et ne jamais s’en servir en zone urbaine. C’est possible et c’est mon cas depuis 15 ans. Il faut un peu de volonté
    1500 km /an dans lyon qu’il pleuve neige vente de jour comme de nuit
    Et bon vent dans le dos

  7. cricri le cyclo

    Bonjour,

    il m’arrive en tant que velotafeur de rouler sur les voies de trams pour les mêmes raisons que vous, mais pour l’instant sans amende.

    Avez vous eu une réponse de Monsieur le maire ?

  8. Jean-Marc

    Comme d’autre, je roule sur des voies de tram (à contresens des trams, pour les voir arriver de face, avec changement de voie quand ils approchent), afin de profiter d’une belle voie, au lieu d’être coincé par des voitures qui me collent, et risquent de me renverser à chaque dépassement (la chaussée est particulièrement étroite à coté du tram).

    J’ai prévu de rouler sur ces voies jusqu’à ce que -peut-être- un jour, je reçoive une amende.

    Ce jour-là, je n’utiliserai plus jamais la voie tram :
    Je me mettrais juste au 1/3 de la chaussée, afin de ne pas être renversé par une voiture, avec un gilet fluo précisant que la voie tram est interdite.
    Je pense que les automobilistes bloqués derrière moi apprécieront…
    Mais je n ai pas à rouler dans le caniveau pour les laisser passer.

    L’usage des voies tram par les cyclistes arrange les cyclistes, les automobilistes, et -sauf cycliste faisant le con ou accident- ne gène en rien les trams.
    Une modification de la loi serait vraiment bienvenue.

    p.s.
    Une voiture de policiers à déjà roulé à coté de moi, coté chaussée, sans rien me dire.
    Mais je ne suis pas sûr que celà soit dû à une consigne généralisée : la règlementation dans l agglo est précise : c’est interdit.

  9. JX75

    Je m’inquiétais beaucoup de l’état et de l’encombrement des pistes cyclables quand j’ai commencé à faire du vélotaf il y a un an et demi.

    Maintenant je roule le plus souvent sur les voies de bus (ouvertes aux cyclistes à Paris) ou à défaut sur les mêmes voies que les voitures. L’entretien est mieux fait, la chaussée n’est pas déformée par les racines, on ne se mange pas de trottoir à chaque croisement, les voitures n’y stationnent pas, on n’y croise pas de piétons… Que du bonheur.

  10. Cyclo randonneur

    En roulant sur une voie interdite vous prenez la responsabilité, en cas d’accident, de voir votre assurance limiter votre indemnisation du fait que vous êtes en infraction. C’est arrivé à des cyclistes roulant non éclairés.
    Votre attitude libertaire ne sert pas la cause du vélo. L’interdiction du rouler sur une voie ferrée est générale et n’est pas spécifique à Lyon. Agissez auprès des associations de cyclistes pour qu’ils proposent un changement de la règlementation.
    Personnellement je ne me risquerai jamais sur les voies du tram même si c’est confortable apparament mais pas plus sûr que la chaussée. Apprenez à ne pas craindre l’environnement automobilistique et il est toujours possible à Lyon de trouver un itinéraire moins encombré (et moins pollué). Encore faut il vouloir le chercher.

  11. grillot

    Je pédale à marseille tous les jours et je peux vous garantir que cette ville est aussi vélophobe tant par sa politique d’aménagement urbain que part sa police municipale dont les agents ne sont pas du tout équipés d’origine pour faire preuve de dicernement.Je ne leur en veut pas lorsque l’on connait les critères de recrutement. Par contre, il serait interressant que nous les cyclistes engagés arrivions a nous fédérer en collectif et a déposer plainte systhématiquement contre les villes; mairies qui ne respectent pas la règlementation en matière d’aménagement cycliste urbain à savoir des pistes cyclables souvent trop étroites alors qu’il existe une largeur obligatoire, mal signalées, non dédieés enfin tout ce qui porte atteinte à notre vie si fragile pour mise en danger d’autrui. Si parmis vous il y a des juristes, avocats, je suis sur que cela vaut la peine de creuser un peu et comme le disait coluche de leur foutre au cul. Je suis prêt et déterminé a bientôt

  12. grillot

    Bonjour a tous,
    Merci à toi flower pour l’info je les connais oui; ils ont un bel atelier mais malheureusement comme beaucoup d’asso subventionnées, ils sont muselés par la mairie; si il la ramène un peu trop, on leur supprime la mairie leur supprime la subvention sympas non.Une réaction au propos de cyclo randonneur: statistiquement il est évident que tu as beaucoup plus de chance d’avoir un accident sur une rue ou circule des centaines de voitures que sur une voie de métro ça tombe sous le sens.Maintenant c’est ton droit d’obéir à un code et des lois absurdes; c’est ce que veulent nos gouvernants un troupeau de moutons dociles. Continue à être trés obéissant c’est bien mais tu devra expliquer à tes enfants pourquoi ils ont un oeil au millieu du front.Je suis alluciné d’entendre des conneries pareilles à bientôt

  13. Cyclo randonneur

    Je répond à Grillot
    Je croyais que ce forum était modéré.
    A lire votre dernier message je constate quil n’en est rien. La modération des propos et un minimum de courtoisie seraient les bienvenus.
    Les insultes du type « conneries » n’ont pas leur place ou alors les mots n’ont plus de sens : question de génération ou de culture sans doute.

    En conséquence je me désabonne de ce forum et vous laisse à votre grossièreté.

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